5 questions à ... Martine Aubry

Cela fait déjà quelques années que nous connaissions ce projet de base de données sur les monuments aux morts lancé par l’Université Lille 3 et l’Institut de recherches historiques du Septentrion et, pour tout dire, nous n’étions pas convaincus. Pour être honnête, nous ne comprenions pas en quoi ce site se distinguait d’une démarche telle que celle portée par les équipes de mémorialgenweb. Et puis lors d’une journée d’études organisées lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois nous avons rencontré Martine Aubry, ingénieur de recherches et cheville ouvrière de ce projet qui nous a non seulement expliqué son intérêt mais convaincu de vous en parler ! De plus, celui-ci ne se cantonne désormais plus au seul nord de la France mais à l’Hexagone tout entier, donc à la Bretagne ! Rencontre avec une personne qui rappelle que non seulement le monument aux morts est un objet historique ayant encore beaucoup à nous dire mais qui prouve – si besoin était – que le net associé à une démarche collaborative contrôlée peut servir la recherche scientifique.

 

L'Institut de recherches historiques du Septentrion vient de lancer la deuxième version de sa base de données des monuments aux morts sur internet. Pouvez-vous nous dévoiler l'histoire de ce projet?

 Le projet a commencé en 2011. Matthieu de Oliveira, Maître de conférences à Lille 3, a demandé à ses étudiants de licence de rédiger un dossier sur le monument aux morts de leur commune, selon une première grille réalisée à cette occasion. Ensuite, à partir  de cette ébauche de travail de recherche, une équipe s'est constituée autour de Robert Vandenbussche, Matthieu de Oliveira, Élise Julien et moi-même pour aller plus loin. Au départ, cela devait aboutir à une publication papier traditionnelle, puis au fil des réunions et des documents rassemblés, la constitution d'une base s'est imposée et nous avons commencé par une simple base sous Filemaker.

Ensuite cela a abouti à la version 1 de la base, mise en ligne pour le grand public.  Les appels de la Mission du Centenaire 14-18 nous ont permis d'aller vers une version 2 plus collaborative. Chacun des membres de notre unité s'est pris au jeu et a collaboré soit en allant faire des photographies actuelles (en fonction de week-ends ou de vacances), soit en traquant les cartes postales (sur le Nord-Pas-de-Calais) que nous n'aurions pas trouvé.

Capture d'écran de la base de données des monuments aux morts lancée par l'IRHIS.

Fondamentalement, qu'est-ce qui distingue cette base de données d'un outil tel que memorialgenweb?

Notre démarche a été réalisée sur l'étude du monument dans son ensemble. Architecture, sculptures, auteurs du monument, vie du monument avec les documents d'archives. Bien sûr nous relevons les noms des morts, car ils font partie du monument. Cependant nous n'étudions pas la vie de chacun des morts inscrits sur le monument, ce que font les sites généalogistes.

D'autre part, nous inscrivons les noms tels qu'ils sont notés sur le monument, c'est-à-dire pas systématiquement par ordre alphabétique. Certains monuments indiquent leurs morts par ordre de chronologique (14 15 16 etc.) ou dans des communes ayant peu de morts on trouve les noms suivis du grade, de la date de naissance, la date de mort, le lieu... Ensuite les morts des différentes guerres ne sont pas mélangés. Les morts des guerres suivantes sont souvent rajoutés sur le monument ou sur des plaques supplémentaires. Les noms des morts font l'objet systématiquement d'une photographie.

Cependant nous renvoyons systématiquement vers les sites de généalogistes et en particulier memorialgenweb pour permettre au lecteur de pouvoir se renseigner sur les morts.

Vous expliquiez à Blois, lors des 16e Rendez-vous de l'Histoire, que vous avez opté pour un système d'administrateurs secondaires. Peut-on parler à ce sujet de modèle participatif contrôlé? Quel est la raison de ce choix?

Nous souhaitions pouvoir tout de même contrôler les mises en ligne des informations que l'on pourra nous faire. Oui on peut parler de modèle participatif contrôlé.

À partir du moment où l'aspect recherche de la base de données est un des points qui a été retenu par la Mission du Centenaire, il nous apparaissait important de garder la main sur les informations déposées.

Le monument aux morts de Lézrdrieux est l'un des premiers de Bretagne à figurer dans cette base de données. A vous de l'enrichir!

Quelle place, à terme, tiendra la Bretagne dans votre projet?

J'espère importante. Nous venons juste d'être contactés (effet Blois ?) par des enseignants de Bretagne qui souhaitent travailler avec des classes de 3e. Je leur ai immédiatement répondu. Je leur ai même envoyé la liste d'autorité réalisée pour remplir les caractéristiques Mots-clés du Monument pour la communiquer aux élèves.

Pouvez-vous nous parler des possibilités pédagogiques qu'offre votre projet

Les possibilités sont immenses. On peut travailler avec les services pédagogiques des divers rectorats ou services d'archives. Dans le Nord, nous travaillons avec le service éducatif des Archives du Nord, et nous avons fait des démonstrations auprès d'enseignants.

Il est possible de faire travailler des classes à partir d'une fiche type du monument de leur village. À partir de là, un travail autour du monument et surtout une recherche de documents ou de photographies non existants peut se faire (recherche dans la presse d'époque et même actuelle pour enrichir la time line, recherche dans des dépôts d'archives communales, ou dans des fonds de famille de photographies qui retraceraient éventuellement des inaugurations, ou d'autres manifestations...)