5 questions à… Stéphanie Trouillard

Celles et ceux qui fréquentent les réseaux sociaux et suivent les comptes d’En Envor sur Twitter et Facebook connaissent Stéphanie Trouillard. Journaliste à France 24 spécialisée dans le traitement des commémorations des deux conflits mondiaux, elle est aussi une Bretonne partie sur les traces de son grand-oncle, résistant du maquis de Saint-Marcel tombé lors du massacre de Kerihuel le 12 juillet 1944, en même temps que Pierre Marienne.

 

Que savez-vous d’André Gondet ?

Au début de mes recherches, je ne savais à peu près rien sur lui. Dans ma famille, nous étions bien sûr au courant qu'un frère de mon grand-père avait été tué en tant que résistant, mais nous n'avions pas beaucoup plus de détails. Mon grand-père n'aimait pas du tout parler de cette période. Perdre son frère si jeune l'avait traumatisé et il ne voulait pas évoquer la guerre. Personne ne lui avait donc posé de questions et quand il est décédé, il était bien entendu trop tard pour faire marche arrière. J'ai donc commencé mes recherches à partir d'une seule photographie, d'une date de naissance et de celle de son décès à la ferme de Kérihuel. J'ai découvert très vite qu'il avait un dossier de FFI aux archives de Vincennes. Dans celui-ci il y avait de nombreux éléments qui m'ont permis de remonter sa courte vie. C'était le début d'une enquête. J'ai appris notamment au cours des mois suivants qu'il s'était caché à Guéhenno avant d'entrer dans le maquis et qu'il y travaillait comme mécanicien chez le maréchal ferrant Jean Meur. C'est ensuite au hasard d'un livre sur Bohal que j'ai eu connaissance du fait qu'il avait été envoyé en Allemagne au STO. Personne dans ma famille n'en avait jamais entendu parler. A partir de là, je me suis aussi lancée sur sa trace de l'autre côté du Rhin.

Scéne de parachutage reconstituée au Musée de la Résistance bretonne à Saint-Marcel. Carte postale datant des années 1980. Collection particulière.

Quelles sont les archives que vous avez déjà consultées le concernant ?

J'ai commencé par les archives du ministère de la défense au château de Vincennes. J'ai consulté bien entendu celles du Morbihan. Je suis aussi allée au Bureau des archives des victimes des conflits contemporaines de Caen. A Paris, je me suis rendue aux archives de la Préfecture de police et aux Archives nationales pour consulter les fonds sur le STO. En ce qui concerne l'Allemagne, j'ai eu la chance d'être reçue aux archives de la région de Karlsruhe, où il a été envoyé. Pour le reste, j'ai surtout obtenu des informations grâce à de nombreux témoignages d'habitants de la région. Je les ai contactés par courrier ou par téléphone. De bouche à oreille, beaucoup de personnes m'ont également aidé.

Aujourd’hui, vous lancez un appel à témoignages et documents à propos d’André Gondet ?

J'arrive en effet au bout de mes recherches dans les archives. J'ai pensé que je pouvais boucler cette enquête en lançant un dernier appel à témoins dans les médias de la région. En diffusant sa photo, peut-être que quelqu'un se souviendra de l'avoir connu à l'époque. Ecouter un témoin vous raconter de vive voix ces événements tragiques et héroïques sera toujours plus fort que la lecture d'un dossier dans une salle d'archive. D'autre part, il n'est pas toujours facile de retrouver certaines personnes, spécialement les femmes, car elles ont pu changer de nom en se mariant. D'autres habitants de Bohal, Guéhenno ou Saint-Marcel où a vécu mon grand-oncle, ont peut-être aussi déménagé dans d'autres villes au cours de leur vie.

Un garage reconstitué au Musée de la Résistance bretonne à Saint-Marcel. Carte postale datant des années 1980. Collection particulière.

Comme est venue l’idée d’écrire sa biographie ?

Au départ, je voulais tout simplement en apprendre plus sur ce grand-oncle. Mais au fil des mois, après avoir obtenu autant d'informations, je me suis dit que ce serait intéressant de tout rassembler sous la forme d'un livre. Il y a de nombreux ouvrages historiques sur la Libération et la résistance française mais peu s'intéressent à la figure de ces héros anonymes. Il ne s'agit pas à proprement parler de sa biographie mais aussi de montrer mon cheminement au cours de ces recherches. Soixante-ans dix après les faits, j'ai pu me rendre compte que cette période était encore très douloureuse. Beaucoup de gens m'ont parlé alors qu'ils ne l'avaient pas fait auparavant. Il est intéressant de comprendre comment cette cicatrice s'est parfois transmise de génération en génération. L'histoire de mon grand-oncle n'était pas vraiment connue par ma famille, mais pourtant elle nous hantait d'une certaine façon. Il s'agit aussi d'aller à la rencontre des fantômes du passé.

Une rue sous l'occupation. Scène reconstituée au Musée de la Résistance bretonne à Saint-Marcel. Carte postale datant des années 1980. Collection particulière.

 Les difficultés que vous éprouvez ne sont-elles finalement pas à l’image des turpitudes qui, en ce moment, agitent la mémoire de la Résistance dans le secteur de Saint-Marcel ?

Quand vous parlez de turpitudes, s'agit-il des problèmes financiers du Musée de la résistance? Les problèmes que j'ai rencontrés sont plus de l'ordre de la transmission et de la disparition des derniers témoins. Certaines personnes ne veulent toujours pas en parler car cela fait ressortir un passé douloureux et parce que des tensions datant de cette époque sont toujours vives. D'autres au contraire, semblent heureuses de se libérer d'un certain poids. Elles apprécient aussi que les plus jeunes générations s'intéressent à ce qu'elles ont vécu. D'autre part, si j'avais commencé mes recherches cinq ans plus tôt, j'aurais certainement eu plus de réponses. Il m'est arrivé plusieurs fois de retrouver un témoin et d'apprendre qu'il venait malheureusement juste de décéder.

 

Nous ne pouvons bien entendu que nous associer à l’appel à témoins lancé par Stéphanie Trouillard. Pour y répondre, adressez un mail à contact@enenvor.fr : nous transmettrons votre message !