le drame de l'Amoco

Le naufrage de l’Amoco Cadiz est assurément un drame majeur. C’est en effet le 16 mars 1978, par un fort coup de vent d’ouest, que la remorque du pétrolier en perdition casse. A 22 heures, poussé sur la côte par les courants, le navire s’éventre sur Portsall, libérant des milliers de mètres cubes de mazout. Onze ans après Torrey Canyon, la Bretagne est de nouveau confrontée à une marée noire.

Le naufrage de l’Amoco Cadiz est un véritable événement au sens où, incontestablement, il définit un avant et un après. Il faut dire que la réaction politique est vive, comme en témoigne le rapport publié par le Sénat cent jours après la catastrophe. Le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE), le rail d’Ouessant, le plan Polmar permettant de lutter contre les pollutions marines accidentelles, le Fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), sont autant de conséquences plus ou moins directes de la catastrophe.  Mieux encore, la marée noire fait jurisprudence dans la mesure où la cour d’appel de Chicago condamne la compagnie Amoco – grâce à la formidable opiniâtreté d’Alphonse Arzell, maire de Ploudalmézeau – à une amende de 1 200 millions de francs. C’est une véritable révolution dans le droit maritime international qui, désormais, reconnait la responsabilité des armateurs et des architectes navals.

L'Amoco Cadiz en train de couler. Wikicommons.

Pourtant, plusieurs décennies après le drame, les images demeurent saisissantes, comme le rappelle le Télégramme à l’occasion de cette commémoration. Elles le sont d’autant plus qu’après l’Amoco se sont succédés l’Erika, le Prestige ou encore l’Exxon Valdez en Alaska.

Aujourd’hui l’Amoco git sur un fond de sable, et constitue un must que de nombreux hommes grenouilles rêvent d’inscrire à leur carnet de plongée. J’ai eu l’occasion de descendre sur cette épave il y a quelques années et garde un souvenir pénible de cette plongée. Il est vrai que la mer était grosse, la visibilité faible et le courant tel qu’il avait tendance à faire sortir le détendeur de la bouche. Mais plus que ces conditions sportives, c’est l’affligent spectacle de l’Amoco qui me reste en mémoire. Habituellement, une épave constitue un appréciable récif artificiel pour la faune et la flore qui colonise plus ou moins rapidement les lieux, faisant ainsi le bonheur des plongeurs. Rien de tel ici, car les tôles de l’Amoco battues par le courant rendent l’épave très bruyante, et donc particulièrement désagréable pour  les poissons. Seul reste alors le gigantisme d’un navire qui demeure, après tant d'années, un puissant symbole des liens trop souvent conflictuels que l’homme entretient avec l’environnement.

Erwan LE GALL