« Comme un ouragan » : l’événement météorologique de 1987

« Comme un ouragan […] a tout emporté », ces paroles ne sont pas extraites d’une prophétie de Nostradamus, mais du tube de Stéphanie de Monaco, qui a inondé les ondes des radios et les dancefloors des boîtes de nuit en 1986. Or, un an plus tard, dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 octobre 1987, la Bretagne est frappée – ainsi que le Cotentin et les îles Britanniques – par une tempête. Cet « ouragan de 87 » est un événement météorologique encore bien présent dans les mémoires des Bretons.

Rue de la Marne à Saint-Lô après la tempête. Carte postale. Collection particulière.

En ce 15 octobre 1987, alors que les météorologues ne voient qu’un « coup de tabac » de faible intensité se former au large des Açores, une dépression plus intense se creuse dans le Golfe de Gascogne. La tempête atteint la pointe du Finistère dans la nuit avec des vents atteignant les 148 km/h à la station de Guipavas, tandis que les anémomètres de Penmarc’h se sont brisés une fois les 200 km/h dépassés. Arrivée par le Sud-Ouest de la Bretagne, la tempête se déplace vers le Nord-Est avec une force de 3 sur 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui mesure l’intensité des cyclones tropicaux. A Granville, en Normandie, on enregistre même des vents circulant à 220 km/h. Cette tempête est tout de suite qualifiée « d’ouragan », alors que la météorologie réserve normalement ce terme aux cyclones qui sévissent au niveau des tropiques. Sans doute, un effet de la chanson de la princesse monégasque…

L’impact de « l’ouragan de 87 » sur les territoires est considérable. Au matin du 16 octobre, les Bretons ne peuvent que constater les immenses dégâts causés par les vents violents. Le journal télévisé de FR3 Bretagne fait un large tour d’horizon d’un Finistère meurtri, à l’instar du reste de la péninsule armoricaine. Le clocher de Rosporden est tombé sur l’église tandis que « le terrain de football de Concarneau est inutilisable, les 4 projecteurs ont été abattus ». D’après le journaliste, la dévastation de cette région concarnoise est même comparable à celle « d’une ville bombardée ». Les activités maritimes sont également durement touchées : «  Les ports de plaisance de Concarneau et de Port-la-Fôret ressemblent à un véritable champ de bataille. A Concarneau, les pontons ont été emportés et sur 250 mouillages, 150 sont partis, […] 40 sont considérés comme perdus. » Les arbres font également partie des principales victimes de ces vents violents : aux nombreux troncs qui jonchent le bord des routes s’ajoutent pas moins de 50 000 hectares de forêts bretonnes arrachés, soit environ 25% du total de la surface boisée.

A ces dégâts immédiats, il faut adjoindre les impacts à moyen et long termes sur les populations. Le journal télévisé national d’Antenne 2 vient montrer, le 21 octobre, une semaine après la tempête, comment les populations finistériennes tentent de s’adapter à cette situation exceptionnelle. Alors qu’au total 630 000 Bretons ont été privés d’électricité, dans certaines zones rurales, les réparations des lignes par EDF ne sont pas toujours effectuées six jours après la tempête. Cela est notamment le cas dans l’exploitation agricole finistérienne de Didier Beuze, visitée par les journalistes. Si « à l'heure de la traite, c'est le tracteur qui fournit l'électricité » ; l’absence de courant empêche le fonctionnement du « bac réfrigérant » du lait. Ceci empêche donc le produit de la traite des vaches d’être conservé plus de 24 heures. Une contrainte handicapante quand toutes les routes ne sont pas encore praticables par les laitiers… Avec ces inquiétudes immédiates, le monde agricole envisage difficilement l’avenir : « dans le département [du Finistère] 80 000 hectares [de maïs] se trouvent encore à récolter après la tempête », dont 30 à 50% sont d’ores et déjà perdus. Les maraîchers sont également durement éprouvés : 20 000 exploitations impactées, avec souvent une perte de 100% des récoltes d’hiver. Comme le dit le journaliste d’Antenne 2, si la « solidarité paysanne » permet de parer au plus pressé, seul le « verdict des assurances » peut donner la capacité aux agriculteurs sinistrés à « repartir de zéro ».

Dans le port de Concarneau. Carte postale. Collection particulière.

Avec le changement climatique constaté depuis quelques décennies, les experts s’accordent à dire que ces phénomènes météorologiques deviendront de plus en plus fréquents. Il est vrai qu’à la suite de « l’ouragan de 87 », la Bretagne voit d’autres tempêtes frapper son territoire : en janvier 1990 c’est la tempête Daria, puis fin décembre 1999 c’est au tour des tempêtes Lothar et Martin. A l’hiver 2013-2014, ce sont même une série de « coups de vents » qui décoiffent les Bretons pendant plusieurs mois. Dès lors, dans le traitement médiatique de ces tempêtes, peut-on encore parler « d’événements météorologiques » ?

Thomas PERRONO