Georges Brassens et son refuge de Lézardrieux

« Non, ce n'était pas le radeau / De la Méduse, ce bateau,  / Qu'on se le dise au fond des ports,  / Dise au fond des ports […] », c’est par ces mots que débute Les Copains d’abord, l’un des plus grands succès de Georges Brassens. Une chanson qui parle de bateaux, de ports et de copains, rien de  surprenant pour ce natif de Sète – en 1921 – qui choisit de poser ses valises à Lézardrieux, tout près de Paimpol, au début des années 1970, jusqu’à sa mort en 1981.

Carte postale. Collection particulière.

A l’époque où il vient chercher la quiétude sur les bords du Trieux, Brassens est déjà une immense vedette de la chanson française. Dès sa jeunesse sétoise, il se passionne pour la poésie et la musique. Mais l’école l’ennuie et il la quitte à l’issue de la troisième. Des bêtises de jeunesse, qu’il évoque notamment dans la chanson La mauvaise réputation, l’obligent à quitter le Sud de la France en direction de la capitale, où il est accueilli chez une tante prénommée Antoinette. C’est à Paris, au début de la Seconde Guerre mondiale, qu’il apprend le piano et qu’il commence à composer ses premiers poèmes et chansons. En mars 1943, Brassens est contraint de partir en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Mais, profitant d’une permission, il se cache chez Jeanne, une voisine de sa tante, au n°9 de l’impasse Florimont à Paris (14e). Le début des années 1950 est décisif pour Brassens. Alors qu’il découvre les côtes Nord de la Bretagne, à Paimpol, chez un neveu de Jeanne, celui qui est désormais proche des milieux anarchistes commence à faire parler de lui dans les cabarets parisiens. A partir de 1952, il débute chez Patachou en chantant notamment Les bancs publics. L’année suivante il est à l’affiche de Bobino.

Bobino, une salle fétiche pour Georges Brassens, puisque près de deux décennies plus tard, l’émission Bretagne actualités vient l’interviewer, le 2 septembre 1972, dans son fief breton, alors qu’il prépare sa rentrée dans la salle parisienne. Il évoque sa vie à Lézardrieux, son havre de paix, où il n’arrive pourtant pas à travailler autant que lorsqu’il vit à Paris, tant « les tentations sont grandes de mettre son nez dehors, de partir en bateau, de se promener dans le pays ». Brassens aime à fréquenter sa maison de Ker Flandry, qui jouxte le port de Lézardrieux, aussi bien l’été que l’hiver. Il avoue même que : « je préfère l'hiver parce que je vis mieux avec les gens du pays l'hiver ». Loin des chanteurs qui forment la jet-set tropézienne, Brassens témoigne d’une recherche de tranquillité et d’authenticité auprès des habitants du petit port breton. L’un de ses voisins de l’époque, Michel Bonniec, appuie ce constat : « Ça lui plaisait [de vivre à Lézardrieux], les gens, surtout, étaient moins exubérants que dans le Midi. Georges appréciait cette tranquillité, les gens ne lui sautaient pas dessus pour avoir des autographes, on le saluait d'un bonjour Georges et c'est tout »1. D’ailleurs, Brassens pense y être « un habitant comme les autres, les gens du pays m'ont adopté comme un vieux familier. En vieux cousin qui vient de Paris ». Celui qui se lève le matin vers « 4-5 heures, quand je ne chante pas bien sûr », aime à se balader avec son caniche noir, pour profiter de la lumière du matin, « ma lumière préférée ».

La maison de Georges Brassens à Lézardrieux sur les bords du Trieux. Wikicommons.

Quand il aura terminé sa nouvelle tournée, Georges Brassens envisage déjà une nouvelle coupure d’un an ou deux, au cours de laquelle Lézardrieux jouerait un grand rôle : «  oui, je viendrai en vacances, alors, à ce moment-là. Ou non, je viendrai habiter... je deviendrai un habitant. J'aime pas ça, les vacances ». Las, le 29 octobre 1981, Brassens décède des suites d’une longue maladie, non pas dans son refuge de la Bretagne Nord, mais dans une commune de l’Hérault, avant d’être enterré à Sète, sa ville natale. Pourtant, 35 ans plus tard, les habitants de Lézardrieux ne l’ont pas oublié : une rue et la salle municipale portent désormais son nom.

Thomas PERRONO

 

 

 

1 « A Lézardrieux, le refuge breton de Georges Brassens », Le Point, 29/10/2011.