L’incendie de la cathédrale de Nantes : le temps de l’émotion n’est pas celui des travaux

« En quelques minutes, hier, des siècles d’histoire sont partis en fumée. Un violent incendie a embrasé, dans l’après-midi, une partie de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes, dont la clé de voûte est plus haute que celle de Notre-Dame de Paris. »

La mine est grave et l’émotion est palpable dans la voix du présentateur du journal télévisé du 29 janvier 19721. Sur les images qui suivent, vue du ciel, la charpente de l’édifice religieux n’est plus qu’un immense brasier qui dessine une croix enflammée. Une catastrophe « due à l’imprudence d’un ouvrier », qui « réparait des joints sur le transept nord de l’édifice et qui a mis le feu involontairement avec son chalumeau ». Petite cause, grandes conséquences…

Les pompiers mobilisés pour combattre l’incendie. Collection particulière.

La lutte contre le feu « s’est poursuivie toute la nuit ». Le lendemain matin, c’est l’heure d’un premier bilan du sinistre avec le capitaine des pompiers : « la toiture est entièrement détruite, [ainsi que] toute la charpente ». Pour autant, il se veut également rassurant : il ne pense « absolument pas » que la voûte est en danger d’effondrement, puisque « les architectes ont fait le tour de la cathédrale et n’ont découvert aucune inquiétude à ce sujet ». Autre soulagement, et non des moindres, pour les amoureux du patrimoine nantais : « tous les trésors que renferment la cathédrale ont été sauvés : les tableaux, le tombeau de François II et aussi les grandes orgues restaurées il y a quelques mois ».

Le jour d’après l’incendie est également celui de la projection dans le futur de l’édifice, autrement dit dans le temps de sa reconstruction. Le journaliste indique que la

« cathédrale sera rendue au culte dans un mois et demi. Une toiture provisoire – charpente légère et bâches – vont être installées. »

Quand à la restauration complète, il « faudra compter un an de travaux ». Un délai qui apparaît a posteriori bien court, comme s’il fallait effacer le plus rapidement des mémoires le traumatisme de la destruction par les flammes de l’un des symboles de l’ancienne cité des Ducs de Bretagne.

Car en effet, un an plus tard, l’émission « Vivre en France » de l’ORTF montre que la temporalité du chantier de restauration de l’édifice religieux est plus longue que celle de l’émotion suscitée par le drame2. Car, comme l’explique l’un des responsables des Bâtiments de France, il faut concilier le « vœu le plus ardent des Nantais de retrouver au plus vite leur cathédrale », avec les priorités du chantier : « nous commençons par la nef, car c’est la partie la plus éprouvée avec le transept et le chœur ». En ce mois de janvier 1973, le délai des travaux est repoussé à l’année 1975. C’est en effet, lors d’un office solennel que la nef est rendue au culte, trois ans après l’incendie.

Sidérée, la foule assiste au sinistre. Archives Ouest-France.

Pour autant, les travaux sont encore loin d’être achevés. Le 13 avril 1978, le magazine Reflets de FR3 Nantes se penche sur la « renaissance de la cathédrale »3. Le chantier se concentre désormais sur le nettoyage des pierres et des joints de la cathédrale. Jean-Claude Groussard, conservateur régional des Bâtiments de France, se montre satisfait des travaux car « ils donneront à la cathédrale un visage qu’elle n’a sans doute jamais connue ». La restauration de la cathédrale de Nantes s’étire encore sur plusieurs décennies, puisque la façade ouest est achevée en 2008 et le chœur, point final du chantier, n’est définitivement terminé qu’en 2013. Preuve s’il en est que la préservation et la restauration du patrimoine suivent le rythme long de l’histoire, et non le temps court de l’émotion…

Thomas PERRONO

 

 

 

 

 

1 INA. « Dégâts incendie cathédrale de Nantes : interview capitaine des pompiers », JT 13h ORTF, 29/01/1972, en ligne.

2 INA. « Une cathédrale ressuscite », Vivre en France, ORTF, 06/01/1973, en ligne.

3 INA. « La cathédrale de Nantes : renaissance d'une cathédrale », Reflets, FR 3 Nantes, 13/04/1978, en ligne.