L’incendie du Parlement de Bretagne

Peu d’évènements ont marqué la Bretagne aussi profondément que le sinistre qui se déclenche à Rennes, dans la nuit du 4 au 5 février 1994. Déjà frappé par un terrible incendie en 1720, dont les conséquences sont encore visibles sur le plan d’urbanisation de la ville, le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine se réveille comme groggy en découvrant les ruines calcinées et encore fumantes de son Parlement, véritable fierté de la commune.

Le 5 février 1994, vers 0h.30 du matin, deux appels successifs signalent un incendie au Parlement. Compte tenu du fort vent d’ouest soufflant cette nuit-là et de la configuration des lieux, et notamment de l’étroitesse des rues entourant l’édifice, faisant craindre une rapide propagation du sinistre, de grands moyens sont de suite sollicités. C’est directement dans la Vilaine que plus de 150 pompiers venus de tous le département pompent l’eau, le réseau d’eau de la ville étant insuffisant pour alimenter les pompes à incendie.

Environ deux heures après le début du sinistre, celui-ci est circonscrit mais les dégâts sont considérables. A 3 heures, les restes de la toiture s’effondrent, blessant légèrement deux pompiers. Dans la ville, c’est la consternation.

Les boiseries disent bien l'ampleur des travaux de restauration. Carte postale. Collections particulière.

C’est à la suite d’une violente manifestation de marins-pêcheurs – qui protestent contre la baisse sans fin des prix du poisson – que l’incendie se serait déclaré. La version officielle est en effet qu’une fusée de détresse tirée par un des manifestants aurait brisé une des ardoises du toit du Parlement, se serait logée dans la charpente centenaire et serait à l’origine du sinistre. Mais, dans les mois qui suivent l’incendie, d’autres bruits courent dans les rues de Rennes. Notamment celui que l’incendie serait le fruit de responsables politiques qui auraient apprécié que disparaissent ainsi des dossiers compromettants de financement occulte de parti, le Parlement de Bretagne étant le siège de la Cour d’appel de Rennes.

De telles légendes urbaines sont intéressantes, en tant qu'objet d'histoire, moins pour ce qu’elles disent du sinistre lui-même que pour ce qu’elles révèlent du traumatisme engendré par cet incendie. Pendant des mois, les Rennais passent devant « leur » parlement amputé de sa toiture et noirci par le feu, véritable balafre en plein cœur de la cité. Les polémiques qui ne tardent pas à naître, à la faveur de l’enquête, ne font rien pour apaiser la douleur des Bretons, surtout lorsque ceux-ci découvrent que le gardien du monument déconnecte sciemment les alarmes anti-incendie du monument, pensant celles-ci trop sensibles pour fonctionner convenablement.

Après l'incendie. Photo: Les Champs Libres sur compte Flickr.

Dès novembre 1994, la décision est prise de reconstruire le Parlement de Bretagne. Il est à noter que la présence d’un Breton au Ministère de la Justice, le vitréen Pierre Méhaignerie, également président du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, n’est sans doute pas étrangère à la rapidité de ce choix. En tout état de cause, c’est deux ans plus tard que les travaux débutent, pour ne s’achever qu’en 1999.

Aujourd’hui encore, l’incendie du Parlement de Bretagne reste un événement marquant des mémoires collectives rennaises et bretonnes. Et à chaque manifestation tendue, les Rennais ne sont pas sans avoir une pensée anxieuse pour leur cher Parlement...

Erwan LE GALL