La presse bretonne comme témoin des préoccupations climatiques

L’ouragan Irma, qui a dévasté les Caraïbes en septembre 2017, semble s’inscrire durablement dans la mémoire des Français. En relançant avec vigueur le débat sur le dérèglement climatique, la catastrophe occupe une grande place dans les médias. Mais, par le passé, tous les cyclones n’ont pas eu la même faveur, comme en témoigne le traitement accordé cinquante ans plus tôt à l’ouragan Inez par Ouest-France.

Carte postale. Collection particulière.

A la fin du mois de septembre 1966, cette tempête tropicale s’abat sur les Antilles françaises et provoque la mort de plusieurs dizaines de Français. Si l’information n’est pas occultée par le quotidien rennais, elle reste néanmoins secondaire. Il faut en effet attendre la page 3 de l’édition du 29 septembre pour voir apparaître la première mention sur la catastrophe1. Les jours suivants, malgré la violence exceptionnelle du cyclone, Ouest-France maintient sa ligne éditoriale et n’évoque « Inès (sic) » qu’en troisième page.

L’information n’est pas pour autant délaissée et prend même parfois une tournure sensationnaliste. Le journal évoque par exemple « les vagues de cinq mètres sur la côte dominicaine où le vent souffle à 260 km/h », où encore cette église qui s’est littéralement envolée en Guadeloupe 2. Mais c’est certainement le témoignage de l’athlète Roger Bambuck qui impressionne le plus le lecteur breton. Dans une interview retranscrite par Ouest-France, ce dernier affirme que

« toutes les constructions légères de style tropical [ont] été démolies, les toits des immeubles [se sont] envolés, les routes inondées, les fils électriques arrachés et surtout des milliers de sans-abris cherchent dans les décombres, soit des survivants, soit leurs biens. »3

Plus loin, le quotidien breton donne des précisions sur l’ampleur des dégâts, soit « 40 morts, 50 disparus et 200 blessés » en Guadeloupe et « 20 morts » à Saint-Domingue ! La catastrophe plonge la Guadeloupe dans une situation que le journal juge « inquiétante du fait que les blocs opératoires des hôpitaux sont inutilisables », mais également du fait que des « files d’attente interminables se forment devant les rares boulangeries fabriquant du pain, grâce à un groupe électrogène ».

Carte postale. Collection particulière.

Pourtant, ce même 1er octobre, Ouest-France décide de consacrer sa une aux inondations de Saint-Raphaël. Une grande photo de la ville du Var recouvre alors la page d’ouverture du journal. Loin d’être anecdotique, l’évènement climatique fait « cinquante blessés légers » et « 10 millions de francs » de dégâts matériels4. Mais au regard du bilan guadeloupéen, le choix éditorial du quotidien breton ne manque pas de surprendre. Il l’est d’autant plus lorsqu’on le compare au traitement médiatique accordé à Irma cinquante ans plus tard. Et pour cause, en l’espace d’un demi-siècle, le dérèglement climatique est devenu une préoccupation mondiale et Irma, à la différence d’Inez, nous rappelle qu’aussi lointaine soit-elle, la catastrophe concerne tout le monde et non plus seulement les Antillais.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 « L’ouragan ‘‘Inès’’ (sic) s’abat sur la Guadeloupe », Ouest-France, 29 septembre 1966, p. 3.

2  Ibid. et « Bilan aggravé sur la Guadeloupe », Ouest-France, 30 septembre 1966, p. 3.

3 « L’athlète Roger Bambuck de retour de la Guadeloupe », Ouest-France, 1er-2 octobre 1966, p. 3.

4 « Pluies diluviennes sur la Côte d’Azur », Ouest-France, 1er-2 octobre 1966, p. 3.