La rentrée scolaire : un événement médiatique récent

Cette semaine, la fin de l’été a sonné. L’événement c’est la rentrée des classes. Un événement pour les jeunes Français, mais peut-être plus encore pour les médias. Journaux papiers et télévisés ont une nouvelle fois abondamment traité l’un de leurs marronniers préférés. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi au XXe siècle.

Carte postale. Collection particulière.

Claude Le Lièvre, historien de l’éducation, rappelle que si la durée des grandes vacances fluctue régulièrement entre 6 et 10 semaines de la fin du XIXe siècle aux années 1960 ; la date de la rentrée est, quant à elle, restée stable autour du 1er octobre.1 Les travaux des champs dictent alors les rythmes scolaires, dans une France encore à dominante rurale. L’activité agricole est peu mécanisée et les bras des jeunes garçons trouvent facilement leur utilité lors des moissons et des vendanges. En revanche, l’urbanisation grandissante et la mécanisation permettent, au début des années 1960, d’avancer la date de la rentrée à la mi-septembre. Mais la circulaire du 19 septembre 1960 stipule qu’il est tout de même possible que « des autorisations d’absence [soient] accordées par l’Inspecteur d’académie, sur les demande des personnes responsables, aux enfants ayant au moins douze ans qui sont occupés aux travaux agricoles », entre le 15 et le 30 septembre. Au final, ce n’est qu’au début des années 1980 que se fixent les vacances d’été que nous connaissons aujourd’hui encore : 8 semaines aux mois de juillet et août.

La médiatisation de cet événement suit peu ou prou la même structuration chronologique. Avant la Seconde Guerre mondiale, nous trouvons peu de traces de la rentrée scolaire dans les colonnes des quotidiens bretons. De simples entrefilets se contentent de donner le calendrier ou les modalités de la rentrée, comme le 27 septembre 1939 dans la Dépêche de Brest, alors que la « drôle de guerre » s’installe. Un an auparavant, le 29 septembre 1938 dans L’Ouest Eclair, on apprend simplement que « la date de rentrée des écoles prémilitaires n’est pas modifiée »… et que « la Marie-Rose », vendue en pharmacie, aide les parents à éliminer les poux pour « 4 fr. 15 le flacon ». Il est vrai que pour ces deux années, l’actualité internationale – Conférence de Munich et début de la Seconde Guerre mondiale – est particulièrement chargée, mais le constat reste cependant valable pour les autres années : la rentrée scolaire ne fait pas la une des journaux.

Le réfectoire dans une école de Quimper au début des années 1960. Collection particulière.

Il faut attendre les années 1960 pour voir la rentrée des classes devenir un événement médiatique, par l’intermédiaire de la télévision. Un reportage du 25 septembre 1967 de Bretagne actualités, nous emmène faire la rentrée au milieu des enfants d’une école primaire de Rennes. On remarque que l’écolier en blouse grise est désormais une image d’Epinal, bien qu’il faille attendre encore un an pour que ce vêtement rejoigne définitivement les placards. Quelques pleurs ne sont pas non plus absents, quand certains bambins passent des bras de leurs mamans au rang conduit par l’institutrice vers la salle de classe. Au final, on assiste ici à la mise en place d’un récit journalistique qui nous amène à la confusion actuelle sur la définition de l’événement : entre le fait qui survient à un moment donné et le fait marquant de l’actualité, le breaking news

Thomas PERRONO

 

1 LE LIEVRE Claude, « Aux origines des vacances scolaires », Mediapart, 26 décembre 2011, en ligne.