Le minitel : vers une histoire des technologies de la communication

Aujourd’hui désuet, voire volontiers raillé, le minitel n’en est pas moins, en France, un objet emblématique des années 1980-1990. De surcroît, il s’affirme comme le témoin d’une certaine excellence bretonne en matière technologique.

La première génération de minitel testée en Ille-et-Vilaine au début des années 1980. On remarque sur l’écran le plan de la ville-close de Saint-Malo. Wikicommons.

Le minitel, ou « Médium interactif par numérisation d'information téléphonique », est un service de télécommunications qui est élaboré en vue de répondre à la requête d’un utilisateur par l'envoi de pages composées de textes et de graphismes simples. Cette technologie télématique – selon le vocabulaire de l’époque – est développée en Bretagne dès la fin des années 1970 par les ingénieurs du CCETT (Centre commun d'études de télévision et télécommunications) à Rennes et du CNET (Centre national des études des télécommunications) à Lannion. En 1989, 10 ans après son lancement, la télévision régionale réalise un premier bilan de l’aventure du minitel en Bretagne.

Terre de conception du minitel, la Bretagne en est également la terre d’expérimentation. A partir de 1979, l’Ille-et-Vilaine voit entrer dans ses foyers l’annuaire électronique, appelé à remplacer le « bottin téléphonique ». L’expérience semble concluante puisque le système est étendu au reste de la France. D’après le reportage, en une décennie, le minitel semble s’être fait une place à côté du téléphone puisque « sur les 4.500.000 minitels actuellement installés au niveau national, il y en a [seulement] 5 à 7% qui sont peu ou pas du tout utilisés ». La Bretagne compte à elle-seule 230.000 minitels, ce qui la place au deuxième rang des régions derrière le Nord-Pas-de-Calais.

Cependant, n’oublions pas que l’aventure du minitel n’est pas le premier contact de la Bretagne avec les technologies de la communication. Profitant des politiques de déconcentration dans les années 1960, Pierre Marzin, directeur du CNET, décide d’implanter la structure sur les côtes du Trégor : à Lannion, mais également à Pleumeur-Bodou où est construit le centre de télécommunication par satellite à partir de 1961. 11 juillet 1962, à 0 h 47, le radôme permet la réception de la première transmission télévisée en mondovision via le satellite « Telstar », depuis Andover aux États-Unis.

Le Centre de télécommunication par satellite de Pleumeur-Bodou alors en construction, dans le paysage rural du Trégor côtier. Carte postale. Collection particulière.

Cette génération de technologies de la communication et de l’information – aujourd’hui obsolète – commence à être gagnée par la patrimonialisation et des phénomènes de collection-nostalgie. Ainsi le radôme de Pleumeur-Bodou, implanté dans ce que l’on appelle désormais la « Cité des Télécoms », est classé à l’inventaire des Monuments historiques et est reconnu « Patrimoine du XXe siècle ». Les premiers jeux vidéos et ordinateurs personnels des années 1980, quant à eux, se vendent désormais à prix d’or dans les ventes aux enchères et font leur entrée dans les musées, comme lors de l’exposition Game Story, au Grand Palais en 2011. Ce phénomène a désormais pris le nom de « retrogaming ». Il devient donc important que cela devienne un objet d’étude pour l’historien, afin de permettre la compréhension de l’impact sur nos sociétés de ces technologies sans cesse renouvelées au rythme soutenu de l’obsolescence programmée.

Thomas PERRONO