Les bacheliers de l’année 1968 : une génération de sous-doués ?

Lorsqu’on évoque l’année 1968, impossible de ne pas penser à l’emblématique mouvement de grèves qui paralyse la France au printemps. En tête de cortège, les étudiants sont particulièrement actifs, bloquant massivement les facultés et les lycées. La Bretagne n’échappe pas à ce mouvement, l’université de Rennes se retrouvant même à la pointe de l’engagement. Aux élèves et étudiants se joignent rapidement leurs professeurs. Dans ces conditions, à seulement quelques semaines des examens, difficile de préparer sereinement le baccalauréat. Ce dernier est d’autant plus redouté par la nouvelle promotion que, pour la première fois, les nouvelles filières – de A à F – sont expérimentées (La Liberté du Morbihan, 24 juin 1968, p. 3)1.

Manifestation à Saint-Brieuc, place Robien, le 25 mai 1968. Carte postale. Collection particulière.

Conscients du retard accumulé lors des grèves, les lycéens « des établissements publics et privés demandent : l’oral pour tous et la session de septembre pour tous ceux qui auront échoué en juin » (La Liberté du Morbihan, 25 mai 1968, p. 8). Cette revendication nationale est signée dans de nombreux établissements bretons comme c’est le cas, le 22 mai, au lycée Dupuy-de-Lôme à Lorient qui réunit, pour l’occasion, les délégués d’élèves d’une partie des lycées morbihannais. Ces derniers obtiennent satisfaction puisque l’éducation nationale accepte de modifier les modalités des épreuves. Il n’y aura donc que des oraux mais, en aucun cas, le baccalauréat ne sera distribué à tous les candidats comme le suggère, encore de nos jours, une légende persistante. Ouest-France, dans son édition du 14 juin, résume parfaitement les conditions de l’examen et insiste sur l’importance du dossier individuel de chaque candidat :

« Leur dossier scolaire portera l’avis du conseil de classe, formé des professeurs, qui consulteront les parents et les élèves eux-mêmes sur les conditions de travail ces dernières semaines. L’une ou l’autre des quatre mentions permettra au jury de se faire rapidement une opinion sur les candidats. »2

Enfin, pour respecter l’équité, dans chaque dossier est « inscrite une liste des sujets non traités en classe depuis le 1er mai » (Ouest-France, 14 juin 1968, p. 3).

Groupe de lycéens avec un professeur. Sans date ni lieu. Collection particulière.

Le début des épreuves est fixé au 24 juin 1968 dans l’Académie de Rennes, soit 13 jours après la reprise des cours dans la majorité des lycées bretons (Liberté du Morbihan, 12 juin 1968, p. 1-12). Malheureusement, la concurrence des élections législatives relègue au second plan le traitement médiatique de l’entame des épreuves. Le 29 juin 1968, La Liberté du Morbihan publie néanmoins quelques réflexions de candidats parisiens. Unanimement, ces derniers déclarent qu’il est « plus agréable d’avoir en face de soi un professeur qu’une copie ». Accorde-t-on dès lors au rabais le prestigieux diplôme ? Le quotidien assure que les premiers sondages confirment les « premières impressions : le baccalauréat 1968 est très favorable aux candidats ». De leur côté, les professeurs justifient ces bons résultats en affirmant que les candidats « ne sont pas plus mauvais cette année que les années précédentes ». Il semblerait même que les bacheliers de 1968 connaissent, par la suite, une meilleure carrière que leurs prédécesseurs et même, que leurs successeurs

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 A, philosophie et lettres ; B, économique et social ; C, mathématiques et sciences physiques ; D, mathématiques et sciences de la nature ; E, mathématiques et techniques ; F, technologique.

2 Ouest-France précise juste les mentions les moins favorables : « assez bon » et « devra faire ses preuves à l’examen ».