Marie-Madeleine Dienesch : l’oubliée de la République

Marie-Madeleine Dienesch compte assurément parmi les oublié.e.s de l’histoire. Qui se rappelle en effet que cette femme née au Caire, en Egypte, le 3 avril 1914, est élue députée des Côtes-du-Nord en 1945 ? Pas grand monde et il est d’ailleurs vrai que son élection à la Libération est « un peu le fruit du hasard », pour reprendre les termes de C. Bougeard qui lui consacre un excellent article dans la revue Clio1.

Marie-Madeleine Dienesch: l'une des plus remarquables carrières parlementaires.

Mais à la différence d’une Germaine Marquer élue pour partie en souvenir de son père, c’est à elle-même que Marie-Madeleine Dienesch doit son ascension politique, fruit d’un engagement précoce – avant la guerre – dans le débat public et d’une appartenance au mouvement de Résistance Libération-Nord. La Libération imposant le renouvellement d’un certain nombre d’élites politiques compromises pendant l’occupation, il y a là un espace dans lequel la jeune femme sait s’engouffrer, en militant d’abord dans les rangs de la CFTC puis en mettant sur pied l’Union féminine civique et sociale des Côtes-du-Nord tout en accédant aux premiers rôles au sein de la section départementale du MRP.

De même, à la différence de Germaine Marquer, la carrière politique de Marie-Madeleine Dienesch  ne se résume pas à une parenthèse née du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale mais s’inscrit au contraire dans la construction d’un véritable bastion électoral. Que l’on en juge plutôt : députée des Côtes-du-Nord de 1945 à 1981, d’abord sous l’étiquette du MRP puis au sein de l’écurie gaulliste, elle est secrétaire d’Etat pendant six ans sous les gouvernements de Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas et, enfin, Pierre Messmer. Après un bref – deux mois ! – passage au secrétariat d’Etat à l’Education nationale, elle est ensuite nommée à « l’Assistance sociale et à la réadaptation », maroquin qu’elle conserve de juillet 1968 à mai 1974, c’est-à-dire sur une période comprise sur les présidences de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou.

Comment expliquer le trou de mémoire dans lequel semble aujourd’hui reposer cette grande figure parlementaire, disparue en janvier 1998 ? Trois éléments peuvent a priori être avancés. Tout d’abord, à la différence d’un René Pleven, d’un Antoine Mazier voire d’un Charles Josselin, Marie-Madeleine Dienesch ne dispose que d’une faible implantation territoriale, n’exerçant qu’un seul mandat de conseillère générale à la fin des années 1970. Comme le rappelle C. Bougeard, « toute sa carrière dans les Côtes-du-Nord repose sur son parcours parlementaire et sur un appui partisan et non sur l’enracinement d’une notabilité locale, ce qui s’explique peut-être par son manque de racines bretonnes »2. Et c’est ce sans doute ce second point qui s’avère déterminant pour expliquer l’oubli dans lequel se trouve aujourd’hui Marie-Madeleine Dienesch. Fille d’un conseiller juridique, elle est agrégée de lettres classiques et ne doit en effet son arrivée dans les Côtes-du-nord qu’à une nomination en 1939 au collège de jeunes filles de Saint-Brieuc, actuel Lycée Ernest Renan. Ajoutons enfin que célibataire et sans enfants, Marie-Madeleine Dienesch avait choisi la politique pour profession et qu’en conséquence aucune famille ne porte aujourd’hui sa mémoire et/ou son héritage.

Pourtant, il n’en demeure pas moins que Marie-Madeleine Dienesch est la seule femme à avoir siégé aussi longtemps à l’Assemblée nationale sous les IVe et Ve République. Pendant ce règne, elle dépose 24 propositions de lois et résolutions, ce qui est considérable. Une performance d’autant plus remarquable que cette carrière s’effectue bien avant la loi sur la parité. Un contexte particulier que l’intéressée savait expliquer en quelques mots concis mais parfaitement clairs : Ceux qui m’attaquaient le plus violemment n’étaient ni les communistes ni les socialistes, mais des anti-féministes viscéraux qui ne supportaient pas que des femmes aient de nouvelles responsabilités. Ils ne représentaient en fait qu’une faible partie, heureusement, du corps électoral. L’ensemble de la population avait accepté avec enthousiasme ce renouveau de la vie politique »3.

Erwan LE GALL

 

 

1 BOUGEARD, Christian, « Marie-Madeleine Dienesch : une carrière politique féminine méconnue », Clio, Femmes, Genre, Histoire, n°8, 1998, en ligne.

2 Ibid.

3 Cité in ibid.