Quand le 22 perdait le Nord

« Les Côtes-du-Nord à l’Ouest, il y avait de quoi être déboussolé », voici l’incongruité géographique qui est parfaitement mise en scène par le Conseil général du 22, en mars 1990, dans cette campagne publicitaire :

Ce changement de nom pour un département n’est pas le premier en France. Rappelons notamment que la Loire-Inférieure prend le nom de Loire-Atlantique dès 1957. Mais une logique différente est ici à l’œuvre. Il ne s’agit plus de la seule évacuation d’une identité négative, comme cela pouvait être le cas pour le 44 avec le terme « inférieure ».

Dix ans après les lois Defferre sur la décentralisation, les Conseils généraux sont des collectivités territoriales à part entière. Or il ne suffit plus pour les départements d’être identifiés par leurs seuls habitants. Il importe qu’ils le soient également par le reste des Français, voire par les étrangers. Pour cela, il devient impérieux dans le cadre d’un marketing territorial d’être attractif. L’image devient en effet essentielle pour attirer des entreprises sur son territoire et, en l’occurrence, ce nouveau nom permet de gommer le passif de l’ancien département des Côtes-du-Nord, souvent associé aux conflits sociaux tels que celui du Joint français à Saint-Brieuc.

Par ailleurs, il convient de ne pas négliger la connotation négative qui est généralement associé au Nord, notamment en qui concerne la météorologie. Or, là encore, cette dimension n’est pas anecdotique lorsque l’économie départementale repose en grande partie sur le tourisme, ce qui est le cas des Côtes-du-Nord. On peut penser notamment à la Côte de granit rose, à l’île de Bréhat, à la Baie de Saint-Brieuc, à la Côte d’Emeraude, ou bien à la vallée de la Rance…

Carte postale. Collection particulière.

Bien entendu, les choses ne sont pas formulées de cette manière. Ainsi, à en croire le Conseil général, le handicap de la dénomination Côtes-du-Nord d’alors réside seulement dans la confusion géographique induite par le terme « Nord ». Mais le dossier de presse peine à éviter les clichés :  

« Cela faisait deux cents ans qu’elles frissonnaient d’être appelées « Côtes-du-Nord ». Un nom boréal et polaire qui traînait derrière lui des odeurs de brumes, évoquait les blizzards et les engelures. Fort heureusement, aujourd’hui, justice et celtisme lui sont rendus, elles sont devenues les Côtes-d’Armor. »1

Pour les professionnels du tourisme, qui ont largement appuyé l’initiative, les vacanciers pensaient que les Côtes-du-Nord se trouvaient quelque part entre Le Havre et Dunkerque. Alors que le terme « Armor » ancre définitivement dans le territoire breton le département, puisqu’il signifie « la mer » en breton et qu’il renvoie au territoire antique de l’Armorique. Désormais, selon le spot publicitaire, « chacun saura que Saint-Brieuc, Guingamp, Dinan et Lannion sont bien à l’Ouest, en Bretagne ». Que deviendrait-on sans le marketing territorial…. ?

Thomas PERRONO

 

1 Cité in LE BART, et PROCUREUR, Thomas, « Quand les Côtes du Nord sont devenues les Côtes d’Armor. Le département entre identité et attractivité », Mots. Les langages du politique, 2011, en ligne.