Un club des 27 encore méconnu. La mort de quatre icônes des sixties vue de Bretagne

Au début des années 1960, la Bretagne est davantage gagnée par la vague des yéyés que par la déferlante musicale anglo-saxonne. Le premier concert hexagonal des Beatles, en 1964, serait d’ailleurs passé inaperçu si Johnny Halliday ne s’y était pas mis en évidence en molestant, peu avant la représentation des Britanniques, un jeune homme qui avait lancé, quelques minutes plus tôt, un projectile en direction de Sylvie Vartan. Si les yéyés perdent de leur splendeur à la fin des années 1960, les chanteurs anglo-saxons n’en profitent pas pour autant et demeurent encore largement méconnus du grand public en Bretagne. C’est tout du moins ce que suggère le traitement médiatique de la presse bretonne à l’occasion des disparitions successives de quatre icônes qui ont profondément marqué l’histoire de la musique : Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin et Jim Morrison, quatre immenses artistes tous morts à 27 ans1.

A gauche, Brian Jones. Collection particulière.

Le premier à disparaître est Brian Jones. Le fantasque et talentueux fondateur des Rolling Stones est retrouvé inanimé au fond de sa piscine, le 3 juillet 1969, quelques jours seulement après avoir quitté le groupe. Si Brian Jones est, aujourd’hui, assez peu connu du grand public, sa mort est à l’époque particulièrement remarquée. La sulfureuse réputation du musicien et son goût prononcé pour les substances illicites n’y sont à n’en pas douter pas étrangers. Dès le 4 juillet, Ouest-France annonce, en troisième page, la disparition de « l’une des plus grandes idoles de la jeunesse britannique »2. L’évocation de ce décès n’est pas surprenante tant elle crée une onde de choc outre-Manche. Dans son édition du 7 juillet, Ouest-France diffuse d’ailleurs une photo de  la « cérémonie peu orthodoxe » organisée par les Rolling Stones à Hyde Park, concert qui réunit près de « 250 000 fans »3.

Un an plus tard, le 18 septembre 1970, Jimi Hendrix est retrouvé mort dans un hôtel. La disparition du guitariste est bien moins commentée. Un court article d’Ouest-France annonce seulement la mort de celui « que la plupart des critiques considéraient comme le meilleur spécialiste de la guitare électrique du monde », rappelant au passage qu’en « l’espace d’un an, quatre de ses enregistrements figuraient parmi les meilleurs succès du disque »4. La disparition deux semaines plus tard, le 4 octobre 1970, de Janis Joplin suscite encore moins d’intérêt. C’est ainsi un bref encart qui annonce la mort de la chanteuse, victime de « l’abus de drogue »5.

Plus surprenant est le traitement médiatique de la disparition de Jim Morrison, décédé à Paris dans la nuit du 2 au 3 juillet 1971, deux ans jour pour jour après Brian Jones. Bien qu’il soit mort et enterré en France, au cimetière du Père Lachaise, sa disparition passe complètement inaperçue dans la presse bretonne6. Le 5 juillet, Ouest-France préfère évoquer un autre « deuil » qui touche, cette fois, le « sport britannique » : « Flash », la star des courses d’escargots, vient de succomber à « l’absorption massive de poison pour limace » 7. Le chanteur des Doors est en réalité, et selon toute vraisemblance, victime de l’imbroglio règnant autour de sa mort. Mais si cette dernière est officialisée quelques jours plus tard, ni Ouest-France, ni La Liberté du Morbihan, ne s’y attardent.

Sticker à l'effigie de Jim Morrison. Collection particulière.

Il ne faudrait pas pour autant en conclure que les Bretons sont, à l’époque, totalement hermétiques à la musique internationale. En témoigne la demi-page qui est consacrée à la disparition de Louis Armstrong le 7 juillet 1971 dans Ouest-France8. Il est toutefois certain que si l’émergence de la pop française et de ses chansons originales permet de limiter les adaptations en français des standards anglo-saxons, elle n’autorise pas encore la mise en avant des icônes de la scène internationale. Mais près d’un demi-siècle plus tard, il va sans dire que la majorité des Bretons connait désormais le nom ou, a minina, la musique, de ces quatre exceptionnels artistes. Justice leur est ainsi rendue.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Ces derniers décèdent à l’âge de 27 ans et appartiennent désormais au « Club des 27 ».

2 « L’ancien guitariste des Rolling Stones Brian Jones est mort », Ouest-France, Ouest-France, 4 juillet 1969, p. 3. Le quotidien rennais croit savoir qu’il a été « victime d’une crise d’asthme » (la thèse de l’assassinat apparaîtra plus tard).

3 « Bryan (sic) Jones n’est pas mort pour 250 000 fans de pop », Ouest-France, 7 juillet 1969, p. 3.

4 « Le roi de la pop’ music Jimi Hendrix est mort », Ouest-France, 19-20 septembre 1971, p 4.

5 « La chanteuse pop… », Ouest-France, 6 octobre 1970, p. 3.

6 Tout du moins dans Ouest-France et dans La Liberté du Morbihan.

7 «  Le sport britannique en deuil », Ouest-France, 5 juillet 1971, p. 3.

7 « Louis Armstrong est mort à 71 ans », Ouest-France, 7 juillet 1971, p. 3.