La Bretagne, terre de basket ?

La Bretagne est réputée disposer d’une solide tradition de basket-ball. Il est vrai qu’elle compte de grands clubs qui, tant par le nombre de licenciés que par les trophées glanés, forgent l’histoire de ce sport : l’Aurore de Vitré, l’Hermine de Nantes, l’Avenir de Rennes, l’Etendard de Brest, le Cercle Olympique Briochin, le Drapeau de Fougères… Cette forte implantation s’accorde bien d’une géographie politique du sport qui, traditionnellement, voit le rugby se pratiquer dans les terres radicales et socialistes et le basket être l’apanage des patros et des mouvements catholiques d’encadrement de la jeunesse. D’ailleurs, dans les années 1930, les jeunes basketteurs bretons ne s’affrontent-ils pas lors de la disputée Coupe Mgr Dubourg, du nom du cardinal rennais ?

A Quiberon, au début des années 1930, des jeunes femmes jouent au basket. Carte postale, collection particulière.

Pourtant, parcourir la rubrique sportive de L’Ouest-Eclair et d’autres quotidiens bretons amène à se demander s’il n’y aurait pas lieu d’affiner cette grille de lecture.  En effet, derrière le singulier de ce nom se cachent en réalité plusieurs Bretagne et si l’une est fermement accrochée au giron de l’Eglise, tel n’est pas le cas de l’autre. Et, contre toute attente, le Basket parait faire peu de cas de ces différences, pourtant très marquées. Ainsi, on apprend en lisant le grand journal rennais qu’en 1935, non seulement l’Amicale laïque de Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine) dispose de plusieurs équipes de basket-ball – niveau minime – mais que, de surcroît, celles-ci jouent sur « le terrain splendidement aménagé de l’école communale de garçons »1.

Pour quiconque s’intéresse à l’histoire de ce sport, l’année 1935 n’est d’ailleurs pas anodine. En effet, c’est du 2 au 7 mai 1935 que se déroule, à Genève, la première édition du championnat d’Europe de basket. Or le pourtant très catholique Ouest-Eclair, ce qui suppose que ce titre devrait a priori être bien disposé à l’égard de cette compétition, n’accorde même pas une ligne à l’évènement ! Il est vrai que le quotidien breton a alors fort à faire puisqu’au même moment le Stade Rennais dispute la finale de la Coupe de France de football… et s’incline face à l’Olympique de Marseille sur le score cinglant de 3 à 0. Mais à Brest, La Dépêche n’est guère plus prolixe. Si le basket est présent dans la rubrique sportive en ce début du mois de mai 1935, c’est uniquement pour se faire l’écho des compétitions locales et nullement pour suivre ce championnat d’Europe.

Au Clion-sur-Mer, près de Pornic, sans date. Carte postale, collection particulière.

Néanmoins, il faut bien admettre que le parcours de l’équipe de France de basket n’est guère brillant puisque la sélection tricolore termine ce premier Euro à une bien moyenne cinquième place. Mais cette explication ne tient plus vraiment deux ans plus tard lorsque, à Riga, en Lettonie, l’équipe de France accroche la médaille de bronze en battant en petite finale la Pologne. Or si cette performance est relayée par L’Ouest-Eclair, elle est reléguée au second rang de la rubrique basket du quotidien breton, loin derrière la finale du championnat de Bretagne de division d’honneur qui, en 1937, oppose l’Association sportive Brestoise à l’Association sportive des Cheminots Rennais 2. Une affiche qui rappelle que le basket n’est pas que l’apanage de la Bretagne catholique et qui, au contraire, invite à investir ce qui semble être un passionnant chantier historique.

Erwan LE GALL

 

 

1 « Matchs amicaux », L’Ouest-Eclair, n°14059, 5 mai 1935, p. 13.

2 L’Ouest-Eclair, n°14790, 8 mai 1937, p. 10.