Joseph Loth, un savant de son temps

Il est des figures qui, bien qu’importantes, finissent par disparaître à force de ne plus être sollicitées. Tel est le cas de Joseph Loth, intellectuel breton de premier ordre dont l’influence est encore perceptible aujourd’hui, même si son nom n’est plus connu que par quelques érudits. On est d’ailleurs en droit de se dire que cela est bien dommage tant sa vie permet d’aller au rebours de bien des idées reçues.

Carte postale. Collection particulière.

C’est à Guémené-sur-Scorff, dans le Morbihan, que Joseph Loth voit le jour le 27 décembre 1847 dans une famille modeste : son père est sabotier et sa mère est répertoriée sur son acte de naissance comme « ménagère ». Mais c’est à l’école que le jeune garçon se distingue rapidement par des aptitudes remarquables. Et sous le Second Empire, point « d’école de Ferry » mais le Séminaire pour apprendre, d’abord le petit à Auray puis le grand, à Vannes, pour enfin décrocher le sésame, ô combien rare à l’époque !, du baccalauréat.

Pourtant, ce n’est pas dans les ordres, comme l’ambitionnait d’ailleurs son père, mais dans l’enseignement que Joseph Loth va faire carrière au gré de divers postes à Pontivy, Quimper – qu’il abandonne pour quelques mois pour servir comme engagé volontaire dans l’armée du général Chanzy lors de la guerre de 1870 –, Saumur et enfin Paris, où il exerce au sein des prestigieux Lycées Saint-Louis, Charlemagne et Condorcet. Parallèlement, il développe un intérêt poussé pour les langues celtiques et entreprend d’importantes recherches qui l’amènent à fréquenter quelques illustres savants tels le linguiste suisse Ferdinand de Saussure.

Agrégé de grammaire en 1879, Joseph Loth soutient sa thèse sur « l’Emigration bretonne en Armorique » en 1881. Nommé à la Faculté des Lettres de Rennes en 1884, où il enseigne le celtique mais aussi le grec, il en devient en 1889 le Doyen et noue une solide amitié avec le philologue Georges Dottin, qui lui succèdera d’ailleurs. C’est ainsi à Joseph Loth que l’on doit la création d’une chaire de celtique et l’ouverture d’un laboratoire de psychologie expérimentale. Poursuivant par ailleurs ses travaux et accumulant les publications, il reçoit la Légion d’honneur en 1899 et, distinction suprême, est nommé au Collège de France en 1910, où il enseigne jusqu’en 1930.

Le Collège de France. Carte postale. Collection particulière.

Bien entendu, la science telle qu’elle fut pratiquée par Joseph Loth est aujourd’hui à bien des égards dépassée. Pour s’en convaincre, il suffit de se rapporter à l’éloge funèbre que prononce le président de l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres en 1934, à la suite de son décès, texte qui affirme que « le problème de la race hantait toujours son esprit »1 en faisant référence à une enquête menée pendant huit ans sur tous les enfants du département du Morbihan. Le but de cette enquête, qui se soldera par un échec – et pour cause ! – était de démontrer l’assertion selon laquelle ce département serait une sorte « d’îlot de blonds »… Il est vrai qu’à l’époque la notion de « race » était en vogue et que l’on croyait à la « race bretonne », de même qu’à la « race française », allemande ou auvergnate.

Mais le legs de Joseph Loth est par ailleurs incontestable, et des plus appréciables. Il contribua en effet à initier et promouvoir les premières campagnes de collectes de contes et chants traditionnels dont Dastum est au final l’héritier. De la même manière, c’est en 1886 que Joseph Loth fonde une revue appelée à un bel avenir : Les Annales de Bretagne.

Erwan LE GALL

 

 

1 MAZON, Paul, « Eloge funèbre de M. Joseph Loth, membre de l’académie », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1934, Volume 78, n°1, p. 81, en ligne.