Jules Verne, le Nantais qui révolutionna le monde ?

Jules Verne est, sans nul doute, le Nantais qui a le plus marqué l’histoire de la littérature. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer à quel point son œuvre continue d’être étudiée, aussi bien en France que dans le reste du monde. Apprécié pour son génie narratif, il s’est également rendu populaire en imaginant des intrigues empreintes de science où apparaissent notamment des engins futuristes qui, à l’image du Nautilus, anticipent de nombreux progrès technologiques.

Le monument érigé par la ville d'Amiens en hommage à Jules Verne, ville d'adoption de l'écrivain. Gallica: Bibliothèque nationale de France: Agence photographique Rol.

Né à Nantes le 8 février 1828, Jules Verne partage sa vie entre la cité des ducs, Paris et Amiens où il profite de la proximité de la capitale « sans le bruit et l’agitation insupportable »1. Durant près de cinquante ans, l’écrivain produit de véritables classiques de la littérature d’aventure dont Voyage au centre de la Terre, Vingt mille lieues sous les mers ou encore Le Tour du monde en quatre-vingts jours… Traduit dans plusieurs dizaines de langues, il voit sa notoriété dépasser allègrement les frontières hexagonales. L’annonce de sa mort, le 24 mars 1905, provoque une véritable onde de choc auprès des « générations [de ses lecteurs] qui se sont succédées depuis un demi-siècle »2.

La réputation du romancier ne se dissipe pas au moment de sa disparition. Et pour cause, les progrès technologiques qui se succèdent au début du XXe siècle confirment aux yeux du grand public qu’il fut bien le « prophète de la science et de ses conquêtes sur la nature »3. Les plus admiratifs estiment même qu’il fut « un précurseur, par exemple, pour les sous-marins »4. Ici, ce ne sont pas les prédispositions scientifiques de Jules Verne qui sont mises en avant mais bien la façon dont ses récits stimuleraient l’imagination des chercheurs même si, comme le nuance l’écrivain René Lalou dans L’Intransigeant, « il est bien rare qu’une orientation générale puisse être rapportée à une influence »5.

Pourtant, ce trait de personnalité, que l’on accorde volontiers au Nantais, est loin de faire l’unanimité. En effet, lassés par les comparaisons récurrentes que l’opinion publique établissait entre l’œuvre du romancier et leurs travaux, les « savants l’abominaient »6. Jules Verne lui-même s’agaçait de ce rapprochement en confiant à ses proches que

« quoi que j’invente, quoi que je fasse […] je serai toujours en dessous de la vérité. Il viendra toujours un moment où les créations de la science dépasseront celles de l’imagination. »7

A peine quatre ans après sa mort, L’Univers regrette la futilité de cette querelle. Mais, inquiet par la déchristianisation du territoire, le journal catholique préfère se demander si l’œuvre de Jules Verne n’aurait pas préparé « la folie matérialiste et pseudo-scientifique du temps présent » dans la mesure où « les enfants qui dévoraient les volumes du romancier se sont habitués à considérer le monde comme une vaste usine et le monde comme un vaste champ de courses »8. En somme, si la France tombe à terre, ce serait en partie la faute à Verne…

Carte postale. Collection particulière.

En dépit de ces critiques, plus d’un siècle après sa mort, le Nantais est toujours perçu comme un visionnaire. C’est bien l’image que véhicule notamment Robert Zemeckis lorsqu’il réalise sa célèbre trilogie Retour vers le futur à la fin des années 1980. Le docteur Emmet Brown confie au jeune héros, Marty McFly, qu’il a voulu devenir scientifique après avoir dévoré les romans de Jules Verne. Lors de l’ultime scène, le savant repart pour une nouvelle aventure à bord d’une locomotive à voyager dans le temps. Habillé à la mode du XIXe siècle, il est alors accompagné de sa femme et de leurs deux enfants : Jules et Verne… Tout un symbole.

Yves-Marie EVANNO

 

1 Lettre à Félix Duquesnel citée dans « Au jour le jour », L’Univers, 10 mai 1909, p. 1.

2 « La mort de Jules Vernes », L’Ouest-Eclair, 26 mars 1905, p. 1.

3 « Un centenaire », L’Homme Libre, 8 février 1928, p. 1.

4 « La mort de Jules Verne », L’Arvor, 26 mars 1905, p. 1.

5 « Que devons-nous à Jules Verne ? », L’Intransigeant, 8 janvier 1928, p. 2.

6 « Au jour le jour », L’Univers, 10 mai 1909, p. 1.

7 « La mort de Jules Vernes », L’Ouest-Eclair, 26 mars 1905, p. 1.

8 « Au jour le jour », L’Univers, 10 mai 1909, p. 1.