L’impitoyable canicule de 1911

Sur le plan météorologique, la canicule est un phénomène bien particulier, défini comme une période de faible amplitude thermique ou la température dépasse les 30° le jour et les 20° la nuit. Réchauffement climatique oblige, ces épisodes de fortes chaleurs se multiplient et érigent la canicule en véritable marronnier journalistique. Et c’est en se plongeant dans les archives que l’on réalise combien notre approche a changé face à ces phénomènes climatiques qui n’ont rien de nouveau.

Carte postale satirique. Collection particulière.

La grande canicule qui frappe l’Europe de juillet à septembre 1911 en est à cet égard un bon exemple. L’édition du 30 juillet 1911 de L’Ouest-Eclair dit bien la gravité de la situation. C’est en effet presque consterné que le quotidien breton rapporte dans la rubrique « dernière heure », c'est-à-dire sur un pied d’égalité avec les circonvolutions des tensions franco-allemandes, que « la canicule demeure impitoyable » et que, de l’avis même de « savants autorisés », rien ne permet d’envisager la fin de ces fortes chaleurs. Si le crédit particulier accordé à la parole scientifique peut faire sourire lorsqu’on compare avec ce que l’on connaît de nos jours, il n’en demeure pas moins que l’on ne peut qu’être frappé par la gravité du ton employé.

Il est vrai que cette canicule reste dans les annales météorologiques et démographiques comme l’une des plus fortes. A Nantes, on enregistre ainsi des températures supérieures de 16% à la moyenne des années 1908-1910. En ce sens, cette canicule est comparable à celle de 2003 à la différence qu’en 1911 les principales victimes n’en sont pas uniquement les personnes âgées mais également les nourrissons1.

Mais, à lire l’édition du 30 juillet 1911 de L’Ouest-Eclair, ce sont bien les animaux qui payent le plus lourd tribut à ces fortes chaleurs, mourant de chaleur dans les wagons censés les conduire à l’abattoir. Il n’en faut d’ailleurs pas plus pour que, le 20 août 1911, le quotidien rennais se fasse l’écho d’une protestation des bouchers Morbihannais contre la petitesse des ouvertures des wagons à bestiaux de la compagnie locale de chemin de fer. Les animaux ont tellement soif que lorsqu’un taureau se trouve pour une raison indéterminée dans un dépit de boissons de Guingamp, provoquant la panique que l’on imagine, la situation est imputée à la virulence de la canicule !

Carte postale. Collection particulière.

Prêtant à rire, un tel épisode doit pourtant être pris au sérieux tant les conséquences de l’impact de ces fortes chaleurs sur le cheptel sont importantes. Les vaches sont tout particulièrement atteintes, dans des proportions telles qu’il en résulte une véritable crise du lait. Non seulement celui-ci n’est plus disponible qu’en faible quantité, entraînant de fortes hausses de prix, mais, de surcroît, les litres disponibles ne sont que de faible qualité et peu nourrissants, ce qui n’est bien évidemment pas sans relations avec la hausse de la mortalité infantile observée à cette période. Une réalité bien éloignée du marronnier journalistique qui, périodiquement, revient en une des médias du XXIe siècle.

Erwan LE GALL

 

 

1 ROLLET, Catherine, « La canicule de 1911. Observations démographiques et médicales et réactions politiques », Annales de démographie historique, n°120, 2010/2, en ligne.