Poincaré à l’Elysée !

La « une » de L’Ouest-Eclair du 18 janvier 1913 est de celle qui marque les grands événements. Ce jour-là, le quotidien rennais proclame l’élection du nouveau Président de la République : Raymond Poincaré. Certes, sous la IIIe république, la fonction ne comporte pas les mêmes attributs de puissance qu’avec la constitution de 1958 : c’est en effet à la Présidence du Conseil que se décident les orientations majeures du pays. Pour autant, preuve de son adhésion à la République, L’Ouest-Eclair célèbre en pleine première page la nouvelle de l’élection de « l’homme éminent qui, depuis un an, a si brillamment servi les intérêts de la France ». Quel contraste avec « l’organe du nationalisme intégral », la monarchiste Action française, qui avec un éditorial de Charles Maurras titre sur « l’expérience Poincaré » !

L'Ouest-Eclair annonce l'élection de Raymond Poincaré dans son édition du 18 janvier 1913. Archives Ouest-France.

Pour L’Ouest-Eclair, le succès de Raymond Poincaré dans cette élection est « la victoire de la raison et celle du patriotisme ». Le quotidien breton place d’ailleurs de grands espoirs en ce mandat puis cette réussite « sera interprétée comme un témoignage éclatant de ce réveil national qui depuis quelques années tend à remettre la politique républicaine dans sa véritable voie et fera prévaloir, en toutes circonstances, l’intérêt supérieur de la Nation sur les misérables intérêts de coterie ».

Il est vrai que pour ce Meusien né en 1860 à Bar-le-Duc, frère d’un éminent mathématicien, l’accession à l’Elysée apparait comme le couronnement d’une brillante carrière politique. Elu conseiller général en 1886, Raymond Poincaré devient député de la Meuse l’année suivante, mandat qu’il n’abandonne qu’en 1903 pour devenir sénateur de son département de naissance. Avant son élection à la Présidence de la République, il occupe les maroquins ministériels les plus importants : les Finances, par deux fois, en 1894-1895 et en 1906, les Affaires étrangères ou encore l’Instruction publique et les Beaux-Arts, en 1893 et 1895. C’est donc un homme doté d’une expérience politique considérable qui accède à l’Elysée contre Jules Pams, aujourd’hui complètement oublié par la mémoire collective.

Jules Pams dans son bureau de Ministre de l'Agriculture. Cliché publié dans le n°3647 de L'Illustration datée du 18 janvier 1913.

Plus âgé de huit ans que Raymond Poincarré, Jules Pams nait à Perpignan et bâtit toute sa carrière politique dans le département des Pyrénées-Orientales dont il est président du Conseil général pendant 15 ans, puis député en 1893 et enfin sénateur à partir de 1904. Son expérience ministérielle est en revanche moindre que celle de son concurrent puisqu’il n’occupe que le portefeuille de l’Agriculture, entre 1911 et 1913.

La candidature de Jules Pams est considérée comme étant celle d’un des amis de Georges Clemenceau contre Raymond Poincaré, les deux hommes se détestant. Or, ironie de l’histoire, si c’est le 17 janvier 1913 que Poincaré est élu à la Présidence de la République, c’est le 17 janvier 1920 que le Tigre quitte la vie politique en présentant à ce même Poincaré la démission de son gouvernement, suite à l’arrivée à l’Elysée de Paul Deschanel.

Erwan LE GALL