Indiana Jones et la découverte du public breton des années 1980

Parmi tous les héros que produisent les studios hollywoodiens, Indiana Jones est certainement celui qui fascine le plus les passionnés d’histoire. S’il faut bien reconnaître que dépouiller des sources n’a jamais nécessité l’usage d’un fouet, il faut en revanche admettre que l’archéologue poursuit au moins un idéal similaire à celles et ceux qui écument les dépôts d’archives : la quête gratuite et désintéressée du savoir. On peut reprocher de nombreux comportements au personnage interprété par Harrison Ford – aussi bien sa misogynie que son antisoviétisme primaire –, il n’en demeure pas moins qu’il incarne, aux yeux du grand public, celui qui met sa vie en danger pour que la Croix de Coronado puisse enfin être exposée « dans un musée ».

Carte promotionnelle du film.

Bien évidemment, le héros ne fascine pas seulement les passionnés d’histoire. En 1981, le film réalisé par Steven Spielberg et produit par George Lucas (le père de la saga Star Wars) attire les foules dans le monde entier. En France, près de 6 millions de spectateurs se ruent dans les salles obscures afin de découvrir la première aventure de l’intrépide professeur. La Bretagne n’échappe pas à la vague Jones, bien au contraire. Il faut dire que la simplicité du scénario joue en sa faveur :

« Un professeur d’archéologie est envoyé par les services secrets américains à la recherche de l’Arche de l’Alliance, contenant les tables de loi, brisée par Moïse il y a 3000 ans. Mais il doit la retrouver avant les agents d’Hitler, car si cette Arche possède les pouvoirs de Dieu, celui qui la détiendra sera invincible. »1

Des services secrets, de la mythologie, des « nazis »… tous les ingrédients semblent réunis pour attirer les spectateurs. Mais, au final, c’est surtout le bouche à oreille qui offre la meilleure des publicités au film. A Lorient, le correspondant local du quotidien Ouest-France est lui-même séduit. Selon lui, le film propose « un spectacle bien ficelé » qui n’a pas « d’autres prétentions que d’en mettre plein la vue et qui y réussit »2. Cerise sur le gâteau, il précise « qu’en prime, on rit beaucoup à ces aventures »3.

Conquis, le journaliste n’en demeure pas moins honnête avec ses lecteurs lorsqu’il les prévient qu’il ne s’agit pas d’un film historique mais bien d’un film d’aventure où l’enchaînement des péripéties ne laisse pas le temps au public « de s’interroger sur la crédibilité des évènements » 4. Il serait vain, en effet,  de relever les nombreuses incohérences du scénario. Qu’importe, ces dernières continuent d’alimenter les conversations des fans et l’imagination des scénaristes. En 2010, l’intrigue d’un épisode de la série à succès The Big Bang Theory portait justement sur le mystère du trajet enduré durant de longues heures, à dos de sous-marin, par Indiana Jones5 ? Anecdotique au demeurant, l’exemple démontre néanmoins la postérité acquise dans la culture populaire par le héros.

Carte promotionnelle du film.

En septembre 1984, la suite de la saga rencontre également un franc-succès, attirant plus de 5 millions de spectateurs en France. En dépit d’une intrigue bien moins occidentale, les cinéphiles bretons sont majoritairement séduits. Intervenant une nouvelle fois dans les colonnes d’Ouest-France, le correspondant lorientais admet que Le Temple maudit est  « remarquablement bien rythmé » et que « les cascades sont à nous couper le souffle »6. Mais, à la fin de la projection, il sent une pointe de déception. Il admet que « tout cela est un peu gratuit et purement spectaculaire », regrettant que « l’humour et la poésie de L’Arche perdue ont disparu au profit du spectacle et du rythme ». Il conseille néanmoins d’aller voir ce dernier opus tant les autres nouveautés de la semaine sont « toutes aussi médiocres les unes que les autres » (Pour mémoire  : Xtro, Tir à vue et A coup de crosse…). A la fin de l’année 1984, Indiana Jones a définitivement conquis de nombreux cinéphiles bretons qui accueillent, avec plus ou moins d’enthousiasme, les deux épisodes qui suivent en 1989 puis en 2008.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 « Sur les écrans cette semaine », Ouest-France (éd. Lorient), 23 septembre 1981, p. 14.

2 « Sur les écrans lorientais », Ouest-France  (éd. Lorient), 16 septembre 1981, p. 13 ; « Sur les écrans cette semaine », Ouest-France, 23 septembre 1981, p. 14.

3 « Sur les écrans cette semaine », Ouest-France (éd. Lorient), 23 septembre 1981, p. 14.

4 « Sur les écrans lorientais », Ouest-France (éd. Lorient), 16 septembre 1981, p. 13.

5 « The 21-Second Excitation », The Big Bang Theory, saison 3, épisode 8, 2010.

6 « En attendant mieux », Ouest-France (éd. Lorient), 12 septembre 1984, p. 15.