Le jour où les Bretons découvrent la force

Il faudrait vivre dans une galaxie lointaine pour ne jamais avoir entendu parler de la saga cinématographique Star Wars. Depuis le succès du premier épisode en 1977, la sortie de chaque nouvel opus déclenche l’hystérie des fans. 40 ans plus tard, force est de constater que le succès est toujours au rendez-vous. Et pour cause, beaucoup de cinéphiles assurent que le réalisateur, George Lucas, a révolutionné la science-fiction, voire tout simplement le cinéma. Mais qu’en est-il des spectateurs bretons qui assistent aux projections des deux premiers épisodes en 1977 et en 1980 ?

Un logo mythique. Wikicommons.

Un nouvel espoir, le premier film de la saga également connu sous le nom d’Episode IV, est diffusé pour la première fois dans les salles américaines en mai 1977. Contre toute attente, le film est un immense succès outre-Atlantique. Plusieurs mois tard, le 19 octobre 1977, le film débarque enfin dans les salles parisiennes. Mais en Bretagne, rares sont les cinéphiles qui ont eu la chance de le voir durant l’automne. Ces derniers doivent en effet attendre deux longs mois supplémentaires avant de découvrir les aventures de « Chewbacca », « Han Solo », « Artoo-Detoo et See Threepio (sic) »1. Les cinémas de Vannes et Lorient programment leur première séance le 21 décembre, à quelques jours de Noël. Encore intitulé La Guerre des Etoiles, le film est annoncé comme étant un véritable « événement ». Le correspondant vannetais du quotidien Ouest-France en est convaincu : c’est « un spectacle gigantesque qui fera date dans l’histoire du cinéma »2. Mais, si les critiques sont unanimement favorables dans la presse bretonne, elles ne sont pourtant pas dithyrambiques.

Trois ans plus tard, la suite réalisée par Irvin Kershner rencontre de nouveau un large public. Cette fois, les cinéphiles bretons profitent de la sortie nationale, le 20 août 1980, pour découvrir l’incroyable révélation de Dark Vador sur sa descendance. Le journaliste lorientais Jean Guillou se félicite même que L’Empire contre-attaque arrive dans sa ville « en même temps qu’aux quatre coins de l’hexagone (Paris y compris) » après « dix semaines d’exclusivité aux Etats-Unis et déjà 110 millions de dollars dans les tiroirs-caisses »3. Particulièrement enthousiaste, le reporter prévient que « l’ennui est étranger à ce monde d’aventure galactique ».

Sur un plan plus technique, le correspondant breton est véritablement bluffé par la révolution technologique introduite parle film : « C’est une avalanche d’effets-spéciaux rendus possibles par les dernières trouvailles électroniques. Au total 414 contre 360 dans La Guerre des Etoiles et seulement 35 dans 2001 [Odyssée de l’espace] », autre film culte de science-fiction. Le journaliste conseille même aux «  délicats [de] s’abstenir ».

Le rythme et les sonorités du film incitent par ailleurs  certaines salles à s’équiper de matériel à la pointe. C’est le cas du Royal à Lorient qui se dote

« d’un appareil sophistiqué, amplificateur-décodeur et tamiseur du son (système Dolby) d’un puissance de 600 watts. Ce qui combiné à la puissance visuelle de ses 12 mètres d’écran vous imprègne les 1100 sièges de sa grande salle dans une nappe stéréophonique et multicolore des plus performantes. »

Le père de la saga Star Wars: George Lucas. Wikicommons.

Pourtant, en dépit des efforts réalisés, la puissance du matériel n’est pas encore tout à fait maîtrisée par le personnel du cinéma, comme le regrette un spectateur :

« Au lieu des BBZZ, boum et autre Vouhh attendus, un tout petit filet de son [puis, après quelques minutes] la stéreo démarre, ça siffle à ma droite, ça crie à ma gauche, l’effet est saisissant : ‘hou… hou… le son’, ce n’est que le public qui proteste »

Il faut alors quelques minutes avant qu’un technicien ne corrige les erreurs. Peu importe, les spectateurs ressortent globalement conquis par cette nouvelle aventure. Un enthousiasme qui n’est pas prêt de s’essouffler.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Ouest-France, édition Vannes, 28 décembre 1977, p. 11. Ici, il n’est pas question de Chiktaba ni de Yan Solo, et ce, en dépit des origines bretonnes que l’on pourrait lui supposer… En effet, malgré les traductions malheureuses entendues dans la version française, ce sont bien les noms originaux qui sont utilisées dans la presse bretonne. De la même manière, en 1980, lors de la sortie de L’Empire contre-attaque un journaliste vannetais  parle de Darth Vader et non de Dark Vador (Ouest-France, édition Vannes, 20 août 1980, p. 11).

2 Ouest-France, édition Vannes, 21 décembre 1977, p. 14.

3 Ouest-France, édition Lorient, 20 août 1980, p. 11