Un 14 juillet exceptionnel

Il y a quelques heures, le ministre de la Défense à posté sur compte twitter une photographie le montrant en pleine discussion avec des militaires lors d'une répétition du prochain défilé du 14 juillet. Le cliché est pris aux premières lueurs du jour et il n'est pas difficile de reconnaitre une des grandes avenues du Paris hausmannien. Il est vrai que le 14 juillet constitue une vitrine exceptionnelle pour les Armées et que cette journée est, sur le plan politique et diplomatique, l'occasion de délivrer un message fort. Mais force est d'admettre que certains défilés restent plus dans les mémoires que d'autres.

Tel est le cas du 14 juillet 1939 qui se déroule dans un contexte doublement important, celui, d'une part, de la montée des périls et, d'autre part, de la célébration du 150e anniversaire de la prise de la Bastille. Partout en France ont lieu à cette occasion de grandioses manifestations, préparées parfois de longue date. A Chartres, en Eure-et-Loir, le préfet - un certain Jean Moulin dont le fil de la carrière est passé par Châteaulin, dans le Finistère - organise une grande exposition historique, malheureusement annulée au dernier moment en raison de l'actualité. La Bretagne n'est pas en reste et participe activement aux comémorations nationales. Ainsi, La Dépêche de Brest nous apprend qu'à Pont-L'Abbé les jeunes de la commune défilent fièrement dans la ville, vétus de blancs et coiffés d'un bonnet phrygien que l'on imagine volontiers écarlate. Mais c'est à Lorient que les cérémonies sont probablement les plus fastueuses puisqu'en ce 14 juillet 1939 la sous-préfecture du Morbihan est ville étape du Tour de France!

Le défilé parisien du 14 juillet 1939 aux informations britanniques Pathé.

A Paris les commémorations sont également grandioses et il n'est pas, à cet égard, impossible de parler de réelle diplomatie du souvenir puisque les usages politiques du passé ne datent pas d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs un breton, le malouin Guy La Chambre, qui, en tant que ministre de l'Air, supervise les préparatifs du défilé, tout du moins dans sa dimension aérienne. En cette année 1939 la parade a d'ailleurs de forts accents franco-britanniques, Londres et Paris souhaitant rappeler à Berlin la force de leurs liens.

L'importance d'une telle manifestation ne trompe donc pas puisqu'il s'agit bien là d'une véritable démonstration de force, à quelques jours seulement du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La Dépêche de Brest s'en rend d'ailleurs parfaitement compte puisque la journée du 14 juillet 1939 est comprise comme la consécration de "la solidarité de l'Empire et de la fraternité franco-britannique". Moins d'un an plus tard, un général inconnu de l'immense majorité des Français s'exprime à la radio de Londres et appelle ses concitoyens à faire vivre la flamme de la Résistance.

Erwan LE GALL