L’été sera chaud… ou pas !

Chaque 21 juin, l’été pointe le bout de son nez. Cette arrivée est vécue comme un soulagement par toutes celles et ceux qui espèrent profiter des plaisirs de la plage, et des douces soirées. Malheureusement, les caprices du temps viennent – trop souvent – briser les espoirs des plus optimistes. Ainsi, à chaque solstice d’été, on ne peut s’empêcher de spéculer sur le temps qu’il va faire durant les deux prochains mois. Cette habitude n’est pas récente comme le prouve un éditorial publié en 1928 dans L’Ouest-Eclair. Théophile Moreux met en garde les lecteurs bretons qui se laisseraient griser par les multiples prévisions véhiculées dans les conversations et même, dans la presse .

Carte postale. Collection particulière.

Le célèbre vulgarisateur scientifique tient tout d’abord à rappeler un élément concret. Il précise que le 21 juin symbolise uniquement le début d’une saison « purement astronomique ». Il ne faut donc pas la confondre avec « l'été météorologique » qui, de son côté, est bien plus capricieux. Et pour cause, ce dernier « vient quand il lui plaît et parfois ne vient pas du tout ». Les lecteurs bretons le savent pertinemment, l’été froid et pluvieux n’est pas rare dans la région. Ils s’y sont d’ailleurs « habitués depuis quelques années : nos saisons se font mal, elles chevauchent les unes sur les autres ».

Qu’à cela ne tienne, les touristes sont de plus en plus nombreux à venir en Bretagne durant l’entre-deux-guerres . Souhaitant prévoir leur séjour, les estivants « accabl[ent] » de questions les « météorologistes » afin de savoir « quel été aurons-nous? chaud, pluvieux, tempéré, etc.? Les vacances approchent, où aller? Quelles dates choisir ? ». Malheureusement pour eux, les « savants qui sont de bonne foi » sont incapables de leur répondre. La raison est simple. A l’époque, « personne ne peut prévoir le temps même une semaine à l'avance ». Pourtant, comme le déplore Théophile Moreux, cela n’empêche pas d’entendre des prétendus savants qui « s'en tirent par des prévisions qui ressemblent aux oracles de la Pythonisse de Delphes ».

Carte postale. Collection particulière.

Théophile Moreux l’assure : « prédire l'allure exacte de la température » est un « tour de force » qui « dépasse, et de beaucoup, les limites de nos capacités scientifiques ». Et pour cause, en 1928, il n'existe « aucune méthode sûre [pour] prévoir le temps même vingt-quatre heures à l’avance, à plus forte raison est-il scientifiquement impossible de prédire à plus longue échéance ». Si, près d’un siècle plus tard, la technologie permet aux météorologues d’affiner leurs prévisions, ils ne peuvent pas encore déterminer de manière fiable le temps qu’il va faire durant les quinze prochains jours. Mais, comme durant l’entre-deux-guerres, un certain nombreux de médias défient les lois de la science en se risquant à de tels présages. Dès lors, le constat dressé en son temps par Théophile Moreux nous semble frappant de modernité :

« les manchettes de certains journaux parisiens qui se font fort d'annoncer le temps pour le lendemain, savent à quoi s'en tenir à ce sujet. Je n'insiste pas c'est le public, paraît-il, qui réclame ces exploits. Tout est donc pour le mieux. Il plaisait aussi à Sganarelle [personnage récurrents des pièces de Molière] d'être battu ! »

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 « Quel été aurons-nous ? », L’Ouest-Eclair, 1er juillet 1928, p. 1.

2 Sur ce point voir par exemple VINCENT, Johan, L’intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.