La Mata-Hari brestoise

C’est un procès retentissant qui s’ouvre le 10 septembre 1935 devant le Conseil de guerre maritime de Brest, dans le Finistère : celui de Lydia Oswald, accusée d’espionnage. La jeune femme, que les témoignages s’accordent à décrire comme étant sublimement belle, ne comparait d’ailleurs pas seule dans le box des accusés. Sont en effet également jugés le lieutenant de vaisseau de Forceville et l’enseigne de vaisseau Guignard.

Lydia Oswald lors de son procès. Au second plan, l'enseigne de vaisseau Guignard. Cliché publié par la Dépêche de Brest le 11 septembre 1935.

L’affaire dont il est question ici fait depuis sept mois les gros titres de la presse bretonne. Il est vrai que le dossier est particulièrement lourd. D’ailleurs, dès les premiers instants du procès, le Conseil de guerre ordonne le huis clos, certains éléments pouvant « porter atteinte à la Défense nationale ». Le 2 mars 1935, s’apprêtant à prendre un train pour Paris, Lydia Oswald, une Suissesse de 29 ans, est arrêtée en gare de Brest en compagnie du lieutenant de vaisseau de Forceville. Or, non seulement le couple se trouve être en possession d’opium et d’un mandat de 5000 francs mais la jeune femme transporte un étonnant questionnaire qui, immédiatement, fait basculer le dossier de la simple chronique narcotique à la suspicion d’espionnage au profit de l’Allemagne.

En effet, il apparaît que filant le parfait amour avec Lydia Oswald, le lieutenant de vaisseau de Forceville met à disposition de la jeune femme son appartement de Brest, logement dans lequel sont entreposés des « documents secrets ». Mais, l’enquête révèle que la Suissesse entretient également une liaison avec l’autre prévenu, l’enseigne de vaisseau Guignard. Sous le charme, il l’emmène d’ailleurs sur son navire, le croiseur Emile Bertin, un bâtiment de 177 mètres de long lancé deux ans auparavant, véritable fleuron de la Marine de guerre française pouvant filer 34 nœuds. Mieux, il aurait même montré à sa bien curieuse dulcinée les tubes lance-torpille et la catapulte du bateau, matériels particulièrement sensibles.

Il est en définitive difficile de se prononcer sur la culpabilité ou non de la jeune femme. La presse elle-même avoue ne pas trop savoir quoi penser en affirmant qu’on « ne croyait généralement pas à l’exceptionnelle gravité des accusations ; on déclarait même un peu partout, qu’en réalité les inculpations reposaient beaucoup plus sur des hypothèses que sur des preuves »1. D’ailleurs, comme pour mieux s’en convaincre, l’affaire est traitée en pages intérieures.

Carte postale. Collection particulière.

Il est en revanche intéressant de voir comment la Dépêche de Brest relate ce procès retentissant. En effet, outre un récit qui n’est pas sans rappeler certains des plus grands maîtres du roman d’espionnage, c’est l’image de la femme qui se dégage de ces articles qui interpelle. Lydia Oswald est ainsi un être d’une étourdissante beauté, comme si elle était incapable de pratiquer le combat frontal, loyal, noble, propre aux hommes et donc était condamnée à cette pratique traitresse qu’est l’espionnage. La duplicité de sa vie amoureuse, indépendamment de l’inévitable condamnation morale qu’elle implique, ne fait en réalité que souligner cette faiblesse. Car il convient de ne pas s’y tromper. Si Lydia Oswald est le pivot de cette affaire rocambolesque, les deux autres prévenus ne comparaissant devant le Conseil de guerre que pour « négligence », la Suissesse demeure du fait de sa féminité un piètre agent. Ainsi la Dépêche de Brest croit bon de signaler que le fameux questionnaire qui est retrouvé sur elle est « destiné à suppléer à son insuffisante connaissance des choses techniques et surtout secrètes qu’une Puissance étrangère désire connaître »2. D’ailleurs, preuve ultime qu’elle est au final inoffensive, elle n’est condamnée qu’à neuf mois de prison. Les deux officiers sont pour leur part acquittés.

Erwan LE GALL

 

1 « Lydia Oswald  est condamnée à 9 mois de prison ; les 2 officiers sont acquittés », La Dépêche de Brest, n°18 888, 12 septembre 1935, p. 3.

2 « Lydia Oswald et ses co-inculpés ont comparu devant le Conseil de guerre maritime », La Dépêche de Brest, n°18 887, 11 septembre 1935, p. 3.