Les dangers de la route en 1936

« Attention si vous prenez la route ». La formule est aujourd’hui largement relayée dans la presse lorsque les départs en vacances se profilent. Elle est également de plus en plus acceptée par les usagers, preuve de l’efficacité des nombreuses campagnes sur la sécurité routière. Historiquement, on aurait tendance à dater l’émergence de cette sensibilisation, en France, aux années 1970 et plus particulièrement à 1972 avec la création du Comité interministériel à la sécurité routière. Christian Gerondeau est alors nommé à la tête de cet organisme. Il comprend très vite l’importance des médias, et en particulier de la télévision, pour diffuser son message. Son action lui vaut rapidement le surnom de « monsieur sécurité ».

Un accident de voiture dans le pays de Quimper dans les années 1930. Cliché Musée de Bretagne.

Dans les faits, la sensibilisation aux dangers de la route est bien plus ancienne. C’est d’ailleurs avec une certaine surprise que l’on découvre un message de prévention dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste du Morbihan, le 12 avril 1936, dimanche de Pâques. Placée en première page, son message est clair et efficace. Il y a tout d’abord une image sur laquelle sont représentés deux véhicules et une ligne continue. La voiture tente de doubler le camion. Au bout de la route il y a la mort, symbolisée ici par un crâne. Au choc de la photo s’ajoute le poids des mots :

« Pâques va marquer l’ouverture de la saison automobile. Automobilistes, soyez prudents, la mort vous guette. Mettez votre amour-propre à rentrer intact cher vous et sans avoir causé le moindre tort à autrui. »1

La diffusion de ce message n’est pourtant pas surprenante. Durant l’entre-deux-guerres, l’automobile se démocratise. Le constat est mécanique : plus il y a de voitures, plus il y a de trafic et plus il y a d’accidents. Qui plus est, les routes ne sont pas adaptées à ce type de circulation. Le revêtement est en effet fréquemment inadapté, mais surtout, la route est partagée avec d’autres usagers (piétons, cyclistes, engins agricoles non-motorisés…) qui ignorent trop souvent les dangers constitués par les automobiles.

Un tel message de prévention peut également surprendre dans le Morbihan, département réputé être resté dans le XIXe siècle. Cela est bien évidement réducteur et les demandes d’immatriculations à la préfecture sont en croissance constante, tant pour les professionnels que pour les particuliers2. Le département profite également de l’essor des loisirs d’où la recrudescence, avec l’arrivée de la belle saison, des automobilistes. Conséquence logique, de plus en plus d’accidents sont recensés dans la presse. On peut ainsi évoquer, au hasard, celui du 13 février 1936 à Josselin. Une camionnette s’engage dans un carrefour au même moment qu’un « cycliste qui, tête baissée, abordait le carrefour à toute vitesse »3. Suite aux blessures entrainant une incapacité temporaire de 20 jours au cycliste, le chauffeur est condamné à 25 francs d’amende pour blessure involontaire.

Un couple devant une automobile dans les années 1930. Collection particulière.

Au-delà de la sanction, l’exemple nous révèle bien l’imprudence dont fait preuve le cycliste imprudent et l’automobiliste étourdi. Il justifie donc la nécessité de sensibiliser les usagers aux dangers de la route. Cette prévetion est évidemment essentielle et permet de diminuer considérablement les accidents de la route. Les mentalités ont, en revanche, plus de difficultés à évoluer. Ainsi, déjà en 1936, la conduite automobile est associée à l’amour-propre. Comme une fatalité qui, de nos jours, ne trouverait son épanouissement que dans l’usage abusif du klaxon…

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Pâques va marquer l’ouverture de la saison automobile… », Le Nouvelliste du Morbihan, 12 avril 1936, 50e année, n°87, p. 1.

2 Archives dép. du Morbihan, Série S : transports automobiles.

3 « Tribunal correctionnel »Le Nouvelliste de Vannes, 22 mars 1936, p.8.