Les époux Péquart, des archéologues lorrains dans le Morbihan

Le Morbihan est célèbre pour ses nombreux sites mégalithiques. Outre l’intérêt purement touristique que l’on peut leur accorder de nos jours, ils révèlent les prouesses des hommes du néolithique. Au début du XXe siècle, cette richesse mégalithique suscite l’intérêt d’un couple d’archéologues autodidactes, Saint-Just et Marthe Péquart1. Ces derniers, en découvrant des dépouilles datant du mésolithique, révolutionnent les connaissances archéologiques dans le département.

Marthe et Saint-Juste Péquart en 1928, lors de fouilles à Téviec. Wikicommons / Service Bibliothèque et documentation Muséum de Toulouse.

Saint-Just Péquart naît en 1881 dans une famille de la bourgeoisie lorraine. Peu de temps après avoir terminé ses études de droit, il rencontre Marthe, de trois ans sa cadette. Les jeunes époux reprennent l’imposante quincaillerie du grand-père maternel de Saint-Just à Nancy. En dehors des heures de travail, le couple mondain partage une même passion pour les arts, qu’ils soient musicaux ou architecturaux. En 1912, le peintre Victor Prouvé, ami de la famille, leur conseille de visiter Carnac. Ce voyage change littéralement leur vie. En visitant le musée de la préhistoire, ils rencontrent Zacharie Le Rouzic qui leur fait découvrir l’archéologie. Ils reviennent alors à Carnac dès 1913 pour accompagner l’archéologue morbihannais dans un travail de fouilles.

Leur initiation est brusquement interrompue par la guerre. En 1914, bien que réformé, Saint-Just Péquart décide de s’engager. Mais sa faiblesse physique ne lui permet pas de se maintenir sous l’uniforme. Envoyé dans un centre de repos en 1915, il est définitivement déclaré inapte en novembre. Dégagé de toute obligation militaire, il en profite pour retourner avec Marthe en Bretagne où ils entament des fouilles sur l’île Thinic (Quiberon) puis à Carnac. Pendant près de 20 ans, ils multiplient les chantiers dans le département et, en 1923, ils commencent enfin à publier leurs recherches en collaboration avec Zacharie Le Rouzic2. Néanmoins, cette entente s’effrite lors de la publication du Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan préfacé par l’académicien Camille Jullian3. A l’origine de la discorde, il y a une divergence pouvant paraître futile. Zacharie Le Rouzic veut dédier l’ouvrage à Joseph-Louis Capitan, universitaire reconnu mais peu apprécié des Péquart. Les époux, de leur côté, accordent leur préférence à Marcellin Boule. Quelque part, cette discorde révèle bien plus. On peut en effet se demander si l’ombre de Zacharie Le Rouzic n’est pas devenue incompatible avec la nouvelle renommée des époux Péquart.

Après quelques recherches sur l’Île aux moutons dans le Finistère en 1927 (peut-être pour s’éloigner du terrain de fouilles de leur mentor), ils reviennent dans le Morbihan dès l’année suivante. Entre 1928 et 1934, à Téviec et Hoëdic, ils mettent à jour des deux plus importantes nécropoles du mésolithique de l’Europe de l’Ouest. C’est une véritable révolution qui trouve un certain écho dans la presse national comme en témoigne cet article publié dans Le Petit Parisien du 12 août 1929 :

« Mais ce qui fut inattendu et sans précèdent a été la découverte de ce gisement mésolithique, de nature à fournir une contribution de premier ordre à l'étude d'une civilisation dont on commence maintenant à soupçonner le rayonnement. »4

La renommée des époux ne cesse dès lors de croître, ce qui vaut à Saint-Just Péquart d’être nommé en 1934 vice-président de la Société préhistorique française. Il en devient président l’année suivante. C’est également en 1935 que les époux délaissent définitivement les fouilles dans le Morbihan pour se consacrer à la grotte du Mas-d’Azil dans l’Ariège.

Redressement d'un menhir. Muséum natiuonal d'histoiure naturelle / C. Morel-Péquart.

Peu de temps avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Saint-Just Péquart, anti-communiste convaincu, adhère au Parti populaire français de Jacques Doriot. En 1943, il rejoint la milice ce qui lui vaut d’être fusillé en septembre 1944. De son côté, Marthe Péquart est condamnée à cinq années de prison mais elle obtient sa libération au bout de 18 mois. Mise au ban de la communauté scientifique, elle tente difficilement de publier les dernières recherches menées avec son mari. Elle meurt en 1963.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 Sur ce point voir, Coll., « Marthe et Saint-Just Péquart, archéologues des îles », Melvan. La revue des deux îles, n°4, 2007.

2 LE ROUZIC, Zacharie, PEQUART, Marthe et Pequart, Saint-Just, Carnac, fouilles faites dans la région, campagne 1922, Paris, Berger-Levrault, 1923.

3 LE ROUZIC, Zacharie, PEQUART, Marthe et Pequart, Saint-Just, Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan, Paris, Berger-Levrault, 1923.

4 « Le gisement mésolithique de l’ïle Téviec », Le Petit Parisien, 12 août 1929, p. 2