Marcel Cachin : faire l’alliance du communisme et de la Petite patrie

Dans l’entre-deux-guerres, Marcel Cachin est une personnalité politique français de premier plan. Directeur de L’Humanité en 1918, il est député depuis 1914. Lors du Congrès de Tours de la SFIO, il participe à la scission du parti et se rallie à la IIIe Internationale. Il devient dès lors l’un des principaux dirigeants du nouveau Parti communiste en France. Lors de l’avènement du Front populaire en 1936, il devient sénateur. Il se présente également à trois élections présidentielles au cours des années 1930.

Marcel Cachin: un communiste originaire de Paimpol. Collection particulière.

Pourtant, cette carrière politique menée à Paris, n’a jamais éloigné ce natif de Paimpol, dans les Côtes-du-Nord de, ses racines. Son attachement à la Bretagne se voit notamment dans les liens qu’il entretient avec la diaspora bretonne en région parisienne, celle de Seine-Saint-Denis plus particulièrement. A travers cette implication, Marcel Cachin cherche tout d’abord à intégrer ces migrants bretons dans leur nouvel environnement. Une population bien souvent d’origine rurale, fortement liée au catholicisme, qui découvre la prolétarisation en travaillant comme terrassiers sur les chantiers du métro parisien, ouvriers dans les usines à gaz de Saint-Denis, ou bien en tant que bonnes chez les riches familles. Il souhaite leur montrer que le communisme peut les extirper de leurs conditions misérables. C’est pour ça qu’il participe à la fondation du groupe des « Bretons émancipés de Paris » en 1930. Il devient également le directeur d’honneur de « War Sao » (Debout), le journal publié par ce groupe de travailleurs bretons, dont le siège se trouve rue du Maine, dans le quartier Montparnasse. La création de cette association et de son organe officiel permettent également aux communistes de peser au sein de la diaspora bretonne face aux catholiques de la Mission bretonne et à la Fédération des Bretons de Paris, jugés par eux trop conservateurs.

A côté de ce militantisme politique local, Marcel Cachin poursuit un autre objectif envers la Bretagne : faire une alliance du communisme et de la Petite patrie. Puisque pour lui, il n’y a pas d’antagonisme entre les différentes échelles : international, Nation et Petite patrie ; en fait, seul compte le combat idéologique : pour le communisme, par la lutte des classes. Cette alliance, qui pourrait paraître théoriquement contre-nature, est parfaitement mise en œuvre dans une vidéo intitulée « Breiz Nevez » (Bretagne nouvelle) et datée de 19381. Celle-ci s’ouvre sur des chants en breton interprétés par le groupe de chanteurs des « Bretons émancipés » et est commentée par Marcel Cachin. Lorsqu’il évoque tout d’abord la Bretagne et notamment son histoire, le dirigeant communiste ne bouscule pas les discours dominants. Il évoque ainsi les menhirs et dolmens des Celtes, les nombreuses chapelles et églises, la révolte des Bonnets rouges contre Louis XIV, les Bretons aventuriers etc. Bref, un discours que pourraient parfaitement tenir les nationalistes de Breiz Atao dans les mêmes années. En revanche, le discours se démarque clairement quand il s’agit du peuple breton. Pour Cachin, la lutte des classes est bien présente en Bretagne : entre « travailleurs de la mer » et « capitalistes de la conserve » ; entre les paysans et ouvriers agricoles « voués  une existence très dure », véritables « exploités ruraux », face aux « hobereaux qui prétendent maintenir leurs privilèges d’autrefois ». Cachin raconte ensuite la tenue d’une fête estivale à Pont-l’Abbé, le 7 août 1938, organisée par le Parti communiste. C’est un « événement politique » important pour lui, et avance le chiffre de 10.000 personnes présentes. Le défilé dans les rues de la cité bigoudène mélange les groupes locaux et de la diaspora liés au mouvement ouvrier et communiste, avec les groupes folkloriques en costumes traditionnels. Selon ses mots, cette fête veut « défendre avec force le peuple des ouvriers, marins, pêcheurs, paysans et artisans ». C’est donc bien sur le terrain social et non identitaire que se situe le combat de Cachin en Bretagne.

Costume traditionnel de Pont-L'Abbé. Carte postale. Collection particulière.

D’ailleurs le discours qu’il prononce lors de la fête résume parfaitement cette alliance du communisme et de la Petite partie :

« En adhérant au Front populaire, les Bretons restent fidèles à la démocratie française et au passé de leur petite patrie. Toujours, la Bretagne compta de grands lutteurs dans l’histoire de ses paysans, de ses marins, de ses savants et de ses penseurs. Nous sommes, nous les communistes, leurs fils authentiques. Nous travaillons pour le progrès, pour la vraie paix, pour l’émancipation humaine. Et en défendant le peuple d’aujourd’hui, nous restons attachés aux traditions de nos aïeux qui ont tant soufferts et qui nous ont légué leurs cœurs robustes. »

Enfin, nous notons que le combat pour la sauvegarde de la langue bretonne mérite d’être mené pour Marcel Cachin : « la vieille langue bretonne […] qui ne doit pas périr ». Cette vitalité linguistique passe notamment lors de cette manifestation par le chant de l’Internationale en breton.

Thomas PERRONO

 

1 Le film est conservé par le fonds audiovisuel du Parti communiste français - Mouvement ouvrier & démocratique. Nous avons pu le consulté via son site internet Ciné-Archives.