Sea, Style and Sun sur la plage de Quiberon en 1925

L’été, la plage est le lieu où il faut être pour observer les tendances, les nouvelles modes et les accessoires les plus futiles. Il faut plaire sur le sable et ce n’est pas récent. Bien au contraire. Déjà en 1925, l’éphémère journal saisonnier La Phare de Quiberon, évoque sur un ton humoristique – et un brin moqueur – les « conceptions d’élégance plutôt pittoresques » qui viennent envahir les plages1. Bien que court, l’article nous est particulièrement précieux. S’il présente quelques unes des tendances de l’été 1925, il met également en évidence les incompréhensions liées à l’évolution des enjeux moraux sur les plages de l’entre-deux-guerres.

Carte postale. Collection particulière.

Alors que trouve-t-on sur le sable des années 1920 ? Il y a tout d’abord les inventions pratiques. La première observée se nomme le « sac à main siège ». Comme son nom l’indique, il s’agit d’un sac qui se transforme en un confortable siège. L’objet, plutôt réussi selon l’auteur, a connu quelques modifications qui lui permettent de traverser les époques. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler la fameuse Table pique-nique pliable que l’on rencontre encore de nos jours. En revanche, en 1925, une nouveauté semble connaître moins de succès : la « robe cabine », inventée en Allemagne. Ce vêtement, très léger, est vendu avec une armature qui lui permet de se transformer en cabine de plage portative : les femmes peuvent désormais se changer tout en se préservant des regards indiscrets. Mais puisqu’il faut préalablement retirer la robe pour protéger son intimité, on comprend rapidement pourquoi l’invention n’a pas rencontré le succès escompté…

 La sécurité des baigneurs retient également l’attention des ingénieurs. Le « maillot à prétention insubmersible » se veut ainsi être l’arme anti-noyade. Ce dernier est composé de « bouclettes » qui se remplissent d’air de façon à flotter. L’objet est utile c’est évident – encore que peu fiable selon l’auteur –, mais il est résolument moche et disgracieux « sur une plage à la mode », ce qui ne peut convenir aux jeunes femmes : « Il est évident qu’on peut difficilement supposer qu’une dame vraiment élégante puisse s’accommoder d’un vêtement de bain qui aurait l’air, autour de ses sveltes lignes, d’une bouée ou d’un pneu ». L’auteur tourne en dérision cette mode qu’il ne comprend pas, la considérant « saugrenue » et « fantasque ». Choc des représentations ou conflit de générations, le journaliste estime que cette tendance est « faite seulement pour amuser les snobs ou épater les badauds ». De telles critiques sont courantes. On peut citer ici, par exemple, le désarroi du curé de Piriac-sur-Mer face aux premiers adeptes du bronzage intensif. Il rapporte, en 1934, la présence d’une célèbre actrice dont le seul but était de se faire rôtir, deux semaines durant2.

Carte postale. Collection particulière.

Les nouvelles façons d’occuper la plage après la Grande Guerre soulèvent en effet de nouveaux enjeux moraux. L’ « occupation rationnelle », celle à but thérapeutique, est de moins en moins prisée3. Elle cède du terrain à l’« occupation irrationnelle », celle du bronzage, de la mode et de toute forme de plaisir. Assimilée à un gaspillage du temps, elle est alors largement critiquée. A cela s’ajoute la pudeur d’une région catholique et profondément pratiquante, ce qui ne facilite pas l’acceptation des nouvelles mœurs. Un siècle plus tard, les plagistes subissent encore des vagues de critiques. Les enjeux ont certes changé mais pas le désir de plaire et, il faut le reconnaître, ce n’est pas toujours pour nous déplaire.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 DE FORGES, Henry, « Innovations curieuses pour plages », La Phare de Quiberon, 28 juillet 1925, n°3, p. 1.

2 Bulletin paroissial de Piriac sur Mer, 29 juillet 1934 cité dans VINCENT, Johan, L’intrusion balnéaire – Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, PUR, 2007, p. 110.

3 CORBIN, Alain (dir.), L’avènement des loisirs 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p.10-13.