Un poète oublié, Saint-Pol-Roux

Saint-Pol-Roux est très certainement l'un des écrivains français les plus emblématiques du mouvement symboliste. Pourtant, comme lors de son vivant, son œuvre reste de nos jours largement méconnue, et ce malgré l'intérêt que lui portent, entre autre, André Breton et Michel Décaudin1.

Carte postale. Collection particulière.

Paul-Pierre Roux, de son vrai nom, naît le 15 janvier 1861 à Marseille. A l'âge de 21 ans, il décide de rejoindre Paris où il entame des études de droit. Dans la capitale, il commence à s'intéresser de près à tous les formes d'arts, de la musique à l'architecture, bien qu'il porte une affection particulière à la peinture. Selon lui, ce qui différencie ces différentes expressions artistiques c'est le support, ni plus ni moins. Lui se sent plus à l'aise avec la plume et la poésie. Il abandonne alors progressivement ses études et commence à publier sous le pseudonyme de Saint-Pol-Roux.

Le succès n'étant pas au rendez-vous, Pierre-Paul Roux décide de quitter Paris avec sa compagne Amélie Bélogey. Ils s'installent quelques mois en Belgique puis ils décident de rejoindre le Finistère, là où les peintres que Paul-Pierre Roux admire tant, ont trouvé d'inépuisables sources d'inspiration. Il recherche en outre la tranquillité, loin des richesses et des ambitions parisiennes qu'il rejette. Les époux s'installent dans un premier temps à Roscanvel puis, quelques années plus tard, s'établissent quelques kilomètres plus loin, à Camaret.

Dans le Finistère, Saint-Pol-Roux s’épanouit. Il s'inspire tant des paysages que de la population, et plus particulièrement des pêcheurs. S'il ne rencontre pas véritablement la notoriété auprès du grand public, il acquiert en revanche la reconnaissance de ses pairs, surtout de la jeune génération. André Breton, Louis Aragon, Benjamin Péret ou encore Robert Desnos publient un « Hommage à Saint-Pol-Roux » dans les Nouvelles littéraires du 9 mai 19252. Personnage charismatique, Pierre-Paul Roux reçoit régulièrement la visite de nombreux artistes tels Max Jacob, Jean Colle, André Breton ou encore Jean Moulin, alors sous-préfet de Châteaulin et lui-même talentueux peintre à ses heures perdues.

La guerre vient soudainement rompre la quiétude à laquelle il s'était habitué. Dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, un soldat entre dans son foyer et tue sa gouvernante. Saint-Pol-Roux et sa fille sont blessés. A son retour de l'hôpital, l'écrivain découvre avec effroi que sa maison a été pillée et que ses manuscrits ont disparu. Quelques mois plus tard, en octobre, il est de nouveau hospitalisé pour une crise d'urémie. Il décède le 18 octobre 1940.

Carte postale. Collection particulière.

Dans L'Ouest-Eclair, l’écrivain et journaliste Florian Le Roy lui adresse un ultime hommage :

« Saint-Pol-Roux, dans son superbe exil, laissa se déchaîner son génie, et, s'il s'en va, aujourd'hui, discrètement, gagner la demeure éternelle, parmi les pêcheurs qu'il aimait, comme Jésus pouvait aimer les pécheurs de Tibériade, demain on s'apercevra qu'un des plus beaux chants qu'ait pu moduler une gorge humaine s'est tu soudain. »3

La conviction de l'auteur breton ne s'est malheureusement pas concrétisée. C'est au contraire dans l’oubli qu'est tombée l’œuvre de Saint-Pol-Roux.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 Un colloque lui a été consacré en 2009 : LE HAN, Marie-Josette (dir.), Saint-Pol-Roux, passeur entre deux mondes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.

2 Sur ce point, voir MABIN, Renée, « Camaret : Saint-Pol-Roux, frère des peintres (De Gauguin à Jim Sévellec) », in LE HAN, Marie-Josette, op. cit., p. 87-94.

3 « Funérailles d'automne », L'Ouest-Eclair, 22 octobre 1940, p. 3.