André Jolly, un peintre de la fuite ?

André Jolly fait partie des nombreux peintres qui se sont laissés séduire par les charmes du Finistère. Pourtant, contrairement à Paul Gauguin, son nom n'est pas resté dans la mémoire collective. Ce n'est pas la qualité picturale de son œuvre qui en est responsable, mais plutôt la timidité qui l'a maintenue éloigné de la notoriété.

La Pointe. Huile sur toile d'André Jolly présentée en 1907 au Salon des indépendants. Collection particulière.

André Jolly naît le 11 août 1882 à Charleville dans les Ardennes. A 18 ans, en refusant de reprendre la librairie-imprimerie familiale, il échappe une première fois au destin qu'on lui impose. Lui préfère en effet rejoindre Paris où il entame des études en Lettres classiques. Mais l'expérience tourne court. Alors qu'il séjourne presque par hasard à Pont-Aven, il tombe sous le charme de la région. Il prend dès lors la décision d'interrompre ses études pour se consacrer à la peinture.

Très rapidement, André Jolly s'installe à Pont-Aven. Tout d'abord à l'hôtel, puis en pleine campagne où il vit en quasi-autarcie, se contentant des légumes que lui procure son potager et du lait de sa chèvre. En 1908, il construit une maison-atelier à Névez, puis rejoint Loctudy en 1913 après avoir épousé une institutrice brestoise avec qui il aura quatre enfants. Bien installé en Bretagne, André Jolly retourne régulièrement à Paris où il expose ses gravures et ses toiles, essentiellement des portraits, des scènes paysannes, des paysages, et des natures mortes. Il participe ainsi régulièrement au Salon des indépendants.

La Première Guerre mondiale interrompt brusquement les habitudes du peintre. Déclaré inapte au combat en raison d'un problème cardiaque, il est maintenu à l'arrière. A Quimper, il est nommé intendant de l'hôpital installé dans les locaux du collège Le Likès, puis il termine la guerre sur le front après avoir demandé son affectation dans une unité combattante.

Après sa démobilisation André Jolly rencontre enfin la consécration à Paris. Cependant, n'assumant pas cette notoriété, il fuit la capitale pour retrouver la quiétude du Finistère en 1924. Mais cette tranquillité à un prix, celui de ne plus pouvoir assumer financièrement les besoins de sa famille. En 1933, il accepte alors un poste de secrétaire à l'inspection académique... au Mans. C'est désormais loin de la Bretagne qu'il poursuit sa vie, tout en continuant la peinture et en s'essayant à la critique de films. Ses revenus lui permettent alors de conserver une petite résidence de vacances dans le Finistère où il revient, chaque été, avec sa famille.

Le Thonier. Huile sur toilre d'André Jolly présentée en 1921 au Salon d'automne. Collection particulière.

Si une exposition lui est consacrée à Quimper en 1950, la reconnaissance n’intervient véritablement qu’en 2005, 36 ans après sa mort, lorsque le musée de Pont-Aven lui consacre une rétrospective. Pourtant, on connaît encore peu de chose de la vie d'André Jolly, ce dernier n'ayant pas laissé d'archives. Sa vie pourrait néanmoins se résumer en un mot : la fuite. Fuite d'un destin tout tracé, fuite de la notoriété qui lui tendait les bras... comme si la seule chose qui l'importait était de retrouver la quiétude du Finistère. Mais résumer la vie d'un homme de cette manière est trop réducteur. Nous ne pouvons donc que vous conseiller de visiter le site administré par Daniel Le Feuvre André  Jolly - Peintre de Névez et de Pont-Aven  (1882-1969). Une belle manière de découvrir l'histoire d'un peintre autodidacte méconnu.

Yves-Marie EVANNO