De l’industrie bretonne

Depuis déjà plusieurs décennies, l’historiographie bretonne, au travers des travaux de Jean-Yves Andrieux, Claude Geslin et bien d’autres (dont je suis) a montré un visage industriel de la Bretagne qui, sans occulter son caractère massivement agricole et malgré les handicaps financiers, a mis en évidence l’existence d’un esprit d’entreprise et d’une dynamique entrepreneuriale. Ce sont le plus souvent des îlots liés à une entreprise ou une activité, où le rôle de l’Etat n’est pas négligeable, si l’on songe aux arsenaux et manufactures de tabac notamment. C’est ce que vient nous rappeler ce livre, écrit par un ancien inspecteur du travail, qui a pu connaître les derniers avatars de ces activités multiformes1.

Carte postale. Collection particulière.

Les nombreuses illustrations, constituées essentiellement de cartes postales du début du XXe siècle, restituent l’aspect humain de ces entreprises. Quelques réclames complètent cette iconographie qui nous tire vers la nostalgie, ce qu’induit le titre même « d’industries d’autrefois ». Ce parti pris implicite peut expliquer certains choix de monographies qui ont été faits par rapport à la multitude de fabriques ayant existé. Prenons par exemple l’industrie de la chaussure que nous connaissons assez bien (p. 111-117). Six entreprises sont évoquées, dont l’emblématique usine Cordier, mais aucune n’est caractéristique de la deuxième moitié du XXe siècle (les usines JB Martin, Barbier ou Réhault par exemple). L’évocation des carrières de granit et grès (p. 7-13), contrairement aux ardoisières par exemple (p. 14-18), ne met pas d’entreprise en avant, alors que certaines sont bien connues et ont eu un rôle important, comme la société l’Avenir de Louvigné-du-Désert, qui a fait l’objet d’une publication des Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine il y a quelques années. A la décharge des auteurs, il est certain qu’ils ne pouvaient pas présenter toutes les entreprises.

Carte postale publicitaire. Collection particulière.

La juxtaposition d’études de cas traitées sur le mode chronologique se lit de manière agréable. On peut néanmoins  regretter l’absence d’une préface qui aurait permis de contextualiser le sujet et d’en présenter de manière synthétique toute la complexité. L’ouvrage n’en constitue pas moins une introduction intéressante pour la (re)découverte d’un patrimoine local souvent oublié et dont il reste souvent plus de traces qu’on ne le pense généralement.

Jérôme CUCARULL

 

LAMOUR, Alain et Claudine, Industries d’autrefois en Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2015.

 

1 LAMOUR, Alain et Claudine, Industries d’autrefois en Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2015. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.