Un dictionnaire jubilatoire

Quoi de plus étrange que d’expliquer à un enfant que la curiosité est un « vilain défaut » ? C’est au contraire une grande qualité que de vouloir découvrir et interroger le monde, pour mieux le comprendre. C’est d’ailleurs bien de cela dont il s’agit lorsqu’on fait de l’histoire : questionner le réel passé et l’envisager au prisme de notre sensibilité. Aussi l’un des plus grands bonheurs que puisse accorder l’existence est  probablement celui qui consiste en une plongée dans un dictionnaire, en flânant d’une notice à une autre. Et c’est précisément ce que nous offrent Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli avec ce Dictionnaire de l’historien, fruit de la collaboration de plus de 200 auteurs1.

Enveloppe commémorative. Collection particulière.

Disons-le de suite, cet ouvrage est tout simplement indispensable. Les étudiants y trouveront un outil de travail relativement incomparable, leur permettant d’accéder à un état de l’art d’une grande qualité pour tout un ensemble de questions, de l’histoire maritime à l’archéologie en passant par la culture, qu’elle soit de masse, de guerre, politique ou matérielle. Les chercheurs confirmés prendront également plaisir à se plonger dans cet ouvrage en ce qu’il regorge de notices passionnantes, rédigées par quelques-uns des plus grands spécialistes de la discipline : Christian Delporte, Jean-Clément Martin, Alain Corbin, Jacqueline Lalouette, Christian Amalvi, Bruno Cabanes… pour ne citer que quelques noms. Ajoutons également que la Bretagne est à l’honneur dans ce dictionnaire puisqu’on peut y retrouver des contributions de Florian Mazel, Philippe Hamon et Jean-Pierre Lethuillier, que les étudiants passés par les bancs de l’université Rennes 2 connaissent bien.

Bien entendu tenter un résumé d’un tel volume est chose illusoire. Tout juste pouvons-nous confesser le bonheur que nous avons eu à nous y plonger, naviguant, pour ne citer que quelques exemples, entre les notices qu’Hervé Drévillon consacre à l’histoire militaire ou à la bataille et le propos de Jacques Revel sur la micro-histoire. A chaque fois, les notices offrent une belle synthèse de l’histoire de l’objet d’histoire, où de la méthode historique, qu’elles envisagent, le tout étant enrichi de multiples références historiographiques et d’une succincte bibliographie.

Bien entendu, tout ne peut pas être parfait en une si vaste entreprise et certaines notices ne manqueront pas d’être discutées, à l’instar de celle de Stéphane Audoin-Rouzeau sur la notion de brutalisation forgée par George L. Mosse. Autre exemple, il nous semble que Patrick Garcia ne fait pas assez de cas des grandes commémorations qu’ont été le bicentenaire de la révolution française et, plus près de nous, le centenaire de l’année 1914 dans sa notice sur la demande sociale d’histoire. Enfin, il nous faut regretter l’absence dans ce dictionnaire d'entrées dévolues à la monographie ou à l’histoire locale alors que l’histoire globale et le transnational sont, à juste titre d’ailleurs, évoqués. Mais sans doute que ce choix est révélateur de l’état actuel de la discipline…

Carte postale. Collection particulière.

En définitive, Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli proposent avec ce Dictionnaire de l’historien un ouvrage qui risque de très rapidement s’imposer comme une référence incontournable. Il est vrai que tant les étudiants de première année que les chercheurs émérites où les simples curieux trouveront plaisir à se plonger dans ce riche volume. Et là est sans doute le plus bel hommage que les contributeurs pouvaient rendre à leur discipline en redonnant au lecteur un peu du plaisir que l’on éprouve en faisant de l’histoire.

Erwan LE GALL

 

GAUVARD, Claude et SIRINELLI, Jean-François (dir.), Dictionnaire de l’historien, Paris, Presses universitaires de France, 2015.

 

1 GAUVARD, Claude et SIRINELLI, Jean-François (dir.), Dictionnaire de l’historien, Paris, Presses universitaires de France, 2015.