Une remarquable monographie

Nous n’avions pas encore eu l’occasion d’évoquer en ces colonnes l’excellent travail effectué par l’association Arkae qui, depuis la fin des années 1970, s’attache à la sauvegarde, la conservation, la valorisation et la promotion du patrimoine d’Ergué-Gabéric, petite commune du Finistère située en lisière de Quimper. C’est désormais chose faite avec les deux numéros de la revue Les Cahiers d’Arkae qui, sous la plume de Jean-François Douguet, proposent une remarquable monographie d’Ergué-Gabéric pendant la Première Guerre mondiale1.

Carte postale. Collection particulière.

Particulièrement complet, le premier volume offre une étude de haut niveau sur cette commune finistérienne pendant le conflit… et bien après. C’est en effet l’un des mérites les plus remarquables de cette enquête que de dépasser largement les bornes chronologiques de la Première Guerre mondiale  pour englober les années 1920-1930 et offrir un intéressant panorama de la place prise par cette génération du feu dans les affaires de la commune. Sont alors évoquées aussi bien les commémorations ou les rivalités entre associations patriotiques que la place des anciens combattants dans la vie politique locale (I, p. 114-119).

Le travail de Jean-François Douguet est d’autant plus remarquable qu’il a été effectué dans des conditions peu évidentes, alors que les registres matriculaires du recrutement des Archives départementales du Finistère étaient en cours de numérisation et donc, indisponibles. Il en résulte une méthode basée sur l’échantillon jugé – et à raison nous semble-t-il – représentatif que constituent les morts (I, p. 25). A chaque fois les données sont restituées dans un contexte plus global afin de faire ressortir les grandes tendances ou, au contraire, les spécificités.

Celles-ci sont essentiellement au nombre de deux et méritent que l’on s’y attarde quelques instants. En effet, on ne peut passer outre le poids de la papeterie Bolloré dans la vie de la commune (I, p. 20-21), dimension qui importe toujours pendant le conflit et que l’auteur sait restituer avec finesse. Ainsi par exemple de Joseph Chausse, saint-cyrien et belle-sœur de l’industriel dont le nom est inscrit sur le monument aux morts pour rappeler que la famille Bolloré « aussi avait souffert de cette guerre bien que son chef, René Bolloré, directeur des papeteries, n’ait pas été mobilisé » (I, p. 37). Enfin, autre spécificité locale, les faibles pertes lors de la bataille des frontières, alors que le 11e corps est passablement éprouvé à Maissin, et lors des offensives de mai-juin 1915 (I, p. 35). Il n’y a sans doute pas d’explication rationnelle à avancer à cela mais cet état de fait est suffisamment rare pour qu’il soit rappelé.

Nombreux sont les Gabéricois affectés au 118e RI de Quimper.

Le deuxième volet de cette étude est une galerie de portrais de « Cornouaillais dans la Grande Guerre » agrémentée à de nombreuses reprises d’extraits de correspondances ou de carnets. Le tout compose un volume d’autant plus intéressant que certains parcours sortent réellement de l’ordinaire et apportent ainsi une réelle valeur ajoutée au propos : Pierre Douguet fait sa guerre au Cameroun ce qui offre l’occasion d’un intéressant éclairage sur ce volet du conflit (II, p. 33-37), Henri Gourmelen est pompier de Paris (II, p. 38), Michel Le Goff est non seulement de nouveau mobilisé en 1939 mais ce caporal du 65e RI deux fois cité apporte une aide active aux FFI pendant la Seconde Guerre mondiale (p. II, p. 90-93). Autant d’exemples qui disent bien la qualité et la richesse de cette remarquable monographie.

Erwan LE GALL

 

DOUGUET, Jean François, « Ergué-Gabéric dans la Grande Guerre », Tome 1, Les Cahiers d’Arkae, n°18, juillet 2014 et « Cornouaillais dans la Grande Guerre », Tome 2, Les Cahiers d’Arkae, n°19, novembre 2014.

 

 

1 DOUGUET, Jean François, « Ergué-Gabéric dans la Grande Guerre », Tome 1, Les Cahiers d’Arkae, n°18, juillet 2014 et « Cornouaillais dans la Grande Guerre », Tome 2, Les Cahiers d’Arkae, n°19, novembre 2014. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses et avec mention du tome en chiffres romains.