La condamnation de Rivonia

Depuis hier soir les hommages affluent des quatre coins de la planète. Hommes d’Etat et simples citoyens témoignent de leur tristesse à l’annonce du décès de Nelson Mandela, figure majeure du XXe siècle et autorité morale incontestable. Pour une fois, l’admiration semble réellement sincère et on ne compte plus les profils sur les réseaux sociaux arborant un hommage plus ou moins explicite à Madiba en guise d’avatar. Un paradoxe dans cette période de crise où la recrudescence de la parole raciste n’est pas sans inquiéter.

C’est lors du procès dit de Rivonia, du nom de la localité où il est arrêté en août 1962, qu’est jugé Nelson Mandela. Le futur prix Nobel de la paix (en 1993) comparait avec une dizaine d’autres prévenus, militants comme lui. Les débats sont relativement longs puisqu’ils débutent en octobre 1963 mais s’achèvent, sans surprise, par un jugement de culpabilité prononcé le 11 juin 1964. Nelson Mandela peut ainsi expliquer comment il choisit, après des années de lutte pacifique et influencé par les massacres de Sharpeville1 en 1960, de basculer dans l’action armée en privilégiant le sabotage n’entraînant aucune perte de vie humaine. Mais, le lendemain, 12 juin 1964, il y a tout juste 49 ans, Nelson Mandela est condamné à la prison à vie.

Cette peine, il la purge notamment dans la tristement célèbre prison de Robben Island où il contracte notamment la tuberculose, dont les séquelles le font aujourd’hui tant souffrir d’après les informations transmises aux médias. Prisonnier matricule n°46664, il ne bénéficie d’aucune mesure de faveur. Au contraire même puisqu’il est considéré comme un détenu de « catégorie D », la plus basse.

L’arrestation de Nelson Mandela montre toute l’ambiguïté d’une politique américaine obnubilée par la Guerre froide. En effet, c’est en juillet 1964 que Washington promeut le Civil Rights Act qui abolit les lois ségrégationnistes dites Jim Crow. En d’autres termes, alors qu’ils avaient participé en nombre à la libération de l’Europe en 1944-1945, ce n’est que 20 ans après fin de la Seconde Guerre mondiale que les Afro-américains deviennent dans leur propre pays des citoyens sans restriction, avec les mêmes droits que les WASP. Mais, la politique de Washington n’est pas nécessairement la même suivant que l’on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur des Etats-Unis. En effet, plusieurs auteurs affirment que c’est grâce à des renseignements de la CIA que Mandela est arrêté. En effet, l’idéologie de l’Apartheid s’affiche comme étant « la ligne de défense de l’Occident », rejetant de facto Mandela dans le camp des communistes.

Erwan LE GALL

1 Le 21 mars 1960, la police sud-africaine ouvre le feu sur une foule de manifestants : 69 personnes sont tuées et il y a plus de 180 blessés. C’est un moment charnière de l'histoire du pays, cette tuerie insensée déclenche une vague de protestations tant au niveau national qu’international.