Le Mystère Yves Monnier

Dimanche prochain, 14 avril 2013, Rennes commémorera le 65e anniversaire de la mort de l’un de ses enfants, Yves Monnier. Derrière ce nom qui ne vous dit probablement pas grand-chose se cache un parcours particulièrement intéressant qui illustre bien combien les trajectoires biographiques sont parfois délicates à démêler, du fait d’une certaine imprécision des sources. En effet, si l’on peut croire de prime abord que, pour les militaires, les dossiers particulièrement bien tenus par les services administratifs de l'Armée rendent la tâche aisée, la réalité infirme parfois durement un tel préjugé.

Le faubourg Saint-Hélier à Rennes, quartier de naissance d'Yves Monnier. La rue de Belleville est une voie perpendiculaire à droite du cliché. Collection particulière.

Né dans le quartier Saint-Hélier, rue de Belleville exactement, à Rennes, le 12 juin 1920, le jeune Yves Monnier est un élève brillant. Fils d’enseignants, il est bachelier avec les mentions « bien » puis « assez-bien », à l’époque où cette épreuve se déroule en deux fois. Il étudie la philosophie, le latin, le grec mais également les mathématiques, disciplines qui le conduisent tout droit à l’Ecole navale, établissement dont il sort avec un excellent rang en janvier 1940.

Ses débuts dans la Royale sont aussi troubles que la période puisque les archives ne nous permettent pas de savoir exactement où il se trouve. Son dossier de l’Ecole navale nous indique qu’il est à Toulon tandis qu’un document conservé par les Archives municipales de Rennes laisse entendre qu’il se trouve à Dakar au moment où le général De Gaulle tente d’y débarquer en septembre 1940. En revanche, il est certain qu’il suit des cours de perfectionnement et qu’en 1942 Yves Monnier devient sous-marinier. A partir de cette date les embarquements se font plus réguliers et la trame biographique plus complète, même s’il reste des zones d’ombres.

Photographie du sous-marin Orphée publiée dans Paris-Match le 16 mai 1940.

Affecté sur l’Orphée, un bâtiment du groupe de sous-marins du Maroc, il termine la Seconde Guerre mondiale en Méditerranée et obtient le grade de lieutenant de vaisseau le 4 juillet 1945. Mais s’il est clair qu’après le débarquement allié en Afrique du nord de novembre 1942, l’opération Torch, Yves Monnier ne combat plus au sein de la Marine de Vichy, reste à déterminer ce qu’il advient de lui. On sait en effet qu’il ne sert pas au sein des Forces navales françaises libres puisque son nom ne figure pas sur la très fiable liste Ecochard. Dès lors, deux possibilités demeurent. Soit Yves Monier est « débriefé » pendant quelques mois par les services de contre-espionnage, façon Patriotic School, ce qui peut expliquer qu’on perde sa trace; soit il est affecté sur un bâtiment giraudiste.

Volontaire pour la guerre d’Indochine, Yves Monnier y sert pendant deux ans avant de tomber au combat, le 14 avril 1948. Mais là encore, on ne sait pas grand chose de sa campagne en Extrême-Orient. Son décret de nomination à titre posthume au grade de chevalier de la Légion d’honneur est une pièce intéressante en ce qu’elle éclaire un peu les circonstances de sa mort :

« Officier doué des plus belles qualités militaires et morales, volontaire pour servir en Extrême-Orient, a commandé la marine à Mytho, du 16 novembre 1947 au 14 avril 1948, avec une foi, un allant, une intelligence et une compréhension dignes des plus hauts éloges. Constamment en opérations, appuyant de ses conseils et dirigeant avec compétence les Landing-Crafts de la flottille mis pour emploi sous ses ordres, payant de sa personne, a forcé l’admiration de tous. A trouvé la mort […] au moment où il venait délivrer un poste ami encerclé par les rebelles. »

C’est à la demande de son père qu’une rue de Rennes reçoit le nom d’Yves Monnier, requête d’ailleurs appuyée par l’un de ses anciens professeurs, Henri Fréville, devenu entretemps maire de la ville. Pourtant, 65 ans après la mort de ce Breton, force est d’admettre que certains détails de la vie d’Yves Monnier demeurent encore bien mystérieux.

Erwan LE GALL

Sources: Arch. Mun. Rennes : 1 w 127 ; Espace tradition de l’Ecole navale, COSTAGLIOLA, Bernard, La Marine de Vichy, Blocus et collaboration, Paris, Tallandier, 2009.