1948-2018, 70 ans de presse à Guingamp

Après plus trois années de tracasseries administratives et de pénurie de papier, c’est le 17 avril 1948 que les kiosques guingampais retrouvent enfin un hebdomadaire local. Le Journal de Guingamp (de son Arrondissement et des Cantons limitrophes) paraît ce jour-là à 3 000 exemplaires. De la saga familiale des Anger, jusqu’à l’actuel Echo de l’Armor et de l’Armor, retour sur 70 ans d’aventure de presse à Guingamp.

Carte postale. Collection particulière.

Avant-guerre, l’histoire de la presse locale dans la sous-préfecture des Côtes-du-Nord est déjà riche et très ancienne. En effet, le premier titre de presse y paraît en 1832. C’est avant tout un hebdomadaire d’annonces de ventes d’affaires commerciales et agricoles qui porte le nom à rallonge d’Affiches, Annonces et Avis divers de Guingamp et de Lannion, département des Côtes-du-Nord. Tout au long du XIXe siècle, le titre prend les noms successifs de : Le Conteur bas-breton (1839), Le Prix courant des Marchés de Bretagne (1842), le Caboteur (1843), La Presse bretonne (1851), avant de  devenir Le Journal de Guingamp en 1885. Créé et dirigé par Benjamin Jollivet, un imprimeur originaire de l’Indre, le journal passe entre les mains de l’un des ouvriers, Fabien Rouquette, en décembre 1855. Puis en 1888, c’est le gendre de  ce dernier, Louis-Alfred Anger qui reprend l’imprimerie située sur la place du Centre. Ce n’est du reste pas vraiment une surprise puisqu’il est membre d’une famille d’imprimeurs qui possède déjà des journaux à Loudéac, Pontivy et Lannion. Les années 1929-1930 marquent un tournant à double titre dans la presse guingampaise : les trois hebdomadaires locaux – Le Journal de  Guingamp, L’Avenir de Guingamp et L’Echo guingampais – fusionnent pour faire place à La Presse guingampaise, dont le premier numéro date du 4 janvier 1930 ; c’est aussi le moment où Léon Anger, petit cousin de Louis-Alfred reprend l’imprimerie familiale. Le nouveau titre de presse paraît jusqu’au 2 septembre 1944, près d’un mois après la libération de Guingamp, avant d’être interdit de parution par le gouvernement.

On connaît la suite. Il faut attendre 1948 pour que Léon Anger puisse relancer le titre de presse guingampais… sous son ancien nom : Le Journal de Guingamp. Installée désormais au n°38 de la rue Saint-Nicolas, l’imprimerie Anger se lance dans une course à la modernité. Très rapidement, le fastidieux travail de l’ouvrier typographe qui compose les pages du journal, lettre après lettre prend fin. Le Journal de Guingamp dispose bientôt de trois linotypes, sorte de grande machine à écrire qui compose des lignes en plomb. Puis en 1964, l’hebdomadaire guingampais devient le premier journal des Côtes-du-Nord à être imprimé sur une rotative. Ce nouveau procédé  permet d’accélérer la cadence  d’impression. Ainsi, le 25 avril 1965, le  journal passe de quatre à huit pages, puis à douze  au mois de décembre suivant. La couleur – verte – apparaît également dans le titre. En moins de vingt ans de parution, Le  Journal de Guingamp fait plus que tripler le nombre d’exemplaires vendus. Dès lors, le titre part à la conquête des cantons environnants : de Callac à Châtelaudren, de Pontrieux à Rostrenen. Pour ce faire, le journal change de nom le 8 janvier 1966 : L’Echo de l’Armor et de l’Argoat est né !

Les années 1970 marquent un nouveau tournant dans la saga guingampaise des Anger. Tout d’abord, Léon cède sa place à ses fils André et Michel. Ensuite, parce que l’imprimerie s’engage toujours plus loin dans le tournant technologique. Au milieu des années 1970, l’entreprise se dote d’une rotative offset, ce qui permet l’impression d’un journal de 24 pages. Les années 1970-1980 sont également celles de l’irruption de l’informatique et l’imprimerie Anger se dote d’une photocomposeuse dès 1976, puis d’ordinateurs Macintosh en 1988. C’est à nouveau une première dans le département !

La place du Centre à Guingamp. Carte postale. Collection particulière.

Les années 1990 voient le retrait progressif de la famille Anger au profit du  groupe Ouest-France. En 1995, au moment de prendre sa retraite, Michel Anger cède ses  parts au mastodonte de la presse bretonne. Puis concomitamment avec le déclin de l’imprimerie, L’Echo de l’Armor et  de l’Argoat intègre Publihebdos, la filiale du groupe Ouest-France qui rassemble de très nombreux hebdomadaires locaux du grand Ouest. En 2018, malgré la crise de la presse écrite, Guingamp et sa région disposent encore et toujours d’un journal local.

Thomas PERRONO