Le recrutement de deux régiments rennais

Septembre 1918, le général commandant la 131e division d’infanterie dresse un état régimentaire à la demande du général commandant le Groupe d’armées nord (GAN)1. À la date du 18 septembre, deux unités bretonnes font partie de cette division, le 41e régiment d’infanterie et le 50e régiment d’artillerie, deux unités tenant garnison à Rennes.

Conscrits devant la caserne de Guines, à Rennes. Carte postale. Collection particulière.

Au début de la Première Guerre mondiale, celles-ci sont constituées essentiellement de recrues venues d’Ille et Vilaine, des Côtes du Nord, ainsi que du Morbihan en ce qui concerne le 41e RI1. Il a notamment été possible d’identifier 1739 fantassins de ce régiment, sur les 3 3000 qui quittent Rennes le 5 août 1914. Ceux-ci révèlent un recrutement s’opérant dans la 10e région militaire, mais aussi, ce qui semble relever d’un cas particulier devant s’expliquer par le nombre d’unités tenant garnison en Ille-et-Vilaine, dans le Morbihan. Ainsi, chose de prime abord étonnante, le recrutement au sein de la 11e région militaire avec 909 individus est plus important que le recrutement de la 10e région avec 830 individus.

Après des combats en Belgique, Aisne, Marne, Artois, où il fait partie de la 19e division, le 41e régiment d’infanterie déplore plus de 1527 hommes morts pour la France, dont 742 tués à l’ennemi, 253 disparus et 532 cas divers (des suites de blessure de guerre, maladie, accident, …)3. Fin juillet 1915, l’unité passe à la 131e DI. Un état des lieux conservé au Service historique de la Défense et fourni par une note de mai 19174 nous donne plus de précisions sur les pertes subies par le 41e RI:

  • Sur le front d’Argonne : 228 tués5, 776 blessés et 37 disparus.
  • Sur le front de Verdun : 127 tués, 377 blessés et 111 disparus.
  • Sur le front de la Woëvre : 73 tués, 284 blessés et 43 disparus.
  • Sur le front des monts de Champagne : 164 tués, 525 blessés et 202 disparus.

En 21 mois, le 41e RI déplore donc, à en croire ce document, 592 tués, 1962 blessés et 393 disparus, soit un total de 2947 hommes, ce qui représente 89% de l’effectif théorique de départ d’un régiment d’infanterie.

Une deuxième note issue des prescriptions de la liste n°1949 en date du 16 septembre 1918 nous permet d’en apprendre un peu plus sur la composition de ces deux régiments rennais à deux mois de l’Armistice6. Au 41ee RI, les hommes, viennent encore majoritairement de l’Ouest de la France (60%) mais également du « Centre » (18%), du « Midi » (12%), de « l’Est » et du « Nord » (5%)7. Au 50e RA, les hommes proviennent, eux aussi, majoritairement de « l’Ouest » de la France, à 70%. Viennent ensuite le « Centre » à 14%, le « Midi » à 7%, « l’Est » à 6% et le « Nord » à 3%.

Que ce soit pour l’infanterie et encore plus pour l’artillerie rennaise, le recrutement s’opère donc encore pour une grande partie en Bretagne, ou à proximité de la péninsule armoricaine, mais en dehors des strictes frontières des régions militaires. Il est probable que le décalage entre le 41e RI et le 50e RAC puisse être imputable à une plus faible ventilation des effectifs de la seconde unité, l’artillerie étant moins exposée – et déplorant donc moins de pertes – que l’infanterie.

C’est d’ailleurs ce que montre de manière précise l’état des classes figurant dans cette même archive conservée au Service historique de la Défense. Pour le 41e RI, les classes comprises entre 1895 et 1901 représentent 15% des effectifs ; les classes 1902 à 1912 40% des effectifs et les dernières classes de 1913 à 1918 (hommes de 20 à 25 ans au moment de la note) 45% des hommes présents dans le régiment. Pour le 50e RA, les classes comprises entre 1895 et 1901 représentent 5% des effectifs, les classes 1902 à 1912 : 60% des effectifs et les dernières classes de 1913 à 1918 : 35% des hommes présents dans le régiment.

Pour anecdotiques qu’ils puissent paraitre, ces chiffres disent bien la surmortalité de l’infanterie, cette supposée reine du champ de bataille, par rapport à l’artillerie pendant la Première Guerre mondiale. Le paradoxe est justement que le 41e RI est surnommé « le régiment de la Reine ».

Christophe GUERIN

 

1 Cote 24 N 2419 : Sous-dossier  Annexe II au Journal de marche – 261ème Brigade d’Infanterie – pertes entre aout 1915 et avril 1917.

2 Chiffres établis à partir du dépouillement systématiques des registres matriculaires du recrutement des bureaux de Rennes, Vitré, Saint-Malo, Guingamp, Saint-Brieuc, Saint-Brieuc/Dinan, Lorient et Vannes pour les classes 1910 à 1913.

3 Chiffres résultant de recherches sur le site Mémoire des hommes entre août 1914 et juillet 1915.

4 SHD-DAT : 24 N 2419, sous-dossier  Annexe II au journal de marche, 261e brigade d’infanterie, pertes entre aout 1915 et avril 1917.

5 L’expression employée par cet état des lieux est « tués sur le champ de bataille ».

6 SHD-DAT : 24 N 2419, exécution des prescriptions de la liste n°1949 du 16 septembre 1918 du général commandant le GAN.

7 Ce sont les expressions utilisées dans le document.