Des banques d’archives ?

Il suffit de se rendre quelques jours à l’étranger pour mesurer à quel point les Français sont ignorants de l’économie. Sans surprise, cette aversion se reflète dans les travaux historiques, qu’il s’agisse de publications scientifiques ou d’enquêtes généalogiques. La plupart du temps, la démarche s’arrête aux portes de l’entreprise ou, tabou sans doute encore plus profond, de la banque. Or ceci est d’autant plus dommage qu’un certain nombre d’entre-elles sont dotées de structures permettant aux chercheurs, tant aux historiens économiques et financiers qu’aux généalogistes, de mener de passionnantes recherches.

Carte postale. Collection particulière.

Créée en 1994, l’Association pour l’histoire de BNP Paribas vient par exemple de se doter d’un site internet présentant des fonds qui semblent d’une grande richesse. Outre de nombreux éléments concernant les affaires internationales de la banque, l’association conserve des dossiers personnels ainsi que des entretiens effectués à partir des années 1990 avec un important panel de hauts-responsables de l’entreprise. Ajoutons à cela une bibliothèque fournie permettant notamment la consultation de publications internes ou de livres de commande réalisés pour éclairer tel ou tel aspect de l’histoire de la société. Un inventaire des collections iconographiques est même annoncé pour 2016 ! Bref, autant d’éléments qui ne peuvent qu’inciter à se rendre au siège de l’association pour effectuer des recherches.

Le cas de BNP Paribas n’est d’ailleurs pas unique. Le Service des archives historiques de la Société générale conserve ainsi des fonds particulièrement riches, notamment par ce qu’il regroupe les archives de plusieurs sociétés absorbées par la banque : Crédit du Nord, Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie… Fait remarquable, la Société générale indique conserver ses dossier de personnel depuis 1864, ce qui risque d’intéresser plus d’un généalogiste dont l’aïeul a officié au sein de cette banque ! La Banque de France dispose également d’archives très riches, et notamment d’un fonds de plus de 11 000 photographies se rapportant au patrimoine immobilier de l’entreprise. Ajoutons de surcroît que les archives des succursales de cette institution particulière, puisqu’il ne s’agit pas d’un établissement de détail mais d’une banque centrale, sont théoriquement conservées au sein du réseau des Archives départementales.

Bien évidemment, tout ceci n’est pas exempt de reproches. Les archives du groupe Crédit Agricole (Caisse nationale de crédit agricole, Banque de l’Indochine, Banque de Suez, Crédit lyonnais…) ne paraissent pas être disponibles à la consultation. Il en est visiblement de même pour le Crédit mutuel de Bretagne. Les fonds de l’Association pour l’histoire de BNP Paribas semblent eux très parisiens, centrés prioritairement sur le siège social de l’entreprise. Il vous sera donc probablement difficile d’entreprendre une histoire « par le bas » de cette institution et/ou de retrouver le dossier d’un ancêtre ayant occupé au sein de cette banque des fonctions subalternes. De même, les ouvrages commémoratifs et de commande ne doivent pas tromper en ce qu’ils ne peuvent être déconnectés d’une certaine stratégie de communication : là encore, la mémoire est l’outil politique du temps présent…

Carte postale. Collection particulière.

Enfin, il importe de préciser que ces archives concernent dans l’immense majorité des cas les employés de ces entreprises. Les dossiers de clientèle ne sont la plupart du temps pas conservés et ce n’est pas en vous rendant dans ces services d’archives bancaires que vous parviendrez à reconstituer l’histoire financière de vos ancêtres, à connaitre l’historique précis de leurs crédits et de leurs découverts. Pour autant, ces réserves ne doivent pas vous conduire à ignorer ces fonds qui, ponctuellement, peuvent se révéler très utiles. Pensez-y la prochaine fois que vous ferez la queue au guichet !

Erwan LE GALL