La carte postale : pas si cliché que ça !

Qu’elle serve à envoyer quelques nouvelles à des proches depuis notre lieu de villégiature, ou bien qu’elle soit objet de collection, la carte postale est un objet familier. Et c’est certainement cela qui en fait une source épistolaire mais aussi iconographique à ne pas négliger pour les historiens.

La carte postale, support del'invention d'une Bretagne folklorique. Collection particulière.

C’est au tournant des XIXe et XXe siècle que la carte postale devient illustrée. Une innovation qui fait décoller les ventes et démocratise son utilisation. A tel point que les décennies 1900 à 1920 sont considérées comme l’âge d’or de la carte postale. Dès cette époque, la Bretagne se révèle être une terre d’éditeurs. Ils s’appellent notamment Joseph Villard à Quimper – l’immeuble Ty Kodak, monument historique témoin de l’architecture bretonne de l’entre-deux-guerres dans la préfecture du Finistère, est construit par ses descendants –, ou Emile Hamonic à Saint-Brieuc. Ce dernier est proche de l’Union régionaliste bretonne et du barde Théodore Botrel. En 1907, à Châteaulin, ouvre l’une des maisons d’édition de carte postale qui connaitra un immense succès. En effet, Jean-Marie le Doaré, photographe amateur qui vend jusqu’à présent ses illustrations à Hamonic, notamment, s’installe à son propre compte. Son fils, Jos Le Doaré, prend la relève en 1930 et devient l’éditeur spécialiste de la carte postale « bretonne ». Une aventure entrepreneuriale familiale qui se poursuit jusqu’au milieu des années 1990, avant le rachat par la holding Editor.

La carte postale ancienne est une archive intéressante pour l’œil du contemporainéaniste tout d’abord pour son iconographie. Un grand nombre de cartes postales reproduit des clichés de paysages littoraux ou urbains. Par exemple, celles datant du début du XXe siècle deviennent de précieux témoins des paysages tels qu’ils existaient avant l’irruption de la voiture. Au contraire, celles datant des « Trente glorieuses » exposent des paysages urbains accaparés par le « tout voiture ». Les cartes postales sont également le support des événements marquants et des grands faits divers. On trouve ainsi des collections révélant la querelle des inventaires en 1906, la révision du procès d’Alfred Dreyfus à Rennes en 1899, ou bien le naufrage du Hilda sur les côtes malouines en 1905. En Bretagne, un autre type de cartes postales connaît un franc succès à la Belle époque : celles qui donnent à voir une société bretonne traditionnelle. Quelques collections sont restées célèbres : « la Bretagne pittoresque », « mœurs et coutumes bretonnes », « la vie en Bretagne », « noces en Bretagne » etc. Ces séries, qu’il ne faut pas négliger d’un point de vue ethnographique, ont surtout participé à la construction d’une Bretagne folklorique, dans la droite ligne d’un François-Marie Luzel.

Plus rarement, la carte postale ancienne est prise pour sa dimension épistolaire. Il est vrai que bien souvent, seuls quelques mots sont griffonnés au dos : « souvenirs de Saint-Malo », « amitiés de Quimper ». Guère plus qu’un cliché-témoignage posté sur Facebook ou Instagram en somme… Pourtant, au cours de la Première Guerre mondiale, le courrier des Poilus prend facilement comme support une carte postale : un moyen d’attester, quand on ne peut pas écrire une lettre, son passage dans une région ou, plus simplement encire, que l’on est toujours en vie. En outre, une importante variété de cartes postales de poilus voit le jour. L’iconographie se fait ainsi patriotique, humoristique, voire libertine.

Aller au-delà des clichés : une attitude essentiel pour apprécier la carte postale à sa juste valeur en tant que source. Collection particulière.

De nos jours, la Bretagne demeure une terre de cartes postales. En effet, outre l’existence de l’éditeur Jack à Louannec (22), un musée est consacré à cet objet à Baud (56). Ouvert en 1996 sous le nom de Cartopole, le musée se nomme aujourd’hui Le Carton voyageur et dispose d’un fond de 80 000 cartes postales anciennes.

Thomas PERRONO