Les fiches individuelles de scolarité des étudiants inscrits à la faculté de droit de l'Université de Paris

La faculté de droit de l'Université de Paris prend – tout au long du XIXe siècle et encore dans la première moitié du XXe siècle – une importance tout à fait singulière dans le champ de l'enseignement supérieur français, notamment en raison du caractère novateur des cours qui y sont dispensés. Elle s'ouvre en effet de façon progressive aux sciences sociales, aux sciences politiques, à l'économie ou encore au droit public. Des disciplines nouvelles comme le droit international public et privé, le droit maritime, le droit constitutionnel, le droit administratif, la législation financière, industrielle ou coloniale apparaissent. L'évolution de l'enseignement juridique, qui possédait traditionnellement un caractère professionnel affirmé, articulé autour du seul droit privé, permet ainsi une diversification des débouchés au sein du secteur privé comme au service d'une administration publique en pleine expansion. A la fin du XIXe siècle, cet attrait pour la faculté de droit de l'Université de Paris associé à l'émergence des « couches nouvelles » annoncée par Léon Gambetta suscite une forte progression de ses effectifs. Elle capte alors près de la moitié du nombre total des étudiants en droit de France1. Ses effectifs bondissent ainsi de 500 à 2 500 étudiants entre 1804 et 1865. Ils sont 3 200 en 1893 et 4 600 en 18992. Un important contingent des élites de la France, et c'est tout particulièrement le cas pour la période de la IIIe République, ont donc été formées par la faculté de droit de l'Université de Paris. L'historien Éric Anceau l'affirme sans détour, chiffres à l'appui : « La faculté de droit de la capitale demeure le vivier principal du monde parlementaire »3.

Carte postale. Collection particulière.

Les Archives nationales disposent d'une documentation particulièrement intéressante dans le cadre d'une recherche biographique ou prosopographique. Au sein des archives de l'académie de Paris (série AJ/16), on trouve ainsi un fonds consacré spécifiquement à la faculté de droit de l'Université de Paris qui couvre les années 1805 à 1952 (AJ/16/1603 à AJ/16/1911). Les fiches individuelles de scolarité des étudiants inscrits, consultables sous forme de microfilms, permettent l'accès à des informations qui peuvent s'avérer précieuses. Seul bémol, l'outil de recherche en ligne ne permet pas une recherche par patronyme ; il convient donc de se déplacer sur le site de Pierrefitte-sur-Seine. Par ailleurs, le fonds comporte plusieurs séries de fiches d'inscription classées alphabétiquement, selon les périodes retenues. Dans le cas d'une recherche sur un individu spécifique, il est donc possible de trouver plusieurs fiches de scolarité le concernant dans ces différentes séries. Dans la mesure où elles s'avèrent très souvent complémentaires, il est préférable de ne pas hésiter à multiplier les sondages.

Outre un rappel d'état-civil relativement complet (nom, prénoms, date et lieu de naissance), on trouve également la date et l'académie d'obtention du baccalauréat, l'intégralité des inscriptions prises à la faculté de droit de Paris ainsi que la nature des différents cours choisis et le montant des droits acquittés. Sont aussi mentionnées les différentes adresses où demeure l'étudiant tout au long de ses études ; l'actualisation étant réalisée au moment de chaque inscription. Enfin, les fiches de scolarité listent la nature et la date des examens auxquels l'étudiant s'est présenté, les notes obtenues et les noms des professeurs examinateurs. Or, sur les fiches des étudiants de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe siècle, certaines mentions portées en regard de chaque examen passé pourront surprendre ou dérouter.

On remarque en effet qu'à la date de chacun des examens sont associés plusieurs chiffres et lettres. Cela s'explique par le système de notation qui avait alors cours avant que ne soit adoptée, par un décret pris le 26 février 1913, la notation sur 20 points que nous connaissons encore aujourd'hui. Au XIXe siècle, les examinateurs notaient la prestation de l'impétrant à l'aide de boules de couleurs différentes : blanche (bien), rouge (moyen) et noir (mauvais). Un décret du 26 décembre 1875 vient modifier quelque peu ce système d'évaluation. Avec deux boules supplémentaires, l'examinateur peut désormais davantage nuancer son jugement : blanche (très bien), blanche et rouge (bien), rouge (assez bien), rouge et noir (médiocre), noir (mauvais)4. Dans l'exemple qui nous est ici donné et qui présente les résultats d'examens passés en 1892 et en 1893, on constate que l'étudiant a d'abord reçu de ses trois examinateurs une boule blanche, une boule blanche et rouge et une boule rouge puis trois boules blanche et rouge, deux boules blanche et rouge et une boule rouge, et enfin une boule rouge et deux boules rouge et noire.

Extrait d'une fiche individuelle de scolarité. Cliché M. Boisdron.

Globalement, ce fonds est particulièrement riche car il s'avère très complet. Il permet  d'approcher la réalité d'un parcours universitaire particulier ou au contraire d'élargir cette recherche à une ou plusieurs générations d'étudiants. Il faut toutefois noter que seules les fiches de scolarité sont disponibles à la consultation. Les dossiers individuels complets qui les accompagnaient n'ont semble-t-il pas été conservés lors du versement des archives de la faculté de droit de Paris aux Archives nationales.

Matthieu BOISDRON

 

1 RICHARD, Guillaume, Enseigner le droit public à Paris sous la Troisième République, thèse pour obtenir le grade de docteur de droit public de l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, sous la direction de MM. Les professeurs Jean-Louis Halpérin et Éric Millard, soutenue le 3 décembre 2013, page 14. Cette thèse a été publiée chez Dalloz en 2015.

2 AUDREN, Frédéric, La Faculté de droit de Paris sous la IIIe République, Exposition Paul Viollet (1840-1914).

3 ANCEAU, Eric, « Les écoles du Parlement », in, MAYEUR, Jean-Marie, CHALINE, et CORBIN, Alain (dir.), Les parlementaires de la Troisième République. Actes du colloque international organisé par le Centre de recherches en histoire du XIXe siècle, Universités Paris I et Paris IV, UMR 8072 du CNRS, les 18 et 19 octobre 2001, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 173.

4 MALHERBE, Marc, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), Presses universitaires de Bordeaux, 1996, p. 195-198.