Sur les traces des juges

Comme tout dictionnaire, l’Annuaire rétrospectif de la magistrature n’est pas à proprement parler une source. Pourtant, présentant les carrières et les données d’état-civil de l’ensemble des magistrats français ayant exercé entre 1827 et 1987, ce bottin des juges se révèle un outil indispensable pour quiconque, que cela soit au titre d’une recherche généalogique ou d’une démarche plus historienne, souhaite revenir sur le destin d’un homme de loi. En plus, cerise sur le gâteau, cet annuaire est non seulement en ligne mais gratuit.

Carte postale. Collection particulière.

Publié par le Centre Georges Chevrier de l’Université de Bourgogne et développé à partir d’une base de données élaborée par l’historien Jean-Claude Farcy, ce site d’aspect austère et parfois un peu lent est néanmoins un modèle d’humanités numériques appliquées à la prosopographie. Les quelques 30 000 notices qui le composent sont en effet dressées à partir de quatre sources essentielles : les registres matriculaires de la magistrature puis, à partir du milieu du XIXe siècle, les fiches de carrière de la Direction du personnel du ministère de la Justice, les registres de nominations et mutations de personnel conservés aux Archives nationales, les ordonnances et décrets de nominations ainsi que divers annuaires professionnels.

Cet inventaire dit bien la quantité de travail nécessaire à la réalisation d’un tel outil de travail, ce qui permet d’autant plus de l’ériger au rang de source que son utilisation est très simple. Malgré un aspect rustique, les possibilités de navigation et d’interrogation de la base de données sont multiples et l’on peut effectuer des recherches par nom, par date, par lieux, par fonction… et glaner de précieux renseignements permettant de retracer les trajectoires des juges de paix, de tribunaux d’instance et de première instance, de cours d’appel et enfin de la Cour de cassation. Ne sont donc malheureusement pas concernées par cette base de données les juridictions telles que les tribunaux de commerce ou prudhommaux.

Les possibilités qu’offre cet Annuaire rétrospectif de la magistrature sont immenses. Généalogistes et simple curieux pourront recomposer la biographie d’un aïeul magistrat, ou du juge qui a condamné un de leurs ancêtres. Tout naturellement, les chercheurs s’intéressant à l’ordre public, à la délinquance, aux faits divers et de manière générale à tout ce qui a rapport avec la justice, trouveront là un outil de travail indispensable. En Ille-et-Vilaine, on prendra ainsi un plaisir tout particulier à confronter les notices de cet annuaire aux travaux de Jean-François Tanguy sur le maintien de l’ordre entre 1870 et 19141. Les personnes travaillant sur la Seconde Guerre mondiale y trouveront aussi probablement leur compte en ce qu’une telle base de données devrait pouvoir permettre d’en savoir plus sur les magistrats qui officient sous Vichy. Semblable remarque peut d’ailleurs être formulée à propos de la période 1954-192 et la guerre d’Algérie.

Carte postale. Collection particulière.

On le voit, cet Annuaire rétrospectif de la magistrature constitue un fantastique outil de travail s’adressant à tous, simples curieux, généalogistes ou chercheurs confirmés. Accessoirement, il permet de donner chair et humanité à une institution – la Justice – qui parait parfois en manquer singulièrement.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 TANGUY, Jean-François, Le maintien de l’ordre public en Ille-et-Vilaine de 1870 à 1914, thèse de doctorat d’État, Rennes, 1986.