Le Stade briochin, petit poucet de la Coupe de France 1966
La Coupe de France de football est une épreuve à part dans le sport français. Tous les ans, les clubs amateurs des plus petits villages de France participent à la même compétition que les grandes équipes à l’envergure européenne. Les duels David contre Goliath ont forgé la légende de la Coupe de France, surtout quand le petit dévore le grand !
Lors de l’édition 1966 de la Coupe de France, la Bretagne s’enflamme pour l’un de ces matchs déséquilibrés sur le papier : les « petits poucets » du Stade briochin affrontent en 1/16e de finale le prestigieux club de l’Olympique de Marseille. Un « choc des extrêmes » bien mis en scène par le journaliste de Bretagne actualités qui interroge dirigeants et joueurs briochins le 11 février 1966 : « devant Marseille, nos Briochins ne partiront pas favoris, certes, mais ne se considèrent pourtant pas battus d'avance. » Il faut dire que le club phocéen a déjà remporté par deux fois le championnat de France (1937 et 1948), ainsi que six coupes de France (1924, 1926, 1927, 1935, 1938, 1943) ! De son côté, le club de la préfecture des Côtes-du-Nord, fondé en 1904, évolue en Division d’honneur de la Ligue de l’Ouest de football, la plus haute division régionale. Par le passé, d’après le président du club René Girard, les « jaunes et bleus » de Saint-Brieuc ont déjà atteint par six fois les 1/16e de finale de la Coupe. A ce stade de l’édition 1966, le successeur de Fred Aubert1, l’emblématique président d’avant-guerre, renchérit : « Nous sommes les plus petits amateurs de la compétition. »
Sous la direction de l’entraîneur, André Sorel, les joueurs amateurs de Saint-Brieuc répètent leurs gammes : footing, conduite de balle, tactique etc. A ce propos, on apprend que l’équipe s’apprête à aligner un 4-2-4 défensif pour affronter l’équipe olympienne. Le coach Sorel met la pression sur ses joueurs : « les premières minutes de la partie » sont cruciales ! « Car on veut quand même préserver le spectacle en quelque sorte. » Il faut à tout pris empêcher les Phocéens de marquer rapidement dans le match, parce que « si nous prenions, dans le premier quart d'heure, deux ou trois buts, il n'y aura pratiquement plus de jeu et après le match risquerait de tourner à l’avantage total, unique, des Marseillais… » Pour René Girard, cela ne fait aucun doute : « Croyez-moi, 11 Bretons bien décidés sauront se défendre face à 11 Marseillais ! » L’orgueil régional pour faire mentir les pronostics : dans ces cas-là toutes les incantations sont permises. Par ailleurs, la Bretagne est aussi représentée à ce stade de la compétition par le Stade rennais et le FC Nantes, futur finaliste de l’édition 1966.
Cette rencontre tant attendue à Saint-Brieuc a pourtant lieu à Brest, sur le terrain du stade de l’Armoricaine (actuel stade Francis-Le Blé). Peu importe le lieu, tant qu’il y a la passion ! C’est ainsi que le président du club des supporteurs, Loulou Bodez – également père d’un des joueurs du Stade Briochin – attend entre 1 000 et 1 500 Briochins pour encourager les « Griffons ». Du côté des pronostics, si l’entraîneur ne souhaite pas s’avancer, pour ne pas paraître « prétentieux et orgueilleux », voire « trop optimiste, trop confiant », Loulou Bodez a une position quelque peu iconoclaste : « un match nul » ferait son bonheur ! Un souhait pas complètement désintéressé puisque dans ce cas le match serait rejoué, un bon moyen de « remonter un petit peu les finances de notre société au plus haut degré. »
|
Le RC Strasbourg, futur vainqueur des Briochins... et de l'épreuve! (ici en 1966, lors d'un match en Hollande). Dutch National archives: 919-2564. |
Et que croyez-vous qu’il advint de ce duel du David briochin face au Goliath olympien ? Eh bien, le Stade briochin remporte la partie par un but à zéro. Encore une fois, la Coupe de France a renforcé sa légende ! Las, les 1/8e de finale sont fatals aux Bretons, qui perdent face aux joueurs du RC Strasbourg. Mais, comme pour sauver l’honneur, ils peuvent se dire qu’ils ont perdu face au futur vainqueur de la Coupe 1966 !
Thomas PERRONO
1 Ancien officier du 471 régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale, avocat, fils de l’indéfectible promoteur du tourisme Octave-Louis Aubert, il est mort pour la France en 1940, pendant la Campagne de France. |