A Saint-Jean-Brévelay, les séquelles encore visibles de la répression

En parcourant les campagnes bretonnes, il n’est rare pas de découvrir, au bord d’une route, une stèle rendant hommage à des résistants locaux. L’exemple de Saint-Jean-Brévelay est, à cet égard, particulièrement significatif. Dans ce chef-lieu de canton d’à peine 2 700 habitants, on ne dénombre pas moins de six plaques et monuments qui rendent hommage aux martyrs de l’été 19441 ! Une telle récurrence n’est pas surprenante au regard de l’importance stratégique de cette région dans le cadre des opérations visant à libérer le territoire de l’occupant allemand.

Cliché Yves-Marie Evanno.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, alors que les Alliés s’apprêtent à débarquer sur les plages normandes, des parachutistes français du Special Air Service sautent au-dessus de Plumelec avec pour mission de « former une base d’où rayonneront les groupes de sabotage et d’assaut et où ils viendront se réapprovisionner en munitions et en explosifs »2. Ambitieux, l’objectif n’en demeure pas moins simple : les résistants locaux doivent à tout prix fixer les renforts ennemis en Bretagne de façon à faciliter la progression des troupes alliées en Normandie3. Mais, après dix jours d’une intense activité, le maquis de Saint-Marcel est découvert. Impuissants, les résistants et les parachutistes doivent se disperser puis se fondre dans la campagne environnante en attendant de recevoir de nouveaux ordres.

Conscientes du danger que représentent ces hommes de l’ombre, les autorités allemandes entament une véritable traque. Avec l’aide des renseignements que parviennent à lui transmettre des agents français, elles organisent de vastes coups de filet dans les communes susceptibles d’accueillir des résistants. A Plumelec, où sont originaires la majorité des hommes appartenant à la 7e compagnie dirigée par Eugène Morizur, une rafle permet ainsi l’arrestation d’une vingtaine d’habitants le 27 juin. Ces derniers sont immédiatement transférés dans les locaux de l’école Notre-Dame de Saint-Jean-Brévelay réquisitionnée pour le compte de l’armée allemande. Les interrogatoires sont musclés. Certains suspects sont torturés, à l’image d’Armande Morizur, la femme d’Eugène, qui succombera à ses blessures. Cinq de ses camarades d’infortune perdent également la vie, dans les jours qui suivent, soit après avoir été envoyés en déportation dans l’un des camps de la mort nazi, soit après avoir été tout simplement exécutés.

Début juillet 1944, les ratissages se multiplient dans le département4. La tension est à son comble. Le 9 juillet, le bourg de Saint-Jean-Brévelay est encerclé par 500 à 600 soldats allemands5. La rafle est particulièrement importante puisque 77 suspects sont arrêtés. Immédiatement conduits à l’école publique des filles de Locminé, ils sont priés de s’expliquer. Si une cinquantaine d’entre eux est immédiatement relâchée, tous n’ont pas cette chance. Le 11 juillet, Eugène Le Calonnec, Jean Le Gal, Louis Le Moing et le gendarme Antoine Dagorne sont ramenés à Saint-Jean-Brévelay. Alignés dans la cour de la ferme au lieu-dit de la Petite métairie, ils sont exécutés6. Leurs dépouilles sont ensuite jetées dans le bâtiment que les Allemands viennent d’incendier. Six autres camarades connaissent le même sort deux jours plus tard, le 13 juillet. Henri Cadieu, Maurice Martin, Armel Martin, Emile Lanco, Roland Brulé – seulement âgé de 17 ans – et Laurent Le Maire sont exécutés à Plumelin. Leurs corps seront, par la suite, inhumés à Saint-Jean-Brévelay.

Cliché Yves-Marie Evanno.

La libération de la commune, au début du mois d’août, aussi joyeuse soit-elle, est une fête rapidement gâchée par la découverte, dans le bois de Quillio, des corps de Joseph Carlach, Albert L’Hermite, Pierre Ollichon et d’une personne, encore inconnue. Le souvenir de cette période est encore vif dans la commune. Les six monuments qui rendent hommage à tous ces résistants permettent de mesurer la violence de la répression qui s’abat sur les Landes de Lanvaux lors de l’été 1944.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 A savoir la plaque de la Maison des associations, anciennement adossée à l’école Notre-Dame ; la stèle du Bois de Quillio ; Le monument-sépulture du cimetière ; la stèle de la caserne de gendarmerie « Gendarme Dagorne » ;  la stèle de la Petite métairie ; et la plaque adossée aux monuments aux morts.

2 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, ERO, 1977, p. 443.

3 Sur ce point, on se permettra de renvoyer à PORTEAU, Olivier, « L’Action combinée du 2e régiment de chasseurs parachutistes et de la Résistance bretonne dans le dispositif stratégique de l’opération Overlord », dans HARISMENDY, Patrick et LE GALL, Erwan (dir.), Pour une histoire de la France libre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 107-123 ; ou encore PORTEAU, Olivier, « Esquisse d’un bilan réévalué de l’action des parachutistes français en Bretagne : mission militaire et/ou politique ? », En Envor, revue d'histoire contemporaine en Bretagne, n°2, été 2013, en ligne.

4 PORTEAU, Olivier, « Ruralité et Résistance civile au pays des Landes de Lanvaux » , En Envor, revue d'histoire contemporaine en Bretagne, n°1, hiver 2013, en ligne.

5 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre…, op. cit., p. 515.

6 Le site n’est pas choisi au hasard. La ferme appartient en effet à Ambroise Gillet. Ce dernier, après avoir participé au combat de Saint-Marcel le 18 juin, trouve refuge à Plaudren. Il y est arrêté en compagnie de résistants et de parachutistes puis fusillé le 29 juin.