L’âme et l’organisateur : Paul Chenailler

Le 17 juin 1960, Paul Chenailler décède, à l’âge de 56 ans, à son domicile de Queven, commune limitrophe de Lorient. Quelques jours plus tard ont lieu les obsèques, cérémonie au cours de laquelle l’éloge funèbre est prononcé par le colonel Bourgoin. Français libre de la première heure, vétéran des campagnes de Syrie et de Tunisie, parachutiste du Special Air Service et légende de l’épopée du maquis de Saint-Marcel, celui qui est alors député UNR de la 12e circonscription de Paris et vice-président de l’Association de soutien au général de Gaulle brosse un portrait à la fois élogieux et admiratif, en un mot sensible, du défunt, qu’il qualifie « d’âme et d’organisateur de la Résistance dans le Morbihan ».

12 août 1944, à Vannes: Paul Chenailler inspecte les gendarmes FFI du Morbohan. Cliché publié par Roger Leroux dans son ouvrage Le Morbihan en guerre, 1939-1945.

Paul, Cyprien Chenailler naît le 6 mai 1904 à Paris, dans le 20e arrondissement. Tôt attiré par la mer, il devient capitaine au long cours et est lieutenant de vaisseau de réserve lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, en septembre 1939. Affecté au Havre, il est contraint par la dramatique campagne de France de 1940 de se replier sur Cherbourg puis de gagner, à la tête de l’aviso-dragueur Marie-Gilberte qu’il commande, Casablanca, au Maroc. C’est le temps de la défaite, des débuts de Vichy et, pour Paul Chenailler, de la démobilisation et du retour en France.

Il devient alors directeur des services du ravitaillement dans le département du Morbihan, position qui lui laisse une liberté de main d’œuvre d’autant plus appréciable que la période est aux restrictions d’essence et aux ausweis infinis. C’est d’ailleurs dans ces fonctions qu’il rencontre Maurice Guillaudot, chef de la gendarmerie du Morbihan recrutant parmi ses hommes pour monter un important service de renseignements à destination de l’Angleterre et, tout particulièrement, du BCRA (Bureau central de renseignements et d’action).

A la suite de l’arrestation, le 10 décembre 1943, de Maurice Guillaudot, Paul Chenailler devient le chef de tous les mouvements de Résistance dans le Morbihan et prend dans la clandestinité – hommage limpide – le pseudonyme de colonel Morice. Obtenant de nombreux parachutages, il parvient à structurer efficacement les FFI qui, véritable armée des ombres pour reprendre l’expression consacrée, attendent le feu vert pour agir, ou plutôt le plan vert, celui qui doit cibler tout particulièrement les voies de chemin de fer au moment du débarquement afin d’empêcher que les Allemands déploient des renforts contre la tête de pont alliée.

Caricature, Vannes 1944. Collection particulière.

C’est finalement le 5 juin 1944 que le colonel Morice décrète la mobilisation générale des FFI du Morbihan et ordonne, notamment, au bataillon de Ploërmel-Josselin de gagner le maquis de la Nouette. L’histoire est connue et quelques jours plus tard Paul Chenailler rencontre Pierre Bourgoin, parachuté dans la nuit du 10 au juin 1944. S’opère alors une sorte de jonction entre la Résistance intérieure, celle de Morice, et la Résistance extérieure, celle de Londres, de la France libre et du Special Air Service, qui surprend Pierre Bourgoin. En effet, si les FFI attendent beaucoup du ciel – en termes de parachutages notamment – les sticks SAS qui atterrissent en Bretagne ne savent pas trop à quoi s’attendre, ignorant tout ou presque de la Résistance intérieure. D’ailleurs, Pierre Bourgoin rapporte lors des obsèques de Paul Chenailler que c’est séduit par leur rencontre au sein du maquis de Saint-Marcel qu’il comprend « que, de la conjugaison de cette armée de l’ombre qui s’était constituée sur le territoire et celle de la France libre dont nous étions l’avant-garde, ne pouvait résulter que la victoire et la libération »1.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 Revue de la France Libre, n° 127, juillet-août 1960.