Le naufrage du U-171

La rade Lorient est probablement l’un des plus splendides endroits de Bretagne (on nous pardonnera ici une petite pointe de chauvinisme…) surtout lorsque de Ploemeur on regarde Groix : le paysage est superbe et, par un soir d’été, y règne une ambiance d’une rare douceur. Pourtant, à quelques centenaires mètres du bord, git un fantastique cimetière sous-marin : le U-171.

Lomener un soir d'été... à quelques encablures seulement de l'épave du U-171. Wikicommons.

Derrière ce nom de code barbare se cache un redoutable sous-marin de la Kriegsmarine de type IX-C. Lancé en juillet 1941 à Brème, il mesure plus de 75 mètres, dispose de six tubes lance-torpilles et d’un équipage de 51 hommes. Dès sa mise en service, il est placé sous le commandement du Kapitänleutnant Günther Pfeffer et est affecté à la 10e flottille de sous-marins de Keroman, à Lorient. Un tel choix ne relève aucunement du hasard tant la Bretagne dispose, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’une position stratégique.

La première mission du U-171, effectuée à partir du 17 juin 1942, est un véritable triomphe. Une croisière dans les eaux du golfe du Mexique qui se solde par trois bâtiments envoyés par le fond : l’Oaxaca, un cargo mexicain de 4 300 tonnes, le R. M. Parker Jr., un pétrolier américain de 6 700 tonnes ainsi que l’Amatlan, un pétrolier mexicain jaugeant 6 500 tonnes.

Le retour à la base de Keroman après une centaine de jours de mer et un tel palmarès s’effectue donc dans les meilleures dispositions mentales possibles. Et c’est probablement ce qui va amener la perte du U-171. Les procédures prévoient en effet qu’une escorte vienne chercher à un point convenu à l’avance le submersible afin de le guider dans le chenal d’accès à la base sous-marine, truffé de mines. Mais lorsque le 9 octobre 1942 le U-171 arrive au point de rendez-vous, il ne trouve personne. Sans doute galvanisé par les succès accumulés, le Kapitänleutnant Günther Pfeffer décide tout de même de poursuivre sa route, rapidement interrompue par une mine.

L’assiette du bâtiment se modifie immédiatement puis le submersible sombre, en quelques minutes seulement, sur un fond de sable d’une quarantaine de mètres de profondeur. Parmi l’équipage, 16 marins, qui ont eu le temps de capeler leur Tauchretter, leur appareil respiratoire de sauvetage, sont encore prisonniers de la carcasse lorsqu’elle finit par s’échouer. Ils parviennent à quitter le submersible mais beaucoup sont victimes d’accidents (surpression pulmonaire et/ou problème lié à la décompression) lors de la remontée à la surface.

Finalement, l’escorte tant attendue arrive sur place une heure après le naufrage et repêche trente survivants. 21 marins sont portés disparus et certains reposent encore dans l’épave du U-171. Aussi est-ce pourquoi, alors que de nombreux clubs de la région lorientaise proposent aux amateurs de plongée une descente assez inoubliable sur cette épave, il est aujourd’hui interdit d’y pénétrer, celle-ci étant considérée comme un sanctuaire sous-marin.

Le U-171 est un élément essentiel de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne. En effet, cette épave est indissociable du rôle stratégique de la région pendant le conflit puisque le U-171 est le sous-marin allemand qui s’est le plus avancé à l’ouest, longeant même les côtes du Texas! Ce faisant, il rappelle que si Lorient est indissociable de la base de Keroman, celle-ci rayonne bien sur tout l’océan l’Atlantique nord.

Erwan LE GALL