Noël 1941, un cadeau pour la propagande du régime de Vichy
Sous l’Occupation, les fêtes du calendrier offrent un support idéal au régime de Vichy pour diffuser sa Révolution nationale. Noël répond parfaitement aux exigences de la propagande en symbolisant « la famille unie et soudée derrière le Maréchal Pétain, la famille généreuse et solidaire auprès de ses compatriotes les plus démunis »1.
Les enfants sont particulièrement mis en avant lors de ces fêtes de fin d’année. L’exemple de l’Ille-et-Vilaine en 1941 en est une parfaite illustration. Tous les enfants sont sollicités pour adresser leurs plus beaux dessins au chef de l’Etat. Dix d’entre eux sont d'ailleurs désignés pour délivrer au Maréchal Pétain une sélection des plus belles réalisations lors d’une rencontre organisée à Vichy le 28 décembre2. L’occasion est belle de rappeler aux chères têtes blondes que la France et la Révolution nationale comptent sur eux :
« Il faut que vous sachiez que je compte absolument sur vous pour m’aider à reconstruire la France ; à faire des Français un grand peuple loyal et honnête. »
Mais, en cette fin d’année 1941, le cœur n’y est pas véritablement. L’absence de nombreux pères captifs pèse sur le moral des enfants. Le Père-Noël – requis lui aussi pour les besoins de la propagande dans les colonnes de L’Ouest-Eclair – confirme ce triste constat. Inquiet de ne pas avoir reçu de lettres, il demande à ses amis les oiseaux, de lui relater ce qui se passe en France. Leurs rapports sont unanimes : tous les courriers portent pour adresse « oflag » ou « stalag ». Conscient que « cette année, les petits enfants n’ont pas pensé à eux », le Père-Noël décide de répondre aux attentes des chérubins : gâter en priorité leurs pères prisonniers3.
La propagande en profite pour affirmer le rôle paternaliste du Maréchal qui se substitue dès lors aux pères absents. En bon père de famille, il se charge d’égayer les fêtes des enfants de captifs. Des projections de films sont organisées sous sa bienveillance à Rennes, Saint-Malo et Fougères. Ainsi, le 28 décembre, à Rennes, 1 500 enfants de prisonniers et orphelins participent à une joyeuse animation au cinéma Royal4. Mais le clou du spectacle est certainement la remise à chaque enfant par la Secours national d’un sac de friandises composé d’une tablette de chocolat, de biscuits et d’une orange : un luxe en ces temps de restrictions ! Et pour ne pas oublier qui les chérubins doivent remercier, les confiseries sont accompagnées d’un album illustré relatant les principaux épisodes de la vie du Maréchal.
La gestion du Noël 1941 est rondement menée par le régime de Vichy. Si les enfants sont particulièrement ciblés, d’autres fêtes du calendrier (fête des mères …) mettent de la même manière en valeur la Famille, le Travail et la Patrie. Pour mener une action efficace, le secrétaire à l’Information et à la Propagande Paul Marion met en place dès 1941 un système pyramidal basé sur des réseaux locaux afin de diffuser la propagande dans les différentes couches sociales de la société. Toutefois, si la propagande s’affiche visiblement dans l’espace public, elle est néanmoins victime d’un décalage entre les volontés politiques et les moyens réellement mis à la disposition des relais locaux. C’est ce que démontre à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine un article de Fabiola Loko à paraître prochainement dans le troisième numéro d’En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne5.
Yves-Marie EVANNO
1 LOKO, Fabiola, La propagande du régime de Vichy : la mise en œuvre d’une politique en Ille-et-Vilaine (10 juillet 1940 – 5 juillet 1944), Rennes 2, Mémoire de Master 2 sous la direction de BERGERE, Marc, 2013, p. 42.
2 « Dix écoliers et écolières d’Ille-et-Vilaine vont se rendre à Vichy où ils seront accueillis par le Maréchal Pétain », L’Ouest-Eclair, n°16423, 20 décembre 1941, p.3.
3 MEYNIER, Yvonne, « Conte de Noël », L’Ouest-Eclair, n°16416, 24 décembre 1941, p. 1.
4« Au Royal, l’arbre de Noël », L’Ouest-Eclair, n°16429, 29 décembre 1941, p. 3.
5 LOKO, Fabiola, « Mise en œuvre et limite de la propagande du régime de Vichy en Ille-et-Vilaine (10 juillet 1940 – 5 juillet 1944) », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014, (à paraître).
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