Les enjeux économiques des réquisitions hôtelières sous l'Occupation : l'exemple du Morbihan

 

Malgré une bibliographie désormais conséquente, peu d'études s’intéressent spécifiquement à la question des réquisitions hôtelières pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, un tel objet historique est intéressant dans la mesure où les hôtels constituent une porte d'entrée efficace pour étudier les comportements quotidiens des troupes d'occupation allemandes ainsi que leurs rapports avec la population locale. Les hôtels sont en effet des lieux d'une importante sociabilité et sont surtout, pour notre propos, au cœur d'enjeux économiques particulièrement importants. C’est ce que démontre l’exemple du Morbihan.

Par Yves-Marie EVANNO

 

 

En 1940, la défaite de la France conduit à l'occupation d'une partie du pays par l'armée du IIIe Reich1. Pour contrôler ce territoire nouvellement conquis, les Allemands ont besoin de logements pour les troupes et de bureaux pour installer leur administration, ce qui les conduit à réquisitionner de nombreux bâtiments. Celles-ci s’effectuent essentiellement chez les civils, ce qui rappelle inévitablement le cas de la famille Bourdelle dans le film réalisé par Jean-Marie Poiré, Papy fait de la Résistance. Si cette comédie n'a pas vocation historique – ce qui ne l’empêche pas par ailleurs de livrer une description par certains aspects assez subtile des années noires –, elle met néanmoins en lumière une réalité quotidienne vécue par de nombreux Français, comme Vercors2, contraints de côtoyer l'ennemi dans son intimité. Bien entendu, les logements les plus confortables (châteaux, manoirs et autres villas) sont réservés en priorité aux états-majors et aux généraux, règle à laquelle n'échappe pas la villa Kerlilon à Larmor-Plage, dévolue à l'amiral Karl Döenitz en octobre 19403. Au second rang des convoitises apparaissent les hôtels destinés aux services administratifs allemands et au logement des officiers4. L'exemple parisien est bien connu : l'hôtel Majestic est réquisitionné par les services du Militärbefehlshaber in Frankreich (MBF), le Lutecia par l'Abwehr5... Les hôtels correspondent en effet parfaitement au cahier des charges de l’occupant (nombreux logements, possibilité de restauration, personnel déjà à disposition … ), réalité qui constitue, par ailleurs, une des raisons principales du choix de la station thermale de Vichy pour y installer le Gouvernement français du maréchal Pétain6.

Depuis quelques années, de nombreux travaux complètent nos connaissances sur l'Occupation. Néanmoins, malgré une bibliographie désormais conséquente, peu d'études s’intéressent spécifiquement à la question des réquisitions hôtelières. Celles-ci sont parfois évoquées au détour de quelques synthèses, comme le Paris allemand d’H. Michel, ou abordées par certaines monographies consacrées à des bâtiments à l’histoire particulièrement remarquable, comme l'Hôtel des ombres de J. Tourayot7. Mais il s’agit bien là, à notre connaissance, d’exceptions qui confirment la présence d’un vide historiographique. Pourtant, une telle étude s'avère intéressante dans la mesure où les hôtels constituent une porte d'entrée efficace pour étudier les comportements quotidiens des troupes d'occupation allemandes ainsi que leurs rapports avec la population locale. Les hôtels sont en effet des lieux d'une importante sociabilité et sont surtout, pour notre propos, au cœur d'enjeux économiques particulièrement importants. En effet, les réquisitions hôtelières posent un certain nombre de questions cruciales pour les autorités françaises : comment concilier en permanence les intérêts du Trésor français sans enfreindre les demandes allemandes ni léser les propriétaires des hôtels ? Comment prendre des mesures qui soient équitables en cette période d'exception ? Pour mieux se conformer avec les réalités de l'Occupation, l'Etat français doit adapter les modalités d'indemnisation au fur et à mesure de l'évolution du conflit. Le Morbihan se prête idéalement à l'observation de ces applications et permet de comprendre concrètement les difficultés rencontrées à l'échelle locale par les services de la préfecture. Aussi après avoir défini ce que recouvrent précisément ces réquisitions hôtelières, nous verrons comment se met en place un système qui, en définitive, ne cesse d’évoluer au fur et à mesure de la guerre… et de la dégradation des comptes publics de l’Etat français.

 

Hôtellerie et réquisitions à l'aube de la guerre (septembre 1939 - juillet 1940)

L'entre-deux-guerres est une période charnière pour l'activité touristique française. Éléments indispensables de cette économie prospère, les hôtels se modernisent en conséquence pour répondre aux demandes de la nouvelle clientèle. Mais la perspective d'une possible guerre vient troubler une dynamique favorable aux professionnels du tourisme. Dès 1938, les évènements outre-Rhin incitent les parlementaires français à voter la loi sur la nation en temps de guerre. Les hôtels deviennent dès lors une cible privilégiée pour parer à l'exil des populations de l'Est de la France, au moyen de réquisitions.

Une hôtellerie en transition

Le 3 septembre 1939, la déclaration de guerre vient clôturer l'ultime saison estivale de la décennie. Cette dernière demeure dans la mémoire collective comme celle qui propulse de nombreux Français sur la route des vacances. L'apparition d'un tourisme en masse – à défaut de pouvoir le qualifier « de masse » pour éviter tout anachronisme –  devient incompatible avec la souplesse législative concernant l'hôtellerie. En effet, à l'aube de la guerre, posséder une licence d'hôtel ne dépend ni de la taille ni du confort de l'établissement. La comparaison entre le Martinez à Cannes et le Terminus à Arzon est ainsi sans équivoque. Si le premier est déjà considéré comme un hôtel de luxe, somme toute assez proche des standards actuels, le second ne propose que quatre chambres sans chauffage central ni eau courante …

Le Morbihan, une destination touristique. Larmor-Plage vu de Port-Louis, 1920. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13(2642).

Certains commerçants peu scrupuleux, profitent d'une demande bien supérieure à l'offre pour louer à prix élevés des chambres vétustes.

Pour lutter contre ce phénomène, l’Etat prend un certain nombre de mesures « dans le but précis de défendre la réputation touristique de la France contre les pratiques hôtelières qui, avant 1930, lui portèrent un grave préjudice », selon les termes du ministre des Travaux publics, Ludovic-Oscar Frossard8. C'est la raison pour laquelle, les députés votent le 7 juin 1937 une loi en tout point fondamentale. Les hôtels ont désormais la possibilité d'être inscrits dans l’annuaire du Haut Commissariat au Tourisme leur donnant l'occasion d'arborer un panonceau officiel, gage pour eux de la venue certaine des touristes.
Ludovic-Oscar Frossard. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13(2843)

En contrepartie, pour obtenir l'homologation, l'hôtelier s'engage à afficher les tarifs à l'entrée de son établissement et, naturellement, à les respecter.Le tourisme semble gagnant dans l'opération, d'autant plus que la loi permet d'améliorer qualitativement l'hôtellerie française en exigeant un cahier des charges strict pour obtenir et surtout conserver la fameuse et convoitée licence. Les exigences, une nouvelle fois renforcées en 1939, obligent les hôtels homologués à s'équiper d’au moins une salle de bain commune ainsi que la mise à disposition d’eau courante chaude et froide dans la plupart des chambres.

L'hôtellerie du début de guerre est donc en pleine mutation, ce qui ne sera pas sans conséquences dans l'optique d'une occupation durable des lieux par les troupes du Reich. Néanmoins, cette modernisation est loin d'être achevée lorsque les premières bottes allemandes résonnent dans les rues de France au printemps 1940. Il existe encore une importante disparité entre les établissements, et ce tout particulièrement dans le Morbihan.

L'hôtellerie du début de guerre est donc en pleine mutation, ce qui ne sera pas sans conséquences dans l'optique d'une occupation durable des lieux par les troupes du Reich. Néanmoins, cette modernisation est loin d'être achevée lorsque les premières bottes allemandes résonnent dans les rues de France au printemps 1940. Il existe encore une importante disparité entre les établissements, et ce tout particulièrement dans le Morbihan.

Une hôtellerie morbihannaise nombreuse mais peu luxueuse

Si le département possède un parc hôtelier conséquent d'environ 300 établissements, il se caractérise aussi par sa petite hôtellerie, peu luxueuse de surcroit. Le Morbihan est donc loin du faste parisien, azuréen ou bas-normand. Seuls 23 hôtels possèdent la fameuse homologation  du Haut-Commissariat au Tourisme en 19409. En d'autres termes, moins de 10 % des établissements garantissent être équipés d'une salle de bain commune et de l'eau chaude et froide dans la majorité des chambres. Certains hôtels s'apparentent à de véritables dortoirs comme l'hôtel Terminus d'Arzon qui dispose d'un bar, d'un restaurant et de quatre chambres dont … une seule est louée à la clientèle! Le maire d'Arzon affirme même en février 1941 que le Terminus « n'est pas un hôtel, ce serait plutôt une auberge peu confortable ayant des clients la saison balnéaire »10. Qu'importe l'avis du maire, le Terminus est bel et bien un hôtel réquisitionné comme tel, et non comme un logement particulier11.
L'hôtel Hoche à Quiberon dans les années 1930. Collection particulière Yves-Marie EVANNO.

Si l'hôtellerie morbihannaise est peu luxueuse, il ne faudrait pas non plus tomber dans un certain misérabilisme. En effet, de nombreux établissements, pourtant confortables, ne disposent pas de la licence officielle soit parce qu'ils la jugent trop contraignante, soit parce qu’elle leur a été retirée en 1939 pour ne pas avoir effectué les nouvelles mises aux normes. Quant aux hôtels homologués, sans avoir le prestige et le confort des palaces parisiens, ils offrent néanmoins des prestations qui leur permettent de prétendre à des étoiles et, de ce fait, à des prix élevés, telle la chambre du Grand Hôtel Britannia à Carnac Plage proposée pour 100 Francs la nuitée en 193912.

Avec l'arrivée des Allemands en juin 1940, tous ces hôtels sont naturellement convoités. Sur les 300 établissements recensés, pas moins de 260 sont réquisitionnés lors du premier été de l'Occupation. Cette convoitise est loin d'être éphémère puisque 184 hôtels sont toujours réquisitionnés au mois de mars 1942, et même 186 en mars 1944 ; soit plus de la moitié des établissements du département13. Pourquoi une telle convoitise ? De la même manière que dans le reste de la France occupée, ils permettent de loger des hommes mais également d'y accueillir des services administratifs. C'est ainsi que la Kommandantur belle-iloise prend ses quartiers à l'Hôtel de Bretagne donnant vue sur le port de Palais, que le Terminus en face de la gare d'Auray se transforme au printemps 1943 en foyer du soldat (Soldatheim), que Le Dauphin à Vannes sert de quartier général au Commandant de la Division allemande …

La salle à manger du Dauphin à Vannes en 1914. DRAC Bretagne, Fonds Villard, IVR53_001123_I_1: 0001.

Les hôtels sont certes répartis dans le département mais il convient de signaler une présence plus nombreuse de ces derniers sur le littoral. Qui plus est, ce sont également les plus confortables puisque 20 des 23 établissements homologués s'y trouvent. Un hasard plutôt heureux pour les Allemands qui font de la défense côtière un objectif prioritaire dans le département et du bord de mer une zone de repos privilégiée. Ceci explique certainement l'important taux de réquisition dans cet espace géographique. Ce dernier point nous amène également à rappeler que le littoral du Morbihan est placé comme zone côtière interdite à partir du 21 octobre 1941. Cette zone est alors soumise à un contrôle accru des déplacements, ceux-ci étant désormais conditionnés à l'octroi d'un Ausweis. La conséquence est dramatique pour les hôteliers puisque les clients de passage se font alors de moins en moins nombreux.

Des réquisitions françaises pour le compte de l'armée allemande

Afin de bien saisir l’importance des enjeux économiques des réquisitions hôtelières sous l’Occupation, il convient de rappeler ce que recouvre exactement ce terme de réquisition. En effet, contrairement à ce que l’on aurait souvent tendance à croire, les réquisitions sont françaises et, de ce fait, prises en charge par l'Etat français. La traditionnelle appellation de « réquisition allemande » induit très souvent le public en erreur, lui laissant croire que ce sont les autorités occupantes qui se saisissent librement de ce droit. Pourtant, c'est bien le Gouvernement français qui légifère en la matière. La réquisition prend progressivement un cadre légal depuis l'Ancien Régime, bien qu'il faille attendre le vote des députés le 3 juillet 1877 pour qu'une loi prenne véritablement en compte un système qui a laissé entrevoir ses lacunes lors de la guerre de 1870. La Première Guerre mondiale s’inscrit bien entendu dans cette même logique puisque l'Etat réquisitionne de nombreux établissements à des fins d'internement, de cantonnement ou pour y installer des hôpitaux militaires temporaires14.

L'instabilité des relations diplomatiques en Europe conduit naturellement le gouvernement Daladier à se préoccuper de la question des réquisitions en prenant de nouvelles dispositions inscrites dans la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation en temps de guerre, celles-ci étant complétées par un décret publié le 28 novembre suivant. Les réquisitions sont alors pensées comme un soutien logistique à l'armée mais également une aide aux civils. En effet, le spectre de la Première Guerre ressurgit et la perspective d'un conflit meurtrier à l'Est du pays conduit le gouvernement à établir un plan d'évacuation des populations du Pas-de-Calais vers le Morbihan, l'hôtellerie faisant dès lors partie intégrante des solutions d'hébergement proposées aux populations.

Annonce parue dans Le Nouvelliste du Morbihan du 18 mai 1940.
Si le plan d'évacuation est peu suivi lors de l'automne 1939, de nombreuses réquisitions hôtelières sont néanmoins prononcées pour accueillir des civils ou encore des services publics. C'est ainsi que le Grand Hôtel Britannia à Carnac accueille l'école normale des filles de Vannes à partir du 26 septembre, cette dernière étant elle-même réquisitionnée par le service de santé militaire15. Ce n'est réellement qu'avec le déclenchement de l'offensive allemande au printemps 1940 que les réquisitions prennent une ampleur considérable : 144 135 réfugiés arrivent dans le département, dépassant de loin les prévisions établies en 193816.

Et pour cause, la fulgurante progression des Allemands provoque un départ massif et désordonné des populations de l'Est de la France mais également de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas.

Les premières réquisitions privent naturellement les propriétaires de la jouissance de leurs biens. Pour limiter ce préjudice, l'Etat prévoit une indemnisation compensatoire dont l'estimation serait faite par une Commission d'évaluation des réquisitions. Conformément aux dispositions de l'article 41 du décret du 28 novembre 1938, le préfet du Morbihan prend un arrêté le 28 novembre 1939 afin de constituer dans le département cette Commission. Elle est rapidement assistée par une section spécifique aux immeubles dans le but de mieux répartir les dossiers traités17. Afin de mieux préserver les intérêts de chacun, les membres sont choisis paritairement dans l'administration et dans le secteur privé. Aux côtés des directeurs des contributions directes et indirectes, sont nommés deux hôteliers. Ces derniers sont des membres influents de l'hôtellerie départementale : J.-B. Dolo, propriétaire de l'hôtel Desné-Dolo à Vannes et président de la Chambre syndicale des débitants de boissons, hôteliers, limonadiers et restaurateurs ; et Etienne Bouthelier, gérant des hôtels de Bretagne et Des Voyageurs à Lorient, vice-président du syndicat des hôteliers18. Tous deux assurent activement leurs fonctions jusqu'en juin 1940, lorsque les Allemands s'installent dans le département.

Le général Huntzinger signe l'armistice à Compiègne, le 21 juin 1940. Bundesarchiv, B 145 Bild-P50284 / Weinrother, Carl / CC-BY-SA

Les premiers mois de guerre permettent à l'administration de se (re)familiariser avec les réquisitions. Or, l'arrivée des Allemands modifie la donne puisque désormais les réquisitions, bien que toujours prises en charge par l'administration française, ne sont plus décidées par cette dernière mais imposées par un tiers. En effet, à la différence du printemps 1940, ce n'est plus l'Etat qui décide de la nécessité de la réquisition mais bien l'occupant en vertu de l'article 18 de la Convention d'armistice : « Les frais d'entretien des troupes d'occupation allemandes sur le territoire français seront à la charge du Gouvernement français ». Toute la difficulté repose alors sur l'interprétation de cette unique ligne, clarifiée arbitrairement au mois d'août 1940 lorsque le général français Charles Huntzinger (qui préside la Délégation française signataire de l'armistice) apprend que la France devra verser au Reich un tribut conséquent de 20 millions de marks par jour, somme qui ne comprend pas l'indemnisation des réquisitions de logements comme le rappelle le Délégué général du gouvernement français en territoire occupé (DGTO) aux préfets, dès le mois d'août 1940 :

« Les frais d’occupation qui sont versés à ce compte [Reichskreditkasse] comprennent tous les frais entraînés par la présence des forces militaires allemandes sur notre territoire, ceux du logement exceptés. »19

La sanction est donc double. Il faudra non seulement payer une indemnité fixe mensuelle, mais également indemniser directement les propriétaires dont le bien est requis. Comme le précise Pierre Cathala après-guerre, dans un témoignage certes sans doute déformé par un certain désir de repentance, mais non sans intérêt pour l'historien :

« La France devait assumer le règlement et payer directement les dépenses afférentes aux frais de logement et de cantonnement des troupes stationnées sur son territoire. C'était une manière indirecte d'augmenter, sans en avoir l'air, le montant des frais d'occupation. »20

 

Indemniser les réquisitions

Les premiers mois de l'Occupation laissent déjà présager des difficultés que s'apprête à rencontrer l’Etat français, partagé entre le désir de collaborer avec l'occupant, de soutenir ses finances, le tout, sans porter préjudice à ses ressortissants. Ces objectifs sont d'autant plus  difficiles à tenir que les autorités allemandes se jouent des lacunes de la convention d'armistice pour l'interpréter à souhait, selon leurs intérêts.

Une gestion pragmatique des réquisitions

Dès l'été 1940, les premières réquisitions pour le compte de l'armée allemande se mettent en place dans la cacophonie provoquée par la défaite rapide de la France. La préfecture est contrainte de trouver immédiatement des solutions pour faire cohabiter les milliers de réfugiés de l’exode, et les soldats allemands qui n'hésitent pas à les expulser « manu militari »21. Le problème est toutefois de courte durée puisque « seulement » 7 000 réfugiés demeurent dans le Morbihan à la fin du mois de juillet. Le règlement rapide de cette question permet à l'administration française de se consacrer pleinement à celle des indemnités à allouer aux propriétaires. En effet, le changement de nature des réquisitions et la multiplication de ces dernières nécessitent l'établissement d'un nouveau mode de calcul plus conforme au contexte né de la défaite. Il faut en priorité parer à l'urgence en prenant des mesures destinées à faire survivre l'activité hôtelière, essentielle dans un département touristique. Aussi le général de la Laurencie fait paraître une première instruction très pragmatique le 11 septembre 1940. Celle-ci complète la note envoyée aux préfets le 31 juillet 1940 dans laquelle son prédécesseur à la DGTO, Léon Noël, annonce que « les hôtels occupés par les Autorités allemandes doivent recevoir des indemnités dont le taux sera fixé, en tenant compte de la classe de l’hôtel, de telle sorte que les hôteliers soient couverts des frais qu’ils exposent pour assurer normalement la fourniture des prestations (logements et accessoires qui les incombent) »22. L'instruction explique en six pages comment les préfectures doivent procéder aux indemnisations (les pièces concernées, le personnel, les modes de calcul). Mais elle n'est en réalité qu'une base de travail dans la mesure où elle ne concerne que les hôtels homologués par la loi du 7 juin 1937. Chaque préfecture doit en faire un usage adapté afin de prendre en charge tous les établissements et de ne pas léser une grande part de la profession (90% dans le Morbihan).

La priorité est de prendre en charge les nouvelles réquisitions au détriment de celles effectuées avant le mois de juin 1940, et qui n'ont pu être réglées. Le 2 septembre, une nouvelle Commission d'évaluation des réquisitions d'immeubles est constituée dans le Morbihan par arrêté préfectoral, toujours dans le but de déterminer les indemnités à allouer à chaque propriétaire, qu'il soit particulier ou hôtelier23.
Arch. Dép. Morbihan: 18 W 79

Si la Commission demeure paritaire – elle est désormais composée de 5 représentants administratifs et de 5 représentants privés – son travail reste néanmoins supervisé par la préfecture. Le travail purement administratif est rempli par des agents placés sous la direction du secrétaire de la Commission, lui-même chef de bureau, Edouard Boivin24. Ce dernier est placé sous l'autorité d'Henri Bosviel, chef de cabinet chargé des Frais d'Occupation à la préfecture du Morbihan.

Chaque hôtel est étudié individuellement d’après les renseignements fournis par les hôteliers, les mairies et les gendarmeries25. Un dossier de base est alors établi pour chaque établissement, facilitant le contrôle et le règlement des indemnités à la fin de chaque mois. Dans le détail, l'hôtelier est dédommagé de toutes les pièces dont il se trouve privé de la jouissance à l’exception des couloirs, des fumoirs et des salles de jeux. Ainsi, l’administration indemnise non seulement les chambres mais aussi les salons, les restaurants et les garages26. D’une manière générale, ce sont toutes les dépenses strictement nécessaires aux frais d’occupations qui sont prises en charge. Le remboursement est calculé de manière large afin de couvrir toutes les factures d’eau, d’électricité, de gaz et de chauffage. Si le propriétaire s’estime lésé, il peut contester en justifiant que le montant de ses factures est supérieur au quart de l’indemnité perçue. Sur ce point, seules les dépenses nécessaires sont prises en charge par le Trésor français, les dépenses de confort sont quant à elles à la charge du Trésor allemand. Ainsi l’eau est considérée comme un soin corporel nécessaire lorsqu’elle est utilisée pour des bains ou des douches, par contre, les frais engendrés par l’utilisation d’une piscine ou pour les bains médicaux sont à la charge du Trésor allemand27. En ce qui concerne le travail de l’hôtelier, s’il officie toujours dans l’hôtel réquisitionné totalement, il reçoit un dédommagement supplémentaire. Quant au personnel employé, il est à la charge du propriétaire s’il occupe toujours son hôtel, ou des Allemands dans le cas contraire. Enfin, pour minimiser les contestations, un état des lieux est effectué en cas de réquisition totale et seulement dans ce cas précis. Il est signé par le propriétaire et l’occupant.

Cependant, les choses se complexifient lors de la constitution des dossiers d'indemnisation puisqu'il faut distinguer deux types de réquisitions : totales ou partielles. Les premières concernent l'intégralité de l'établissement pour une durée indéterminée. Elles représentent le tiers des réquisitions dans le Morbihan et, lorsqu'elles sont mises en place, empêchent l'accès de l'hôtel aux civils28. Ainsi, le bar de l'hôtel des Côtes du Nord près de la gare d'Auray, bien que principale source de revenu de l'établissement en raison de sa fréquentation par les cheminots, est brusquement fermé lors de la réquisition totale de l’établissement29. Là encore, les choses diffèrent suivant que, selon la volonté des Allemands, l'hôtelier est appelé à rester ou à quitter son établissement. Ce dernier cas de figure est rare dans le Morbihan30 dans la mesure où les occupants préfèrent conserver un personnel qui s'occupe du ménage, du linge ou encore de la cuisine comme la gérante de l'hôtel des Côtes du Nord à qui les Allemands demandent de maintenir ouvert son bar, désormais réservé aux seuls soldats. De leur côté, les réquisitions partielles ne concernent pas toutes les chambres de l'établissement si bien que les Allemands peuvent cohabiter avec des civils (ces derniers devant néanmoins libérer leur chambre sous 24 heures en cas de demande des autorités occupantes). Une nouvelle fois, la multiplicité des cas complique la constitution des dossiers d'indemnisation – et accessoirement le travail du chercheur – puisqu'une partie de l'hôtel peut être réquisitionnée de manière permanente, d’autres chambres l’étant à la nuitée. Quoi qu'il en soit, les réquisitions permanentes, une fois prononcées, ne peuvent être levées que sur l'ordre signé des autorités allemandes. Ce n'est donc qu'après considération de toutes ces données que les dossiers peuvent être constitués et ainsi permettre de définir l'indemnité à allouer à chaque propriétaire.

Quartierschein. Arch. Dép. Morbihan: 18 W 76.

Afin de valider l'indemnisation prévue, l'hôtelier doit fournir tous les mois un billet de réquisition nommé Quartierschein délivré par les occupants. Seul ce document permet de connaître avec exactitude le nombre de chambres réquisitionnées et réellement occupées. Ce billet, est successivement signé par les autorités allemandes puis par l'administration française afin de contrôler, d'une part, les déclarations de l'hôtelier, et d’autre part, celles des soldats. Ces derniers sont à surveiller particulièrement dans la mesure où la proximité avec le logeur peuvent les conduire à frauder délibérément afin d'augmenter l'indemnité du propriétaire. Une fois l'occupation validée, la préfecture procède au versement de la somme prévue initialement par la Commission d'évaluation des réquisitions.

S'adapter à la réalité d'une occupation durable

Alors que le Gouvernement de Vichy espérait au mois de juin 1940 la rapide négociation d'un traité de paix qui mettrait fin à la contraignante convention d'armistice, il faut désormais composer avec la réalité d'une guerre qui s'éternise après l'échec de la Bataille d'Angleterre. La relative souplesse des premiers mois n'est plus adaptée.

Estimant que les dépenses de l'Allemagne sont inférieures au versement quotidien effectué, la France engage d’âpres négociations avec le Reich mais n'obtient pas la moindre diminution des frais d'occupation lors de l'hiver 1940-1941. Mais ce qu'elle ne peut obtenir de Berlin, elle peut partiellement l'imposer en réduisant les dépenses mandatées sur le compte « Logement et cantonnement des troupes ». Bien qu'il n'ait jamais été question de supprimer l'indemnité, Vichy estime néanmoins que des économies peuvent être effectuées en ce sens. C'est du moins ce qu'affirme en février 1941 le préfet délégué au ministre de l'Intérieur en condamnant les bénéfices réalisés grâce à l'actuel calcul :

« Au cours de ses tournées en zone occupée, l'Inspection générale des services administratifs du ministère de l'Intérieur signale des gains excessifs réalisés par les hôteliers du fait de l'occupation de leur établissement par les autorités militaires allemandes. [...] Devant les gains réalisés par certains commerçants en raison de l'occupation […] il serait peut-être opportun d'étudier un impôt spécial pour bénéfice exceptionnel. »31

A l'échelle locale, les dépenses sont contrôlées par une administration sans cesse plus structurée, dans l’espoir de gagner en efficacité. Dans le Morbihan, le nombre important de dossiers – pour rappel entre 180 et 260 concernant seulement l'hôtellerie – impose une lourde charge de travail pesant sur l'efficacité de la Commission d'évaluation des réquisitions. Conscient de cette difficulté, le préfet Piton prend un arrêté le 10 décembre 1940 autorisant la constitution de sous-sections. Quatre membres permanents sont alors nommés à la sous-section « Discussions des Affaires de l'Hôtellerie », toujours en respectant la règle d'une équité entre les intérêts publics et les intérêts privés. Si J.-B. Dolo est reconduit dans ses fonctions, il est désormais accompagné de Paul Auchet, propriétaire de l'hôtel de Bretagne à Vannes et président du Groupement départemental de la répartition des denrées rationnées aux hôteliers, restaurateurs et débitants de boissons32. Ils sont suppléés dans leurs tâches par Etienne Bouthelier33.

Dans la même optique, une lettre du ministère des Finances en date du 17 décembre 1940 préconise la création d'un bureau préfectoral ayant la charge exclusive des réquisitions : le Service des réquisitions allemandes et des Finances34. Dans le Morbihan, le nombre important de réquisitions immobilières conduit naturellement à la nomination d'un responsable de ces questions dès les premières semaines de l'occupation. Succédant à Henri Boisviel, Guillaume de Nouë, vincennois de 36 ans, prend la tête du bureau en mars 1941. Les effectifs engagés disent bien l’importance pour Vichy de la mission allouée à ce service. Ainsi, le 17 juillet 1941, 31 personnes sont employées : un chef de service assimilé à un chef de division, 3 sous-chefs de services (qui sont des agents militaires), 4 rédacteurs auxiliaires, 3 dactylographes, 20 expéditionnaires auxiliaires dont 9 agents militaires.

Comme dans tout système déconcentré, cette structuration morbihannaise est le reflet d’une organisation à l'échelle nationale. Le 7 avril 1941 apparaît à cet égard comme une date doublement clé. Tout d'abord, la direction du Trésor dirigée par Jacques Brunet (rattachée au ministère de l'Economie Nationale et des Finances) crée un service spécial chargé de centraliser toutes les demandes des services départementaux : le Service central des réquisitions allemandes, supervisé par la DGTO. Bénéficiant, du fait de ses fonctions, de relations privilégiées avec le Majestic, Fernand de Brinon, en charge de la Délégation depuis le 18 décembre, se place comme l'interlocuteur privilégié des conflits entre les administrations françaises et les autorités allemandes.
Fernand de Brinon. source photo : Livret de propagande vichyste "Les Voix Françaises" 1944

Tous les arrangements – s'il est juste de les appeler comme tels – convenus avec le MBF font alors jurisprudence auprès des bureaux préfectoraux, plaçant de ce fait le Service central comme l'organe essentiel des réquisitions en zone occupée.

Ensuite, ce 7 avril est essentiel en ce qu'il impose une nouvelle réglementation en matière de réquisitions. Cette dernière « relative au règlement des dépenses de logement et de cantonnement des troupes d'occupation » évoque les nouvelles dispositions prises en « concertation avec les autorités allemandes »35. Cette instruction, qui porte symboliquement le n°1, est bien plus complète que celle du mois de septembre 1940. Elle comporte pas moins de 11 pages de dispositions dont plus de la moitié, précisément 6, concernent les hôtels, preuve de leur importance. Mais là où l'instruction se montre plus réfléchie que celle qui la précède, c'est qu'elle propose 16 pages de commentaires officiellement « destinés à en faciliter l'application » selon F. de Brinon ... et peut-être pour ne plus laisser autant de liberté d'interprétation que ne l'autorisait l'instruction précédente.

L'instruction affiche clairement son objectif de réduire les frais d'occupation en procédant à de nouveaux abattements. Si l'indemnité est toujours mesurée grâce aux estimations faites à l'automne 1940 par la commission d'évaluation des réquisitions, elle ne peut plus désormais dépasser les 70 Francs par chambre, quel que soit le prix pratiqué avant-guerre (exception faite d’une liste d'hôtels dits de luxe dont le remboursement peut atteindre 200 Francs par chambre). Mais l'abattement le plus significatif est certainement celui qui porte sur les « hôtels saisonniers », c'est-à-dire les établissements qui, avant le conflit, n'ouvraient leurs portes qu'en période estivale. Si la réquisition ne s'interrompt pas avec l'hiver, l'Etat décide néanmoins de procéder à des abattements. Ainsi « hors saison », le total des indemnités de ces hôtels subit un dégrèvement de 5 à 20 % en fonction ou non de la présence de l'hôtelier et de de 35 à 45 % à partir du quatrième mois d'occupation. Cette décision pour le moins surprenante traduit bien la volonté de réduire les coûts d'une occupation qui pèse sur les comptes de l'Etat.

François Darlan, en 1942. Wikicommons.
L'hiver 1940-1941 constitue donc un tournant pour les réquisitions. On passe d'une administration spontanée du fait même de la rapidité de la défaite française en juin 1940 à une gestion plus rationnelle, dans la durée, comportant une évidente volonté de réduction des coûts. Au printemps 1941, les efforts de François Darlan et de son ministre de l'Economie Nationale, Yves Bouthilier, finissent par payer puisque les Allemands revoient à la baisse l'indemnité journalière réclamée. La somme est réduite à 300 millions de Francs par jour au printemps 1941.Cette relative victoire n'altère en rien la poursuite des efforts menés depuis désormais plusieurs mois. La loi du 23 août 1941 vient ainsi permettre la création d'une Commission d'Appel au sein de la Commission d'évaluation des réquisitions. Cette dernière se réunit tous les mois dans le but de régler les litiges afférents aux évaluations des indemnités de réquisitions.

Si cette loi permet de protéger les intérêts des particuliers, la tendance n'est pas à l'émancipation de la Commission puisqu’elle doit composer de plus en plus étroitement avec les services de la préfecture. Ainsi, l'arrêté du 13 octobre 1941, autorise la présence de G. de Nouë, à titre consultatif, aux travaux de la Commission.

Des indemnisations de plus en plus conformes aux réalités de la guerre

L'ouverture du front de l'Est en juin 1941 signe définitivement le deuil de l’illusion d'un règlement prochain de la paix. Dans la continuité des démarches engagées depuis début de l'année, le Trésor continue de réduire les dépenses jugées inutiles. Les réquisitions non-occupées deviennent alors la cible prioritaire des services dirigés par Jacques Brunet. En effet, l'évolution du conflit réorganise naturellement les besoins en cantonnement des troupes d'occupation. Mais malgré la désertion de nombreux hôtels, leur réquisition continue d'être prononcée. Pour tenter de mettre fin à cette situation, F. de Brinon sollicite les services du Majestic en août 1941 afin d'obtenir une levée immédiate de la réquisition lorsque les troupes quittent le cantonnement. La demande est rejetée le 22 août par le MBF estimant que l'armée d'occupation pourrait «  avoir besoin par le futur »36. Conscients qu'ils peuvent refuser l'indemnisation d'un bien dont le propriétaire se trouve privé de la jouissance, F. de Brinon et J. Brunet optent pour une stratégie qui a déjà fait ses preuves au printemps : la mise en place d'abattements. Le 4 octobre, une instruction du DGTO signale aux chefs des services départementaux de réquisitions les nouvelles dispositions à cet égard. Désormais les chambres non-occupées sont imputées jusqu'à 75% de l'indemnité initialement prévue, soit 60 % pour une chambre inférieure à 20 Francs et 75 % pour une chambre supérieure à 60 Francs. Le Quartierschein permet alors de justifier la présence ou non de soldats allemands.

Le 25 mars 1942,  le Service central profite de la traduction d'une ordonnance allemande datée du 1er octobre 1941 pour joindre une annexe de commentaires, faisant office de nouvelle instruction de référence. Et pour cause, la parution de 96 circulaires en l'espace de 13 mois justifient une rectification en profondeur de l'instruction du 7 avril 1941. 38 pages sont ainsi annexées à une ordonnance de seulement 9 pages. L'hôtellerie prend une place centrale puisque pas moins de 7 des 12 pages d'ordonnance et 20 des 38 pages de commentaires lui sont destinées.
L'importance consacrée à l'hôtellerie nécessite alors, en 1942 la création de deux postes qui lui sont exclusivement consacrés au sein du Service des réquisitions allemandes du Morbihan. Sont recrutés un rédacteur qui vérifie les comptes des prestataires, prépare les instructions et assure la correspondance relative à ces réquisitions, et un commis qui effectue les opérations de mandatements37.

Justifiant l'annexion de la zone sud en novembre, les Allemands obtiennent au mois de décembre 1942 l'augmentation des frais d'occupation. Ces derniers s'élèvent désormais à 500 millions de Francs par jour auxquels vient se greffer le milliard de Francs mensuel versé à l'Italie. Ces montants importants ne prennent toujours pas en compte les dépenses en logement et cantonnement qui, naturellement, augmentent avec les besoins liés à l'occupation de la zone sud. Le contexte est alors difficile pour le Gouvernement de Vichy qui doit également assumer l'accroissement des exigences allemandes en matière de ravitaillement et le dédommagement de sinistrés de plus en plus nombreux en raison de l'intensification des bombardements alliés38.

Les exploitations hôtelières réquisitionnées par les troupes d’occupation au mois de mars 1944.

Plus que jamais, les Services départementaux sont au cœur des enjeux nationaux. Et pour cause, de leur efficacité dépend le bon fonctionnement des réquisitions et le maintien des dépenses en logement et cantonnement. En accordant une prime de rentabilité aux chefs des Services en janvier 1943, le Gouvernement espère les motiver, estimant ces fonctionnaires « investis » d'une « responsabilité très lourde », celle de « défendre les intérêts du Trésor », pour reprendre les mots de F. de Brinon39. L'Etat français souhaite alors obtenir des résultats probants en matière de limitations de dépenses, résultats jugés jusqu'alors insuffisants et trop dépendants de la « qualité de l'agent placé à la tête des services ». La prime, qui peut s'élever à 18 000 Francs par an40, est à la hauteur de l'attente placée dans ces fonctionnaires. Et pour cause, elle équivaut à près de la moitié du salaire de l'adjoint de G. de Nouë, Mathurin Cloérec qui perçoit près de 36 554 Francs en 194341. L'importance accordée aux réquisitions et l'évolution d'une guerre dont le dénouement parait de plus en plus incertain, incitent le Trésor à mettre continuellement les chefs des Services départementaux sous pression. Ainsi, en mars 1944, Fernand de Brinon rappelle que la prime sera diminuée en conséquence si le Chef de service ne « consacre au service des réquisitions qu’une partie de son activité »42. Le Service des réquisitions est bien devenu en quelques mois un rouage essentiel dans la politique économique nationale et, à ce titre, se doit d’être un bureau autonome déchargé de toute autre affaire qui nuirait à son efficacité.

Dans le Morbihan, Guillaume de Nouë, semble satisfaire les attentes de ses supérieurs. En janvier 1944, le préfet Pierre Marage n'hésite pas à vanter ses mérites auprès de Pierre Cathala, ministre, secrétaire d'Etat à l'Économie et aux Finances :

« Quant à M. de Nouë, mon Chef de Service départemental, je n'ai pas à faire son éloge, il se tient en relations étroites avec le Service central des réquisitions allemandes où, je sais, ses qualités sont très appréciées. Je propose son assimilation à celui de Chef de Division de 2e classe, avec traitement intégral correspondant. »43

C'est en toute logique que ce dernier obtient l'intégralité de la prime de rentabilité pour le premier semestre 194444.

Malgré les efforts effectués, l'administration demeure toutefois impuissante face aux aléas de la guerre et aux volontés fluctuantes des Allemands. L'instruction du 25 mars 1942 qui paraissait pourtant complète nécessite les rectificatifs de 196 circulaires jusqu'en juillet 1944, soit une moyenne approximative de 7 correspondances par mois, statistique semblable à celle de 194145.

 

Limiter les dépenses de l'Etat, une constante vérifiée à l'échelle du département

Mais si la gestion des réquisitions répond à une logique certes chronologique de la guerre, une approche transversale permet de souligner certaines permanences de l’action de l’Etat français. En effet, si dans tous les cas l'administration indemnise les réquisitions, elle ne souhaite pas le faire n'importe comment et cherche constamment à réduire les dépenses.

Indemniser oui, mais quoi ?

En raison d'un parc hôtelier jugé peu confortable, les Allemands n'hésitent pas à ordonner des travaux afin de moderniser leur lieu de cantonnement. Si certains sont justifiés par la vétusté de l'établissement, d'autres sont sans doute moins nécessaires. Lorsque l'hôtel du Pavillon à Auray déclare le remplacement des ampoules du salon par un chandelier, faut-il le considérer comme une dépense d'entretien, de rénovation ou de confort ? Qui doit alors payer les travaux ? L’instruction du 25 mars 1942 rejette les réparations courantes liées à l’usure naturelle (peintures, ramonage, tuyauterie…) sur les hôteliers mais en même temps, elle considère que les mises en état nécessaires pour « vices de construction ou pour une propreté insuffisante » sont à la charge de l’administration française46. Le chandelier est-il alors nécessaire pour remplacer un vieil équipement, pour compenser un faible éclairage ou est-il seulement un luxe exigé par les Allemands, auquel cas son remboursement serait à la charge du Trésor allemand ?

En-tête du courrier de l'hôtel du Pavillon à Auray. Arch. Dép. Morbihan: 18 W 76.

La frontière est parfois étroite lorsqu'il s'agit d'évaluer les dépenses engagées, et les décisions provoquent parfois l'incompréhension des hôteliers qui estiment être soumis à des travaux coûteux qu'ils déclarent ne pas souhaiter. C'est le cas du propriétaire de l'hôtel Belle-Vue à Saint-Gildas-de-Rhuys qui refuse de payer ses factures d'électricité en novembre 1943, justifiant qu'il ne fait pas de « séance de cinéma » et qu'il n’a pas de radio47. Le Service des réquisitions allemandes n'est pas de cet avis et émet un « ordre de reversement » à son égard. Pour justifier de son refus de paiement, le propriétaire apporte comme preuve une facture de consommation d'avant-guerre pour montrer qu’une « vraie » clientèle n’utilise pas tant d’électricité. Comme si les choses n'étaient pas assez complexes, il obtient le soutien du maire de sa commune, lequel se base sur l'instruction du 11 septembre 1940 qui « stipule que dans un hôtel saisonnier, entièrement occupé, les dépenses mobiles (en particuliers l’électricité) sont à la charge des occupants », courrier auquel le service des réquisitions allemandes répond en s'appuyant sur l'instruction en cours, celle du 25 mars 1942 qui « laisse à la charge des hôteliers les consommations d’électricité et de réparations courantes ». Face à ces incompréhensions et ces interprétations multiples, le Service des réquisitions allemandes doit plus que jamais faire preuve de clarté et de justesse dans ses décisions. Il doit également concilier les intérêts de chacun et surtout ne pas pénaliser les hôteliers en les abandonnant aux dépenses engagées alors qu'ils n'en sont pas les commanditaires.

Dans le cas de dépenses somptuaires, le service des réquisitions allemandes doit faire face à des situations encore plus litigieuses. L'exemple de la construction de salles de jeux est particulièrement significatif dans un département très peu équipé en structures récréatives à la différence de Paris et de ses nombreuses distractions. Ainsi, de véritables « Kasinos » voient le jour dans les salons des hôtels du Pavillon à Auray ou du Modern' Hôtel à Vannes48. Dans ce contexte, le propriétaire est chargé par les occupants de faire des travaux d’agrandissement des pièces (abattement de cloisons…) et d'acheter les tapis, roulettes et autres accessoires nécessaires. Or, ces dépenses ne sont pas à prendre en charge par l’Etat français, ce dont Fernand de Brinon a une nouvelle fois la confirmation par l’intendant en chef auprès du MBF le 17 juin 194349. Pourtant, le Service des réquisitions allemandes se retrouve régulièrement devant le fait accompli puisque les travaux sont déjà effectués sur la demande des occupants qui refusent naturellement de payer. En effet, les Allemands délivrent directement des bons de réquisitions aux artisans qui fournissent alors les objets récréatifs nécessaires aux hôteliers, demandes qui sont toujours prioritaires, même lorsque les matériaux manquent comme le souligne H. Michel dans le cas parisien50. Pourtant, les militaires, les artisans et les hôteliers ont bien connaissance de l'interdiction de ces pratiques puisque les mairies morbihannaises sont tenues d’afficher en français et en allemand L’Avis relatif à l’occupation par les troupes allemandes, envoyé par le préfet du département le 15 octobre 1940 et approuvé par le Feldkommandant, dans lequel il est mentionné que « les troupes allemandes paieront tous leurs achats exceptés ceux ayant trait à l’entretien, au logement et à l’installation des troupes. »51. A cette date, le préfet déplore déjà l'attitude des Allemands, en particulier des unités combattantes, qui passent outre les interdictions de la préfecture lorsqu'il s'agit de la livraison de « mobilier somptueux »52. Henri Piton a de quoi s'inquiéter, et pour cause, il est régulièrement fait état de livraison de billards, de tapis, de divans, de tables de thé et même de tableaux comme ceux achetés à la Galerie du Berri à Paris pour 42 000 Francs par une unité stationnée à Larmor-Plage53.

Le Morbihan n'est pas une excetion. C'est ce que démontre cette affiche émanant des autorités allemandes concernant le logement des soldats allemands dans des chambres d'hôtel. Affiches du comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ/947.

Cependant, l'avis du 15 octobre 1940 n'a que peu d'effets et le préfet en fonction, Pierre Marage, continue de déplorer les dépenses qu'il qualifie de « somptueuses » dans son rapport de novembre 1943 au DGTO54. Malgré les interventions du ministre des Finances et du DGTO auprès des autorités occupantes, les abus continuent, obligeant le Service des réquisitions allemandes à agir afin de ne pas bloquer les indemnisations qui pénaliseraient encore davantage les commerçants (artisans ou hôteliers) ayant engagé des dépenses contre leur gré55. Pour cela, le Service des réquisitions allemandes sollicite la Commission d'évaluation des réquisitions afin d'estimer une indemnité « équitable », en se prononçant généralement pour un remboursement à moindre prix que celui demandé par le propriétaire arguant du fait que, après tout, c'est bien ce dernier qui en profitera après le départ des Allemands. Ce n'est qu'après trois années de négociations que de Brinon semble régler cette question litigieuse. Ainsi, en janvier 1944, il confirme auprès des préfectures ce que les instructions affirmaient déjà depuis 1940 : « L’interdiction d’acquérir aux frais de l’Etat français des jeux de sociétés (billards) pour les foyers de soldats [et] d’officiers ». Il précise néanmoins qu'il ne peut y avoir d'effet rétroactif à des indemnisations déjà mandatées, confortant ainsi les décisions prises localement par les préfectures56. Peut-on vraiment y voir une victoire dans la mesure où, après 4 années d'Occupation, les fournitures somptuaires sont dans leur ensemble déjà achetées ? Elles témoignent surtout de la faiblesse des autorités de Vichy face aux volontés des Allemands.

Le cas des dépenses d'agréments met donc en évidence les difficultés et les limites de l'action du Service des réquisitions allemandes dans un département tel que le Morbihan et de l'administration française en général. Et ce ne sont pas les seuls cas litigieux puisque l'équipement en téléphones, l'indemnisation de terrains de tennis, l'achat de machines à écrire ou encore les réparations de dégâts occasionnés par les occupants sont autant de questions complexes auxquelles le service départemental est soumis57. Comment agir pour satisfaire tout le monde sans ouvrir la porte aux abus soupçonnés ? Il n'est pas rare que le doute soit porté sur certains propriétaires, profitant de la situation confuse et de la complaisance des Allemands qui, pour « faire plaisir » aux hôteliers, émettent des bons de réquisitions qui ne leur coûtent rien puisqu'après tout, c'est la France qui paie58.

La préfecture du Morbihan est également très vite confrontée à un autre problème, celui des réquisitions effectuées par les Allemands qui n'appartiennent pas aux « troupes d'occupation ». En effet, durant les quatre années d'Occupation, le département voit arriver des ingénieurs en charge de la construction de la base sous-marine de Lorient, des travailleurs de l'organisation Todt et même des organismes privés, telle la Maison Holzmann en avril 1941, qui n'hésitent pas à délivrer un Quartierschein à l'origine réservé aux seules troupes d'occupation. Une nouvelle fois, la convention d'armistice est évasive sur ce point et laisse libre cours aux interprétations quant au bien-fondé de ces réquisitions59. Le préfet du Morbihan condamne à de nombreuses reprises ces pratiques dans ses rapports, comme en août 1941 :

« Dans la région lorientaise, l'Organisation Todt continue à provoquer les mêmes difficultés ou incidents que ceux signalés dans les précédents rapports. En particulier, les travailleurs de cet organisme et des firmes qu'il emploie persistent à exiger le logement ou le cantonnement par voie de réquisitions, même s'il ne s'agit pas de personnel en uniforme. Il est d'ailleurs pratiquement impossible d'instituer un contrôle efficace, car il m'est signalé qu'en cas d'un premier refus de logement, ceux-ci sont d'abord occupés pendant quelques temps par des militaires de la Wehrmacht, puis cédés aux membres des organisations Todt, sans que la novation de situation apparaisse dans un document quelconque. »60

Là encore, la préfecture se trouve impuissante face au refus systématique du Feldkommandant à ces requêtes61. Le débat se poursuit au niveau national et le MBF remporte le dernier mot en établissant une large liste des bénéficiaires du logement en France occupée, liste dont font partie les troupes de théâtre (Schauspielertrupps) ou encore les libraires du Front (Frontbuchlandlungen)62 ... La récurrence des mêmes problèmes évoqués par Fernand de Brinon démontre bien la limite des possibilités de pression des pouvoirs publics français. En effet, le DGTO parvient parfois à influencer le MBF mais les rivalités entre les différentes administrations allemandes limitent souvent ces effets, en particulier les militaires relevant de l'aviation ou de la marine qui ne semblent pas toujours accepter les recommandations du Majestic63.
                Le cas morbihannais décrit bien la difficulté pour un service départemental d'appliquer les instructions prévues. Malgré la rédaction de ces dernières « en concertation avec les autorités allemandes », leur application dépend surtout du bon vouloir de ces mêmes autorités. Les nombreux litiges rencontrés en France occupée expliquent alors l'importance de la correspondance constatée entre le Service central des réquisitions allemandes parisien et les services départementaux.

Maîtriser les dépenses de l'Etat

Si la diminution du montant forfaitaire dépend de la volonté des autorités allemandes, l'administration peut en revanche réduire, par une habile gestion à l'échelle locale, les coûts relatifs au « logement et cantonnement ». Ceux-ci ne sont pas négligeables puisqu'ils s'élèvent à 500 millions de Francs en avril 1942, selon les chiffres apportés par l'historien M. Margairaz, dans une France qui n'est encore qu'à moitié occupée ...64

La contribution à l'effort national est essentielle dans un département comme le Morbihan qui s'acquitte pour ce même compte de 9,1 millions de Francs – dont 1,5 pour les seuls hôtels – ce même mois d'avril65. Or celle-ci est précoce dans le Morbihan. En effet, dès les premiers mois de l'Occupation, l'épineuse question des indemnités provoque des débats houleux entre la préfecture et les hôteliers. On se rappelle en effet que 90 % des hôtels du département ne sont pas homologués par la fameuse loi du 7 juin 1937 et ne donc sont pas pris en compte par l'instruction du 11 septembre 1940. Puisque ces hôtels doivent être indemnisés malgré tout, la préfecture calcule un juste prix pour ne pas léser les propriétaires ni affaiblir les caisses de l'Etat. Le 24 septembre 1940, lors d'une réunion de la commission d'évaluation des réquisitions, Henri Bosviel se prononce contre l'application intégrale de l'instruction et propose des barèmes plus conformes aux réalités départementales. Il souhaite imposer un prix moyen qui se calcule par l’addition du prix de chaque chambre divisé par le nombre de chambres, et non l’addition du prix le plus élevé et de celui le plus bas divisé par deux comme le prévoit l'instruction officielle. Ce calcul est censé éviter qu’un prix démesurément haut ne vienne fausser la moyenne, ce qui permettrait à l’hôtelier de bénéficier d’une base de calcul élevée pour des chambres de piètre qualité... En outre, contrairement aux recommandations de la DGTO, il désire mettre en place un abattement sur les chambres dont le prix est inférieur à 20 Francs, mesure qui concernerait alors la grande majorité des établissements morbihannais.

 

 

 

 

 

Piece de 5 francs à l'effigie du maréchal Pétain et comportant la devise Travail, Famille, Patrie.

Le 2 octobre, cette proposition est jugée « insuffisante » par Etienne Bouthelier qui, en sa qualité de vice-président du syndicat des hôteliers, réclame une stricte application de l'instruction nationale. Les négociations étant dans l'impasse, le 4 octobre, la préfecture propose de revoir ses barèmes à la hausse mais persiste à proposer des indemnités inférieures à ce que prévoient les textes officiels. Cette obstination agace Bouthelier qui accuse la préfecture de prendre en otage les hôteliers puisque le zèle de ses agents bloque le processus d'indemnisation, ce qui, selon lui, est unique en France66. Mais l'administration départementale est convaincue de la pertinence de ses propositions dans la mesure où « le texte [n°1670] vise essentiellement des hôtels d’un confort bien supérieur à celui que l’on trouve dans notre région »67. Pourtant, après une ultime tentative le 26 novembre68, la préfecture accepte l'application complète de l'instruction lors de la réunion du 4 février 1941, avec effet rétroactif. La préfecture cède alors à la pression des hôteliers qui reçoivent le soutien de Jean Gommy, président national du Comité d'organisation professionnelle pour l'industrie hôtelière, qui adresse directement un courrier au préfet le 30 novembre 1940 dans lequel il fait part de sa surprise, estimant que les instructions du DGTO sont claires.

Il faut donc cinq mois de négociations pour parvenir à un accord qui n'aura, finalement, plus de valeur avec l'instruction du mois du 7 avril 1941 ...

Cette implication des professionnels qui cherchent à faire valoir pleinement leurs droits laisse constamment planer le doute sur leur intégrité, surtout lorsque la préfecture pointe du doigt le chiffre d'affaire « assez considérable » réalisé en cas d'occupation totale comme le rapporte le préfet en février 1941 :

« Sans vouloir nier que les dégâts et les autres servitudes d’exploitation qui sont plus élevés quand il s’agit d’une occupation allemande, on constate que du fait des réquisitions totales, le CA de l’hôtel est assez considérable, surtout pour la période hivernale où les autres années le plein n’était jamais réalisé »69

Est-ce alors la raison qui pousse le Gouvernement à imposer un mode de calcul moins avantageux et non négociable ? Seule une étude comparative portant sur plusieurs départements pourrait permettre de répondre à cette question.

La constitution des dossiers d'indemnisation nécessite également une grande vigilance de la part de service des réquisitions allemandes afin de détecter les fausses déclarations faîtes par les hôteliers. La plus courante est la fameuse « faute de frappe » qui consiste à déclarer par inadvertance des chambres supplémentaires. L’hôtel de Bretagne à Lorient déclare ainsi 55 chambres au lieu de 52 ; le Belle Vue à Saint-Gildas-de-Rhuys déclare 25 au lieu de 2270 … autant de négligences qu'il convient de rectifier. Si le doute persiste sur la volonté délibérée ou non de la part du propriétaire lorsqu'il remplit le formulaire d'indemnisation à l'automne 1940, d'autres persistent « sciemment » à déclarer le nombre de lits « partout où il figure le mot chambre » comme déplore Henri Bosviel au maire de Port-Louis le 4 janvier 1941 au sujet du propriétaire de l'hôtel de la Plage71. Toutefois, les propriétaires n'estiment pas frauder en déclarant le nombre de lits au lieu du nombre de chambres puisqu'ils jugent injuste un mode de calcul qui ne tient pas compte de la présence réelle de l'occupant. En effet, Jean Macé, propriétaire du Modern' Hôtel à Vannes explique ainsi qu'une chambre composée de 3 lits génère plus de frais qu'une chambre n'en comportant qu'un seul dans la mesure où l'hôtelier doit « fournir les couvertures, les draps et les serviettes » ce qui engendre une « usure du matériel » qu'il estime à 9 000 Francs par mois72.

Les réquisitions non-occupées

A cet égard, l'objectif prioritaire de la préfecture est, on l'a vu, de lever les réquisitions non-occupées qui représentent un surcoût conséquent pour les finances de l'Etat. Un rapport commandé en mars 1942 confirme à l'échelle du Morbihan le constat dressé par Jacques Brunet et Fernand de Brinon l'été précédent : sur les 181 hôtels officiellement réquisitionnés, 27 ne seraient plus occupés (cf. tableau)73. Il convient ici d'utiliser le conditionnel puisque le rapport est établi par les mairies ayant mené une simple observation dans leur commune, avec les approximations qu'une telle méthode comporte. Ce sont donc 27 établissements qui ne seraient plus occupés tout en étant indemnisés par la préfecture alors que leurs situations ne le justifient plus. Cependant, le maintien de la réquisition oblige le Service des réquisitions allemandes à dédommager le propriétaire qui se trouve toujours privé de la totale jouissance de son bien. Si les abattements prévus par la circulaire du 4 octobre 1941 amoindrissent les remboursements dans de telles situations, il n'en demeure pas moins qu'elles demeurent couteuses. C'est pourquoi, le Service des réquisitions tente d'obtenir la levée de celles-ci auprès des autorités occupantes. La tâche n'est pas des moindres et l'administration essuie de nombreux refus des Allemands sous prétexte « qu'ils pouvaient revenir » comme le déplore le préfet de la Seine René Bouffet en juin 1944, constat qui fait écho à celui du maire de Vannes à qui il est rétorqué : « mais nous pouvons encore en avoir besoin »74.

Situation du logement et cantonnement à la date du 15 mars 1942.

La station balnéaire de Quiberon est un exemple significatif de ce problème. En juillet 1940, 29 hôtels y sont réquisitionnés pour les besoins de l'armée occupante soit une grande majorité du parc hôtelier. La réorganisation stratégique des troupes conduit à une évacuation rapide de nombreux établissements qui ne sont alors plus occupés qu'occasionnellement les week-ends et les mois estivaux, selon le maire en août 194175. En avril 1942, le maire rend un nouveau rapport au préfet dans lequel il affirme que pas moins de 21 hôtels de la commune ne sont plus occupés malgré l'ordre de réquisition76. Ces précisions permettent ainsi de mettre en cause les chiffres donnés au mois du mars qui ont peut-être été sous-estimés. Quoi qu'il en soit, Guillaume de Nouë adresse des courriers à la Kreiskommandantur de Lorient et à la Kommandantur de Quiberon dans lesquels il demande « de procéder à la levée » justifiant le fait que « [certains hôtels] n’ont pas été occupés depuis plusieurs mois et [que] je dois néanmoins leur payer des indemnités réduites tant qu’ils seront soumis à la réquisition »77. Il faut ainsi près de 18 mois de négociations pour que la préfecture obtienne enfin, le 25 novembre 1943, la levée des réquisitions de 3 hôtels78, puis encore 6 autres mois pour obtenir 5 nouvelles levées, le 17 avril 194479. L'obstination de Guillaume de Nouë, peut-être incitée par la prime de rendement introduite en janvier 1943, finit ainsi par être récompensée. Afin de ne pas entrainer de confusions, précisons encore une fois que ces hôtels continuent d'être réquisitionnés, mais cette fois de façon partielle et ponctuelle, ce qui permet à l'Etat français de n'indemniser que la présence réelle des Allemands80. L'exemple de Quiberon est donc significatif d'une situation qui se répète dans de nombreuses villes du département notamment à Carnac et à Vannes …

 

Le Service départemental des réquisitions allemandes a une fonction essentielle car il doit contenter à la fois les prestataires et les occupants, tout en se devant de minimiser les frais engagés par l’Etat français. Il se doit donc d’arriver à un certain consensus tout en maintenant l’ordre public en évitant tout trouble pouvant naître d’un sentiment d’injustice. On voit donc combien la question des réquisitions hôtelières est, pendant l’Occupation, au cœur d’enjeux économiques mais aussi diplomatiques et militaires. Si la perspective d'un rapide traité de paix pouvait permettre quelques souplesses en 1940, la durée de l'Occupation et l'accentuation des exigences allemandes nécessitent un contrôle de plus en plus strict des dépenses par la préfecture du Morbihan.

A la Libération, la préfecture continue de gérer les indemnisations immobilières dans le département. En effet, le Service des réquisitions allemandes, rebaptisé en Service départemental des réquisitions, s'occupe des indemnisations et des litiges concernant les réquisitions de l'« ex-occupant » n'ayant pu être réglées, mais également celles étant en cours dans la poche de Lorient. De plus, il s'occupe désormais des réquisitions pour le compte des officiers alliés et des FFI81. Le Service des réquisitions maintient son activité jusqu'en 1948 avec le même personnel que sous l'Occupation, excepté Guillaume de Nouë, révoqué à l'unanimité le 23 août 1944 par le Comité départemental de la Libération ayant jugé son attitude « nettement collaboratrice »82. Edouard Boivin, secrétaire de la Commission d'évaluation des réquisitions, lui succède officiellement le 3 novembre 194483. Le Service bénéficie alors de l'expérience de ses agents afin d'obtenir une efficacité optimale nécessaire pour contenir les dépenses de l'Etat dans un délicat après-guerre. De la même manière, la Commission d'évaluation, reconstituée par arrêté préfectoral le 12 septembre, prône la stabilité en nommant Paul Auchet représentant titulaire de l'hôtellerie et J.-B. Dolo comme suppléant. Et pour cause, le Morbihan reste particulièrement concerné par la question hôtelière même après la reddition de la poche lorientaise tant le nombre d'établissements détruits lors des bombardements est important84. Il faut désormais se tourner vers de ces hôtels, une des priorités nationales décrétée en octobre 1945 par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme : « Une population importante est amenée à venir à Lorient (Ingénieur, Architecte, Commerçants, voyageurs de commerce, officiers…). Il y a lieu également de prévoir un courant touristique indispensable au relèvement de notre pays et de l'hôtellerie »85.

L'hôtellerie se place donc de nouveau au cœur des intentions de l'immédiat après-guerre, ce que ne manque pas de souligner en caractères rouges le courrier du ministère « C’est un gros point d’attrait pour une ville que d’avoir de bons hôtels ».

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 Avant toutes choses, je tiens à remercier ceux qui ont facilité la réalisation de cet article. L'équipe des Archives départementales du Morbihan pour leur disponibilité, Erwan Le Gall et Olivier Porteau pour leur écoute attentive. Enfin, Marc Bergère dont les conseils furent en toutes circonstances extrêmement précieux.

2 VERCORS, Le silence de la mer, Edition de Minuit, 1942

3 Ce dernier, alors commandant en chef des sous-marins allemands, choisit la nouvelle base de Lorient pour y installer son poste de commandement. LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, Edition Joseph Floch, 1978.

4 On peut faire ici référence à la demande adressée au préfet régional de Clermont-Ferrand qui hiérarchise les bâtiments : les châteaux pour les états-majors, les hôtels pour les officiers, les casernes, écoles et autres grands locaux (casinos, salle des fêtes, granges) pour les hommes de troupes. Arch. mun. d'Aurillac, IV H 12 – Courrier du préfet régional aux préfets départementaux, janvier 1943.

5 Le MBF, ou Commandant militaire en France, est responsable de la sécurité militaire en France. Sur le sujet, voir Eismann, Gaël, Hôtel Majestic, Paris, Taillandier, 2010. L'Abwehr est « le service de l'armée allemande chargé du renseignement, des actions subversives et du contre-espionnage » LELEU, Jean-Luc, THIERY, Laurent, « Abwehr et Geheime Feldpolizei », in LELEU, Jean-Luc, PASSERA, Françoise, QUELLIEN, Jean, et  DAEFFLER, Michel (dir.), La France pendant la Seconde Guerre mondiale – Atlas historique, Fayard, 2010.

6 Sur ce point, voir le chapitre 14 « Vichy, le quotidien d'une ''capitale'' » par Béatrice VERGEZ-CHAIGNON dans ALARY, Eric, Les Français au quotidien, 1939-1949, Perrin, 2006, p.301-314.

7 MICHEL, Henri, Paris Allemand, Paris, Albin Michel, 1981. Pour la situation dans le Morbihan, on se permettra de renvoyer à EVANNO, Yves-Marie, La pêche et le tourisme dans le Morbihan à l’épreuve de la guerre (1939-1945), Rennes 2, Mémoire de Master 2 sous la direction de BERGERE, Marc, 2008. TOURAYOT, Jean, L'hôtel des ombres, Paris, Le Seuil, 2011.

8 Courrier du ministre des Travaux Publics au préfet du Morbihan, le 8 août 1938. Arch. dép. du Morbihan: 8M132. Préfecture – Tourisme.

9 Annuaire des hôtels homologués par le Service du Commissaire Général au Tourisme, 1939. En ce qui concerne le Celtic de Carnac, il est homologué le 14 février 1940 Arch. dép. du Morbihan: 18W100. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Vannes. Sur ce point, voir CROLAS, Patricia, Le tourisme sur le littoral du Morbihan pendant l’entre deux guerres, Rennes 2, mémoire de maîtrise sous la direction de Sainclivier, Jacqueline, 1987.

10 Les trois autres chambres étant celles de la famille qui gère l'établissement. Arch. dép. du Morbihan: 18W76. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Arzon.

11 A l'inverse, l'hôtel Le Penher à Auray, dont la demande de licence en date du 3 août 1939 n'a pas été prise en compte, est considéré jusqu'en janvier 1944 comme une réquisition d'un bâtiment de particulier. Arch. dép. du Morbihan: 18W76. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Auray.

12 A titre de comparaison, un ouvrier qualifié parisien gagne environ 1500 Francs en février 1940 tandis qu’un maçon vannetais gagne 6,05 Francs de l'heure en avril 1939 soit un petit peu moins de 1000 Francs par mois. Alary, Eric, op. cit., p.46. Arch. départementales du Morbihan, 10M23. Salaire dans les travaux publics et les industries du bâtiment.

13 Situation du logement et cantonnement à la date du 15 mars 1942. Arch. dép. du Morbihan: 18W46. Organisation des réquisitions et capacité de logement des troupes d'occupation.

14 Dans son essai de recensement, François Olier ne signale aucun hôtel morbihannais transformé en hôpital temporaire. En revanche, le cas de l’Ille-et-Vilaine est significatif puisqu’une vingtaine d’hôtel sont reconvertis pour la durée de la guerre en hôpitaux. Ainsi, par exemple, le Grand hôtel de Dinard (Hôpital complémentaire 63) accueille 2409 blessés entre le 8 octobre 1914 et le 31 janvier 1917. Dans le Morbihan, Le Grand hôtel de la Plage et de la Mer de Carnac accueille les riches internés allemands. OLIER, François, Les Hôpitaux temporaires de Bretagne, Essai de recensement (1914-1918), Rennes, 1986.

15 Arch. dép. du Morbihan: 18W36. Enregistrement des travaux et des procès-verbaux de la Commission d'évaluation des réquisitions (1942-1943). Sur ce point, voir l'étude réalisée peu de temps après la fin du conflit par le géographe Meynier, Anrdré, Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1940-1941, Les nourritures terrestres, 1950.

16 Bernard, André, Bigorne, Joël, Frelaut, Bertrand, et Le Bouëdec, Gérard, « Un long XXe siècle (1815-1945) », Le Bouëdec, Gérard (dir.), Le Morbihan de la Préhistoire à nos jours, St Jean d’Angely, Edition Bordessoules, 1994.

17 Arch. dép. du Morbihan: 18W32, Organisation et composition de la Commission d'évaluation des réquisitions, Arrêté préfectoral du 22 avril 1940.

18 Arch. dép. du Morbihan: 18W32. Organisation et composition de la Commission d'évaluation des réquisitions. Le prénom de J.-B. Dolo demeure malheureusement inconnu.

19 Arch. Nat. : AJ 41/397 - Synthèse de la zone occupée – 29 août 1940 (DGTO). Le DGTO a pour mission d'assurer la « coordination des services administratifs français établis dans les territoires occupés » ; Arch. dép. du Morbihan: 2W15892, Lettre du 15 juillet 1940 de Léon Noël aux préfets.

20 CATHALA, Pierre, Face aux réalités – La direction des Finances françaises sous l'Occupation, Editions du Triolet, s.d., p.34-35. Pierre Cathala devient ministre secrétaire d'Etat à l'Economie nationale et aux Finances lors du retour de P. Laval en avril 1942. Il succède à Yves Bouthillier, et reste à son poste jusqu'en août 1944.

21 Le 8 août 1940, le Feldkommandant prévient le préfet du Morbihan que « les officiers allemands sont autorisés à expulser les réfugiés des maisons pouvant être employées comme logements par les membres de l'armée ». Arch. dép. du Morbihan: 18W46, Organisation des réquisitions et capacité de logement des troupes d'occupation.

22 Arch. dép. du Morbihan: 18W3, Instructions ministérielles (1939-1941).

23 L'arrêté du 14 août institue la Commission dans le Morbihan : « art.1 : Une Commission est instituée pour un examen des dossiers de demandes d’indemnités présentées par les exploitants de ces établissements, et une étude des conditions dans lesquelles ils pourront être désintéressés, soit à titre provisoire, soit à titre définitif, après avis de la commission départementale d’évaluation. » L'arrêté du 2 septembre désigne quant à lui les représentants. Arch. dép. du Morbihan: 18W38, Procès-verbaux des séances de la Commission d'évaluation des réquisitions (1942-1943).

24 Arch. dép. du Morbihan: 18W28, Agents administratifs – Dossier Boivin.

25 En réponse au courrier du 7 septembre envoyé par la préfecture aux chef de brigades de gendarmerie : « Pour permettre à la commission d'évaluation des réquisitions de statuer sur la question des dédommagements à attribuer aux hôtels occupés par les militaires allemands, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien : 1) Me donner la liste sommaire des établissements qui, sur le territoire de votre brigade, sont occupés par les autorités allemandes 2) Le prix moyen de 1939 pratiqué par les établissements pour leurs chambres » Arch. dép. du Morbihan: 18W100. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Vannes.

26 Et même à la demande d’indemnisation de la terrasse de l’hôtel La Tour d’Auvergne à Auray en août 1942. Arch. dép. du Morbihan: 18W76, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Auray.

27 Arch. dép. du Morbihan: 18W4, Instructions ministérielles (1942),Instruction n°97 RA du 19 mars 1942 à propos de la consommation d’eau de l’occupant.

28 Estimation basée sur l'année 1942.

29 Réquisition effectuée le 15 février 1943 par des Allemands ayant quitté Lorient suite aux bombardements de l'hiver 1942-1943. Arch. dép. du Morbihan: 18W76, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Auray.

30Seulement trois établissements seraient concernés : L'hôtel de la Gare et des Voyageurs à Auray, le Terminus à Arzon et le Manoir de Goulphar à Bangor. Arch. dép. du Morbihan:  18W76-77, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Auray – Arzon – Bangor.

31 Courrier du 17 février 1941 au préfet du Morbihan. Arch. dép. du Morbihan: 18W100, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Vannes.

32 E. Bouthelier prend officiellement la place de P. Auchet le 30 septembre 1943 suite à la démission de ce dernier (le 19 août). Arch. dép. du Morbihan: 18W32, Organisation et composition de la Commission d'évaluation des réquisitions.

33Son cousin, Marcel Bouthelier, également propriétaire d’hôtels à Auray et Carnac, devient par ailleurs président du Comité départemental d’organisation professionnelle de l’industrie hôtelière au mois de mars 1941.

35 Dans la circulaire n°13 RA du 11 juillet 1941, F. de Brinon évoque cette « lettre du 17 décembre 1940 ». Arch. dép. du Morbihan: 18W3, Instructions ministérielles (1939-1941).

35 L'instruction est reçue le 10 avril par la Préfecture du Morbihan. Arch. dép. du Morbihan: 18W3, Instructions ministérielles (1939-1941).

36 Circulaire du 4 octobre 1941. Arch. dép. du Morbihan: 18W3, Instructions ministérielles (1939-1941).

37 Rapport du 11 février 1942 sur le fonctionnement du service des réquisitions allemandes. Arch. dép. du Morbihan: 18W4, Instructions ministérielles (1942).

38 GRENARD, Fabrice, « Les implications politiques du ravitaillement en France sous l'Occupation », Vingtième Siècle, Revue d'histoire, 2007/2, p.199-215.

39 Instruction 177 RA du 26 janvier 1943 conformément à l'arrêté ministériel du 7 janvier 1943 (Ministre secrétaire d'Etat à l'Economie Nationale et aux Finances). Arch. dép. du Morbihan: 18W5, Instructions ministérielles (1943-1949).

40 Article 1er de l'arrêté ministériel du 16 janvier 1943 (Ministre secrétaire d'Etat à l'Economie Nationale et aux Finances). Arch. dép. du Morbihan: 18W5. Instructions ministérielles (1943-1949).

41 Arch. dép. du Morbihan: 18W29,  Agents administratifs – Dossier Cloérec.

42 Instruction n°261 RA du 13 mars 1944. Arch. dép. du Morbihan: 18W5, Instructions ministérielles (1943-1949).

43 Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

44 Arch. dép. du Morbihan:  18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949), Rapport mensuel sur les incidents survenus avec les Troupes d'Occupation, août 1944.

45 Les circulaires sont numérotées de  « 1 RA » le 7 avril 1941 à « 294 RA » le 6 juillet 1944. Arch. dép. du Mobihan, 18W3-5, Instructions ministérielles (1939-1949).

46 Instruction du 25 mars 1942 – Commentaires allemands Chapitre B – p.35 et Annexe A – p. 24. Arch. dép. du Morbihan: 18W4, Instructions ministérielles (1942).

47 Arch. dép. du Morbihan: 18W98. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Saint-Gildas-de-Rhuys.

48 Arch. dép. du Morbihan: 18W101. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Vannes

49 Arch. dép. du Morbihan: 18W4. Instructions ministérielles (1942), Lettre Az.63 r 12-DI du 17 juin 1943 au ministre des Finances. Arch. dép. du Morbihan: 18W4. Instructions ministérielles (1942).

50 « Dans tous ces locaux, d’importants travaux d’aménagements sont demandés, « toujours dans de très brefs délais », précise le préfet Bouffet ; en un mois, pour prendre un exemple, entre le 15 octobre et le 15 novembre 1942, dans Paris, 182 travaux de réfection ont été effectués – en priorité bien sûr, et alors que les matériaux indispensables manquent pour l’entretien des immeubles. ». MICHEL, Henri, op. cit., p.84.

51 «  En outre si le Gouvernement s’est engagé par la signature de la convention d’armistice à subvenir à l’entretien des troupes d’occupation, les réquisitions de denrées, de matières premières et de matériels ne peuvent être effectuées que pour les besoins de l’armée allemande. Or, il apparaît que les autorités allemandes effectuent des réquisitions qui portent tantôt sur de l’outillage, tantôt  sur des marchandises qui ne sauraient être considérées comme nécessaires aux troupes d’occupation ». Le préfet Henri Piton dans une circulaire aux maires du département, le 15 octobre 1940. Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

52 Dans son rapport du 22 octobre 1940 au DGTO, Henri Piton constate que « les véritables troupes d’occupation acceptent assez volontiers les règlements. Elles remettent des bons de réquisition et en cas litigieux, il est possible d’agir sur elles par l’intermédiaire de la Feldkommandantur. Mais les troupes de passage ou les unités proprement combattantes (aviation par exemple) font montre d’exigences de toutes sortes, réclamant du mobiliersomptueux, tables de thé…Il est impossible de freiner la moindre de ces exigences. On se heurte immédiatement à une mise en demeure ».  Arch. dép. du Morbihan: 18W1. Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

53 Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949), Rapport mensuel sur les incidents survenus avec les Troupes d'Occupation, mars 1941.

54 P. Marage désigne notamment les tableaux et tapis achetés au compte de l’Etat français. Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949), Rapport mensuel sur les incidents survenus avec les Troupes d'Occupation, novembre 1943.

55 Selon la procédure officielle, la préfecture ne doit pas prendre d'initiatives : « En cas de rejet par les autorités allemandes des dépenses payées pour leur compte, il conviendra de procéder comme suit : [soit la préfecture estime qu’ils ont raison et c’est l’Etat français qui paye]. Si la dépense rejetée ne vous paraît pas devoir être supportée par l’Etat français vous saisirez le ministre des finances (Direction de la comptabilité – SCRA) qui, après examen de la question, vous adressera les instructions utiles au sujet de l’imputation définitive à donner à la dépense en litige. » (Instruction n°253 RA bis); néanmoins, en raison de la stérilité de certaines négociations, elle est invitée à anticiper les indemnisations.

56 « Si dans le passé l’on avait procédé différemment, on s’en tiendrait là. Il ne peut être  donné suite à des demandes de remboursements de frais de l’Etat français ». Arch. dép. du Morbihan: 18W5, Instructions ministérielles (1943-1949), Instruction n°252 RA du 16 janvier 1944. 

57 On peut aisément multiplier les exemples. Pour n'en citer qu'un, le 20 août 1941, le propriétaire de la Tour d'Auvergne réclame l'indemnisation de son terrain de tennis utilisé par les occupants. G. De Nouë rejette la requête du fait que le tennis est un « jeu » et propose alors d'appuyer la demande de remboursement auprès de la Feldkommandantur. Arch. dép. du Morbihan: 18W76, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Auray.

58 La réflexion est posée par Henri Michel : « De toute façon c’est l’administration française qui paie[...] et les Allemands, pour plaire à leurs logeurs à moindres frais, ont imposé une augmentation du prix de location. ». op. cit., p. 39.

59 La Maison Holzmann est une entreprise allemande travaillant pour l'organisation Todt. Son bureau lorientais se situe au 84, rue des Belles Fontaines.

60 Rapport mensuel sur les incidents survenus avec les Troupes d'Occupation, août 1941. Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

61« La Feldkommandantur à qui nous avons fait remarquer qu'il ne s'agissait pas de troupes d'occupation, n'a pas voulu accepter la discrimination. Mieux encore des organismes purement privés tels que la Maison Holzmann opèrent directement des réquisitions » Rapport mensuel sur les incidents survenus avec Troupes d'Occupation, avril 1941. Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

62 Modification notifiée dans la circulaire n°265 RA du 25 octobre 1942. Arch. dép. du Morbihan: 18W5, Instructions ministérielles (1943-1949).

63 « La Marine du guerre allemande du port de Lorient, refuse d'appliquer les instructions du Commandant Militaire allemand en France ». Rapport mensuel sur les incidents survenus avec les Troupes d'Occupation, janvier 1942. Arch. dép. du Morbihan: 18W1, Organisation générale et activités du Service des réquisitions allemandes (1940-1949).

64 MARGAIRAZ, Michel, L’Etat, les finances et l’économie : histoire d’une reconversion, 1932-1952, Paris, Imprimerie nationale, 1991, p. 680.

65 En avril 1942, le service des réquisitions allemandes du Morbihan mandatent 9 113 267,60 Francs au titre des dépenses pour le logement et cantonnement des troupes d'occupation, dont 1 560 911,00 Francs consacrés aux indemnités hôtelières. Arch. dép. du Morbihan: 18W11, Situation des dépenses payées au titre du budget Armée d'occupation.

66 « Tandis que dans le Morbihan on discute encore du règlement […] Nous prions M. Le Préfet de le faire appliquer ». Arch. dép. du Morbihan: 18W100. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Vannes.

67 Réunion du 15 octobre. Arch. dép. du Morbihan: 18W100, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels  –  Vannes.

68 Application stricte de l'instruction du 11 septembre, c’est à dire le retrait des abattements en dessous de 20 Francs et des catégories saisonnières, tout en maintenant la détermination du prix moyen de base.

69 Rapport du 4 février 1941. Arch. dép. du Morbihan: 18W100. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Vannes.

70 Arch. dép. du Morbihan: 18W98, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Saint-Gildas-de-Rhuys.

71« Vous aviserez nettement M. Brion que s’il persiste sciemment, ayant été prévenu, à faire de telles déclarations susceptibles de provoquer des erreurs de mes services de comptabilité, je serai forcé de considérer lesdites déclarations comme frauduleuses, car le texte de l’imprimé ne peut prêter à aucune confusion, partout figure le mot ‘chambre’ et jamais ‘tant de lits’ ». Lettre du 4 janvier 1941 du Service des réquisitions allemandes au Maire de Port-Louis. Arch. dép. du Morbihan: 18W94, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Port-Louis.

72 Arch. dép. du Morbihan: 18W101. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Vannes.

73 Arch. dép. du Morbihan: 18W46, Organisation des réquisitions et capacité de logement des troupes d'occupation.Situation du logement et cantonnement à la date du 15 mars 1942.

74 « Le débarquement en Normandie ayant vidé la Capitale d’une partie des troupes, l’administration obtint que 346 réquisitions soient levées (sur les 8046), mais la plupart persistaient, même lorsque les occupants étaient partis, sous prétexte qu’ils pouvaient revenir » - Cité dans MICHEL, Henri, op. cit.,  p.84.
Arch. dép. du Morbihan: 18W46, Organisation des réquisitions et capacité de logement des troupes d'occupation, Le 24 juillet 1942, lettre du Maire de Vannes au préfet du Morbihan.

75 Constat fait à Quiberon notamment le 25 août 1941 par le maire. Arch. dép. du Morbihan:  18W96, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Quiberon.

76 Constat du Maire de Quiberon dans une lettre adressée à la Préfecture le 13 avril 1942. Arch. dép. du Morbihan:  18W96. Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels – Quiberon.

77 Arch. dép. du Morbihan:  18W96, Indemnisation pour les réquisitions d'hôtels –  Quiberon (correspondance).

78 Hôtels La Jetée, La Criée, Des Dunes.

79 Hôtels Chaîne, Beau Rivage, Belle Vue, Hoche, De la Gare.

80 En effet, le nombre d'hôtels réquisitionnés est variable d'un mois à l'autre. Ainsi à Quiberon, en février 1944 15 hôtels ont fait l'objet d'une réquisition contre 11 en mai 1944 … Arch. dép. du Morbihan:  18W46, Organisation des réquisitions et capacité de logement des troupes d'occupation.

81 On peut citer l'exemple du Dolmen de Carnac, occupé par les Allemands du 4 juillet 1940 au 6 août 1944, il est réquisitionné dès ce même mois d’août par des FFI (le 11 pour un soir) puis sans discontinuer du 22 août 1944 jusqu’au 13 juillet 1945 par des officiers alliés et FFI. Arch. dép. du Morbihan: 16W57, Dossiers individuels d'indemnisation – Carnac.

82 La sanction est ensuite confirmée par la Commission départementale d'Epuration du Personnel des Préfectures, réunie le 1er février 1945. Arch. dép. du Morbihan 2W15952 - Pharmaciens, médecins, fonctionnaires, enseignants, sages-femmes, épuration. (1943-1946).

83 Arch. dép. du Morbihan: 18W28,  Agents administratifs – Dossier Boivin.

84 A titre d'exemple, sur les 54 hôtels en activité à Lorient en 1939, seuls 2 sont épargnés. Port-Louis, Hennebont, Larmor-Plage sont touchées dans des proportions similaires. Evanno, Yves-Marie, op. cit., p. 161.

85 Lettre non datée, le mois d’écriture de cette lettre est citée en 1950 par E. Bouthelier. Arch. dép. du Morbihan: 7W281-284. Direction départementale des dommages de guerre – Dossiers E. Bouthelier.