À la recherche de la satisfaction touristique en Bretagne : analyse à partir des enquêtes de presse de 1924 et 1977

 

La Bretagne est assurément une destination touristique de premier choix, et ce depuis longtemps. Mais, au juste, que savons-nous des attentes des touristes qui y viennent en villégiature ? En comparant deux enquêtes, l’une menée en 1924, l’autre en 1977, Johan Vincent mesure l’évolution des pratiques mais aussi des représentations et des exigences.

Par Johan VINCENT

 

En Europe, le secteur touristique apparaît comme une activité économique d’avenir depuis la fin du XIXe siècle. Certes, des encouragements publics sont localement prodigués aux visiteurs depuis les années 1820, comme à Biarritz ou aux Sables d’Olonne, mais ce processus dépasse progressivement le seul intérêt du particulier, spéculateur ou industriel souhaitant garantir son profit avec cette activité en développement. À la fin du siècle, confrontée à une première massification touristique qui a multiplié les lotissements de villégiature, l’opinion est acquise au tourisme. Même un fonctionnaire, comme le conducteur subdivisionnaire des Ponts-et-Chaussées Le Pape, estime en 1898 que « la commune de Tréboul [aujourd’hui, quartier de Douarnenez] ne peut […] que retirer des avantages de l’importance toujours croissante de cette plage en y retenant les étrangers »1, condamnant ainsi la pratique de l’extraction du sable. La professionnalisation de l’activité est enclenchée, ce qui conduit à la création des premiers syndicats d’initiatives, d’abord modestement à Gérardmer en 1875, puis véritablement à Grenoble, à partir de 1889. En Bretagne, il faut attendre 1899 pour que soit créé le syndicat d’initiative Lorient-Vannes et du Morbihan. On assiste également à la spécialisation des agences immobilières, ainsi qu’à l’installation de nouveaux commerçants2.

Carte postale. Collection particulière.

Au XXe siècle, il devient inconcevable de ne pas tenir compte des avis des visiteurs. Le maire des Sables d’Olonne se plaint d’ailleurs de leur exigence en 1912 : « Les stations balnéaires, en général, ne sont pas très riches. Cependant, ceux qui les fréquentent les veulent toujours plus confortables, luxueuses même »3. Pourtant, aucune entité gouvernementale – ministère, secrétariat d’État – n’est encore dédiée à ce secteur économique. Seuls l’Office national du Tourisme, depuis 1910 et avec peu de moyens, et des associations – groupements de cyclistes dans les années 1860-1890, Touring Club de France depuis 18904 –, ont comme objectif principal le développement du tourisme. Après la Grande Guerre, les journaux commencent à se préoccuper de cette clientèle. Le 8 août 1924, le journal L’Ouest-Éclair lance une enquête de satisfaction touristique auprès de ses lecteurs, et tout particulièrement auprès de ses lecteurs occasionnels qui villégiaturent dans l’Ouest de la France. Le journaliste A. Moureux explique que :

« certes, notre région, la Normandie, la Bretagne, la Vendée, le Maine et l’Anjou sont des centres touristiques – Oh le vilain mot ! – de renommée mondiale et depuis longtemps aménagés en vue de recevoir de nombreux hôtes à la belle saison mais, si l’on doit reconnaître que de grands efforts ont été faits pour attirer et retenir le touriste, il n’en n’est pas moins vrai qu’il reste encore beaucoup à faire ! »5

Cinquante ans plus tard, en 1977, le journal Ouest-France, qui a succédé à L’Ouest-Éclair, s’interroge à nouveau sur le tourisme et ses formes, dans une série « Les touristes, pour le meilleur et pour le pire ». Entre-temps, le tourisme s’est massifié, fortement depuis le milieu des années 1950, avec l’extension des congés payés et du salariat, la démocratisation des modes de transport, la part croissante des populations urbaines.

Que peuvent nous apprendre deux enquêtes de satisfaction touristique séparées de plus de 50 ans ? Ce gouffre temporel immense, si l’on se réfère à la chronologie des vacances balnéaires (en France, 250 ans d’histoire environ), n’est-il pas préjudiciable à un rapprochement ? Ces enquêtes montrent pourtant une certaine permanence des jugements sur des aspects du phénomène. Jusqu’à quel point des états d’esprit diamétralement opposés vis-à-vis de l’activité touristique s’effacent-ils face à des évolutions sociales de long terme ? Ces enquêtes sont, pour chacune, le produit de leur époque, mais elles ont pour objectif principal l’accueil grandissant des touristes, sous surveillance, de peur d’y perdre son âme. Comment dévoilent-elles ce basculement vers l’industrie balnéaire, dont nous sommes les héritiers ?

 

États des lieux des enquêtes de 1924 et 1977

Les deux enquêtes présentent des différences importantes dans leur forme, qui influent partiellement sur le fond du discours.

Pas la même prise de parole

Les deux enquêtes ne se développent pas de la même façon : celle de 1924 est un échange de correspondances, où les estivants sont invités à dire les avantages et surtout les améliorations possibles – c’est-à-dire les défauts – dans les territoires qu’ils fréquentent ; alors que celle de 1977 est une synthèse journalistique s’appuyant sur des débats citoyens, des interviews. Les correspondances de 1924 sont publiées à compter du 10 août pour une durée initiale de six jours. Comme le journal continue d’en recevoir après cette date, la rédaction décide de poursuivre la publication de l’enquête jusqu’au 29 septembre. L’édition du 1er octobre est l’occasion de publier un article critique sur la Bretagne, paru dans le Sunday Express du 9 août, et de clore ainsi le cycle. Trente-deux éditions comportent ainsi une ou plusieurs colonnes sur « Une petite enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme », d’abord en première page, puis en deuxième page. La majorité des propos concerne une commune en particulier et des droits de réponse sont parfois insérés, comme c’est notamment le cas avec les maires de Binic, de Saint-Lunaire, de Tréboul, ou certains professionnels (hôteliers, restaurateurs, directeurs du syndicat d’initiative). Le journal commente parfois les faits exposés et conserve dans une sous-rubrique « Boîte aux lettres » ses réponses aux demandes de renseignements complémentaires ou aux missives trop injurieuses. Un individu, signant « Un de la butte » (sans doute de la butte Montmartre), est ainsi invité, le 12 août, « puisque la Bretagne et les Bretons [le] dégoûtent, [à retourner] à Paname. Vous avez un train très commode : Roscoff, départ 7 h. 32. On tâchera de se passer de vous. » Si le lecteur a droit à de larges pans de lettres au début de l’enquête, le journal réalise à partir de la mi-septembre une synthèse des propos reçus.

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Dans l’enquête de 1977, le ton est différent : les trois numéros de la série « Les touristes, pour le meilleur et pour le pire » sont thématiques et paraissent en page 5, du 6 au 9 août – le premier article est paru dans une édition du week-end. Le premier focus pose la question des bienfaiteurs en espadrilles ; le deuxième se demande pour qui est la « bonne saison » ; le dernier constate que le maire ne bénit plus les promoteurs. Les journalistes Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi mentionnent vingt personnes, parfois plusieurs fois, et se rapportent fréquemment à un rapport que le Comité Économique et Social vient de faire paraître, le 8 février : L’association des populations résidentes au développement du tourisme en France, par Pierre Bailly. Ces citations servent soit à commenter les propos des intervenants, soit à appuyer leurs propres propos.

Pas la même généralisation mais déjà dans la perspective du tourisme de masse

Les correspondants de 1924 s’approprient l’enquête, au point de laisser transparaître leurs ressentiments :

« Tout cela n’intéresse pas les gens riches, nouveaux et anciens, pas plus que les personnes qui profitent du change. Il n’en est pas de même pour les petites bourses qui, toute l’année, ont économisé pour se permettre pendant quelques jours le bienfait des bords de la mer. Ceux-ci ont le devoir de se défendre. »6

La massification du tourisme tout au long du XXe siècle n’a pas entraîné la disparition d’un certain nombre de problèmes dénoncés par ces « petites bourses », dénonciation qui est la source d’autres enjeux plus globaux. Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset s’en fait l’écho dans son ouvrage La rebelión de las masas, paru en 1930 (en 1937 en français). Il critique l’irruption des masses dans l’espace public : avec elles, tout devrait être soumis au consensus démocratique, quand « l’homme-masse » ne se croit pas meilleur que les autres mais surtout nie que les autres soient meilleurs que lui. Selon cet auteur libéral et conservateur, dont les thèses ont fait débat, cet homme nouveau n’a que des droits et pas d’obligations. Il s’agit d’un nouveau consommateur, relativement grégaire, particulièrement informé sur les aspects économiques, plus que sur les aspects culturels7. Mais les masses ne sont pas les seules « coupables » de cette prise de parole, puisque c’est ici le journal L’Ouest-Éclair qui les invite à s’exprimer sur les aspects du quotidien, ces sujets considérés auparavant comme « vulgaires » (dans le sens : ordinaire, prosaïque, bas, commun). Sur les 278 arguments développés au cours de l’enquête de 1924, 209 éléments concernent des aspects pratiques (surtout relatifs à la route, à l’hygiène, au confort), 48 des aspects économiques (en particulier la cherté de la vie) et 21 des aspects culturels (dans une acception large). Dans les années 1960, Joffre Dumazedier remarque encore ce décalage entre une réalité s’orientant vers une « civilisation du loisir », basée sur le loisir des masses au quotidien, et un discours ambiant porté par les élites, toujours centré sur le travail8.

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Un traitement journalistique est intervenu dans les deux enquêtes, afin de laisser la place aux propos qui ont semblé les plus pertinents. Or chacun de ces journalistes possède une personnalité marquée. Le journaliste A. Moreux – sans doute Athanase Moreux, né en 1875 – lance l’enquête sans que l’on sache s’il a par la suite centralisé les réponses, bien qu’elles lui soient adressées. Les commentaires du journal ne sont pas signés. Après avoir été rédacteur en chef à L’Ouest-Éclair, il écrit au moment de sa retraite plusieurs ouvrages, notamment sur le peintre Lucien Seevagen et sur les îles ; puis à partir des années 1940, il peint sur l’île de Bréhat. Il meurt en 1959. Jean-Dominique Boucher, ancien jeune résistant, est journaliste à Ouest-France depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. À partir des années 1980, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le Tiers-Monde. Jean-Charles Perazzi est un journaliste chargé de suivre l’actualité de la Bretagne depuis 1970 – ce qu’il fait jusqu’en 1995. À partir de 1980, il est l’auteur de divers volumes sur les mouvements environnementaux, ainsi que des romans dénonçant l’urbanisation et la spéculation9. Il est difficile de déterminer quelle influence les convictions de ces journalistes ont pu avoir sur l’issue de leur enquête, mais on peut estimer qu’ils ont su s’impliquer, en toute bonne foi, sur des sujets qu’ils souhaitaient défendre.

Pas exactement les mêmes objectifs

Les deux enquêtes ont des objectifs différents. En 1924, il s’agit d’améliorer l’offre touristique dans un contexte foisonnant d’initiatives. Elle est ainsi justifiée :

« En répondant aux questions que nous avons posées, nous sommes assurés que nos lecteurs occasionnels contribueront heureusement au développement de cet art aimable et délicat de l’hôtellerie dans une région dont ils apprécient les beautés naturelles. Ils y gagneront l’an prochain, sinon immédiatement, des conditions de séjour meilleures, car il n’est pas douteux que leurs remarques et leurs suggestions seront mises à profit par la majorité des hôteliers, aubergistes logeurs et restaurateurs qui nous lisent. Les municipalités elles-mêmes, les compagnies de chemins de fer ou de navigation prendront connaissance des vœux du public qu’elles ont tout intérêt à satisfaire. […] Nous voulons rendre service à l’industrie hôtelière et aux touristes, sans plus. »10

Durant l’entre-deux-guerres, de multiples « entrepreneurs du dépaysement », pour reprendre une expression de Jean-Yves Andrieux et Patrick Harismendy11, œuvrent pour organiser les pratiques touristiques. La figure d’Octave-Louis Aubert, entre autres, promoteur de la revue La Bretagne touristique parue de 1922 à 1939, président de la Fédération des syndicats d’initiative bretons et représentant des hôteliers bretons, est de ce point de vue révélatrice pour la Bretagne12. Son action s’inscrit dans un processus de construction territoriale, en parallèle d’un dessein national désormais mieux fixé. La première massification touristique de la fin du XIXe siècle, associée aux premiers congés payés qui se popularisent dans les années 1920, augmente le vivier de visiteurs. L’argent et l’atmosphère des Années folles augmentent l’attrait pour de nouveaux territoires à découvrir, par l’intermédiaire notamment des croisières Citroën, ou la fondation de stations balnéaires : Lorient-Plage à partir de 1919 et Sables-d’Or-les-Pins à partir de 1923, par exemple.

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En 1977, il s’agit de réfléchir sur les formes prises par l’offre touristique, dont le développement ne paraît plus en adéquation avec les désirs de la société. L’activité touristique a continué de croître, tant en profits qu’en affluence. La société de loisirs est fermement liée aux vacances, pour lesquelles les Français bénéficient de quatre semaines de congés payés. Les révolutions techniques de la voiture et de l’avion amènent le touriste où il le souhaite, ou presque. Le contexte commence pourtant à changer et certains projets touristiques se trouvent déstabilisés. Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi doivent tout de même préciser l’incongruité apparente d’un tourisme remis en question :

« Et en plein été. C’est un débat qu’on n’aurait pas imaginé, voilà quelques années encore. Alors, tout le monde, il était beau. Surtout le vacancier. Maintenant, beaucoup s’interrogent. Comme ce soir à l’Aberwrac’h. Côte à côte sur leurs chaises, l’estivant et l’autochtone se regardent. Qu’est-ce que l’un apporte à l’autre ? Ce sera aussi le thème de cette rapide enquête. Le sujet n’est plus tabou. »

Cette prise en compte médiatique fait écho aux débats politiques qui, à l’occasion des municipales de mars, ont récupéré la thématique des enjeux environnementaux devenus prégnants au sein de la société française depuis le début des années 1970. Lors de son discours au Palais des Arts de Vannes le 8 février 1977, le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, se demande :

« À quoi servirait d’ouvrir le littoral à tous s’il devenait un champ de détritus ? À quoi servirait d’encourager les activités marines si, en même temps, la pollution les entravait ? À quoi servirait de vouloir des plages libres si des murs de béton s’édifiaient partout ? À quoi servirait de vouloir une nature authentique si des constructions dispersées mitaient les paysages jusqu’à les faire disparaître ? »

Pour lui, le littoral doit être mis en valeur mais il doit aussi être protégé. C’est aussi le constat de Robert Poujade, premier ministre de l’Environnement (1971-1974), à travers son livre-bilan paru en 1975 . Plusieurs opérations immobilières sont ainsi stoppées , l’enquête de 1977 relevant l’abandon aux Moutiers-en-Retz d’un lotissement de 170 maisonnettes Merlin, le promoteur iconique de l’époque.

 

Une volonté commune : améliorer l’accueil des touristes

Malgré leurs différences, les deux enquêtes recherchent un même objectif : l’Ouest de la France doit mieux recevoir les touristes, en espérant de façon sous-jacente qu’elle les recevra en plus grand nombre. Les choix à opérer ne se font pas sans débats.

Des stations touristiques dignes des standards urbains

À partir du début du XXe siècle, les visiteurs attendent de leur lieu de séjour un confort similaire à celui qu’ils viennent de quitter dans les villes. La circulaire du ministre de l’Intérieur du 18 juillet 1908 invite les municipalités des stations balnéaires à prendre toutes les mesures d’hygiène utiles dans l’intérêt supérieur de la santé publique. En 1912, une autre enquête ministérielle porte sur les conditions d’alimentation en eau potable et évacuations des matières usées dans les communes de plus de 5 000 habitants ou recevant une population saisonnière17. Ces problèmes récurrents préoccupent les autorités mais la situation évolue lentement, notamment parce que les communes n’ont pas les crédits nécessaires : la taxe de séjour, appelée dans un premier temps « cure-taxe », n’est votée qu’en 1910 ; l’échelon local ne récupère l’exclusivité des produits des outils de fiscalité nés de la Révolution française – devenus aujourd’hui la fiscalité locale – qu’au début du siècle18. Les attentes sont donc en décalage avec les moyens des stations balnéaires, malgré les lois de 1919 et 1924 sur l’urbanisme, l’embellissement et l’extension des villes. En 1924, un touriste de La Trinité-sur-Mer observe :

« Il y a vingt ans, le touriste arrivait avec armes et bagages, descendait pour trente jours de la patache cahotante et se contentait du changement d’atmosphère et de ses habitudes parce qu’il payait toujours un prix inférieur à celui de son habitat d’origine. Aujourd’hui, ce même touriste a voyagé dans d’autres contrées, porteur de guides multicolores, très fréquemment en auto, il se fixe moins. »

Il poursuit, insistant sur les préoccupations des touristes en Bretagne :

« Que vos hôteliers et aubergistes bretons fassent, sous la direction de L’Ouest-Éclair, un voyage d’études, qu’ils aillent se rendre compte de ce que l’on peut faire avec peu d’argent dans des pays moins favorisés, et ils verront que s’ils voulaient, ils pourraient non seulement attirer le tourisme mais le retenir. »19

La saleté générale, les tas d’immondices qui s’étendraient constamment sur les bords des rues, l’absence d’eau courante, d’électricité, de service de gaz, sont régulièrement rappelés en 1924. Il y a même une certaine surenchère : un habitant de Saint-Pierre-Quiberon affirme que « si l’on se plaint, à juste titre, du mauvais entretien de Quiberon, que ne peut-on pas dire de Saint-Pierre-Quiberon. Sur la plage s’écoule un égout provenant des eaux corrompues d’un lavoir et d’une usine de conserves. »20 Près d’un quart des stations balnéaires bretonnes effectuent des projets d’aménagements en lien avec les lois de 1919 et 1924 mais nombre d’entre eux sont abandonnés dans les années qui suivent21.

Carte postale. Collection particulière.

Un hôtelier du Croisic tempère l’avidité de confort des villégiateurs :

« Vous avez un nombre assez important d’arrivants qui tombent à la renverse ou semblent revenir de Pontoise quand on leur parle des prix pratiqués dans la maison. Ceux-là ont la prétention de croire que leur billet de cent sous vaut vingt-cinq francs. Bien entendu, ils sont anéantis quand ils voient qu’il n’y a pas d’ascenseur, d’eau chaude et froide courante, de salle de bain à chaque chambre. Le pays d’où ils viennent est toujours bien meilleur marché, et le palace de Landebia ou de Saint-Thégonnec (où ils ont passé trois mois) est supérieur à l’hôtel où ils arrivent. »22

D’autres s’en contentent, comme ce V. séjournant dans la ville normande de Granville, pour qui « c’est la vie à la campagne »23. On pourrait penser que le confort moderne qui s’est diffusé en France a satisfait le touriste dans le dernier quart du XXe siècle mais les contrariétés donnent lieu à des scènes de révolte de la part des visiteurs : Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi énumèrent des cas de vacanciers privés d’eau assiégeant littéralement une mairie ou d’automobilistes menaçant de mettre le feu à la charrette de paille d’un paysan24.

Des facilités illusoires pour parvenir aux sites touristiques

L’accessibilité des stations touristiques est un problème constant. En 1977, Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi évoquent une ville de vacances de l’Atlantique submergée, atteignable « par une voie assez étroite où l’automobiliste fait du dix à l’heure à l’époque des grands encombrements »25. En 1924, les critiques sont multiformes : l’état des routes catastrophiques, la vitesse de circulation trop rapide dans certains villages, le manque de panneaux routiers. Toutes ces critiques s’apparentent à la formulation des modèles qui émergent à partir de la fin du XIXe siècle, en particulier de la part du Touring-Club de France. Cette association, créée en 1890, élabore des règles collectives d’utilisation de la route, au détriment des usagers traditionnels, charretiers ou paysans : l’espace national est aménagé comme espace de loisirs. Elle prend également en charge des actions d’intérêt collectif qui ne font pas, à l’origine, partie des fonctions de l’État26 : la protection des sites – mieux prise en compte avec les lois de 1906 (patrimoine naturel) et de 1913 (patrimoine bâti) – et la modernisation de l’hôtellerie. Elle est également à l’origine des premières routes touristiques en France : le long de la corniche de l’Estérel, inaugurée en 1903, la Route des Alpes, inaugurée en 1937 après 28 ans de gestation et celle des Pyrénées27. Un lecteur propose d’ailleurs qu’une route de ce type soit élaborée du côté de Dinard et des bords de la Rance28.

Dinard. Carte postale. Collection particulière.

Les auteurs, dans les deux enquêtes, pointent l’inadaptation de la campagne avec les pratiques urbaines. Mais si la campagne a ses défauts, ceux de la ville ne sont pas oubliés. En 1924, c’est notamment la vitesse automobile qui inquiète. Le premier véritable code de la route, avec permis de conduire – et non plus certificat de capacité – est établi le 31 décembre 1922, abrogeant toute limitation de vitesse pour les véhicules légers, limités depuis 1899 à 30 km/h en campagne ; en ville, en revanche, des arrêtés municipaux continuent de fixer des limitations. Si nous tenons compte des différents échos, la campagne est décrite comme un quasi-Far West, où les automobilistes foncent sans considération pour les habitants, tandis que les routes apparaissent paradoxalement dans un état déplorable29. Il n’existe pas encore de politique routière pour drainer la circulation vacancière comme on en connaît dans la seconde moitié du XXe siècle : création de l’autoroute du Soleil à partir de 1960 ; aménagements routiers aux abords des stations balnéaires du Languedoc avec la Mission Racine, mais aussi de l’Atlantique avec une Route Bleue limitée finalement à la Loire-Atlantique30. Dans l’entre-deux-guerres, la politique routière se concentre essentiellement sur l’enrobage des routes déjà créées, favorisant l’éclosion de sociétés spécialisées pour ces travaux routiers en béton ou bitume31. Cependant, à partir des années 1970, c’est le système urbain du tout-automobile qui est critiqué : l’économiste Alfred Sauvy vitupère contre une production automobile démentielle depuis la Seconde Guerre mondiale, faisant office « d’engrais psychologique » pour les masses – en particulier les paysans – mais sans relation avec l’espace nécessaire pour faire rouler les véhicules, à Paris du moins32. À cela s’ajoute l’irrégularité des flux de circulation – saturation quelques jours dans l’année – et la géographe Yvette Barbaza ne peut que constater un « bilan de l’action des mouvements touristiques sur l’organisation de l’espace intermédiaire entre aires de départ et d’accueil […] rarement positif »33.

Des investissements touristiques devenus vraiment nécessaires ?

En 1924, quelques lettres font part de souhaits d’un essor plus important de l’activité touristique. Trois motivations surgissent : la fierté régionale, l’aspect pratique, le tourisme rural. Villégiateur depuis vingt-cinq ans, le journaliste André de Fouquières estime que Dinard n’est pas encore à son apogée. Il encourage les compagnies de chemin de fer, mais aussi les journaux – en particulier L’Ouest-Éclair –, à faire la publicité nationale de la station, puisqu’il estime que la renommée internationale est déjà acquise : « il faut semer pour récolter »34. Il espère peut-être bénéficier indirectement de l’aura bientôt fashionable du lieu qu’il connaît depuis si longtemps. Quelques jours plus tard, un hôtelier renchérit sur le rôle déficient de la presse régionale en matière de tourisme35. À Saint-Brieuc, R. Genisset est sans doute moins désintéressé : il est satisfait des aménagements et du site de la plage du Rosaire, mais, selon lui, « il faudrait augmenter les habitations, la place ne manque pas ; et des familles amies ne seraient pas dans l’obligation de se séparer... Ne pourrait-on pas aider à cette évolution que la ville de Saint-Brieuc ne peut que désirer ? »36. Quelques personnes réclament des panneaux indicateurs, soit pour mieux signaler la route à suivre, soit pour informer sur les richesses patrimoniales locales, comme le temple de Mars de Corseul inconnu des cent automobilistes journaliers qui passeraient à proximité37. Quant au Parisien victime d’une panne automobile et ainsi « découvreur » de Guerlesquin (Finistère), il se plaît à imaginer du tourisme rural :

« Comme j’engage les Parisiens à connaître non seulement les plages de Bretagne, mais l’intérieur, les admirables hautes terres de l’Arrez, et des pays voisins de l’Arrez. Et pourquoi n’y ferait-on pas séjour ? […] L’idée ne serait-elle pas bonne de prendre un pareil patelin pour centre d’excursions, en bicyclette ou voiture ? Dans un pays de douce paix, cure de repos pour l’âme, le corps et le porte-monnaie. Baigneurs qui sur la côte ne prenez pas de bains, je vous recommande la panne de Guerlesquin. »38

Chacun réclame une réelle prise en compte de l’activité : il convient de passer d’un tourisme de cueillette, quand le visiteur s’y déplace naturellement – bien que des efforts soient consentis depuis le XIXe siècle –, à une véritable culture touristique.

Guerlesquin. Carte postale. Collection particulière.

L’enquête de 1924 se place délibérément dans cette optique puisque L’Ouest-Éclair se croit dans l’obligation de répondre à un agent de location de Val-André dans son édition du 13 août :

« Cette prospérité est en partie factice : notre change favorise la venue des étrangers chez nous au détriment de la Suisse et des plages anglaises. Mais tout ceci n’aura qu’un temps si l’on ne fixe pas cette clientèle. Et l’on ne la fixera qu’en lui donnant satisfaction, c’est-à-dire en lui procurant ce qu’elle réclame : des transports faciles, le confort de l’habitation et surtout et avant tout, de l’hygiène. Propreté des rues, propreté des quais et des plages, propreté des hôtels, des villas, des meublés, et de l’eau, de l’eau, voilà ce que réclament les touristes. »38

Plusieurs lecteurs estiment que ces initiatives permettent de mieux exploiter les ressources naturelles du pays, afin d’accroître l’entrée de devises étrangères dans le pays, d’améliorer la tenue du change, et ainsi de baisser le coût de la vie. La situation financière de la France est en effet précaire, puisqu’après la victoire du Cartel des gauches aux élections législatives de juin, le gouvernement Édouard Herriot déplore une trésorerie peu abondante et peu florissante. Or la crise monétaire, qui a débuté en octobre 1923 mais qui s’est estompé au printemps suivant, reprend40. I. Hermanière, confronté à un manque d’adduction d’eau à Roscoff, estime qu’il faut retenir le touriste, tandis que Bupin Boisdenet, pourtant ravi à Bénodet, est plus menaçant :

« Il faut crier gare à nos amis les Bretons et à leurs municipalités. Beaucoup de familles ont séjourné en Suisse avant guerre et pourraient y reporter leur clientèle quand le change sera stabilisé. Certes la cuisine suisse est la cuisine « omnibus » (je veux dire sans saveur), mais cette eau, cette propreté, ce service ponctuel, la sévérité des municipalités, font que les séjournants s’y trouvent bien à l’aise. Bretons, retenez-nous ! »41

 

Une vision critique du tourisme ?

Le tourisme, perçu comme une activité d’avenir, est également une source d’inquiétudes de la part des populations : les locaux mais aussi les visiteurs, qui voient se transformer le pays, non sans interrogations.

Des excès touristiques précocement dénoncés

Que tout soit fait pour la saison touristique et uniquement pour elle est une critique fréquente dans les années 1970. Le Comité départemental de développement et d’aménagement du Finistère, en mesurant les « coûts inhérents à l’invasion touristique », conclut que « l’impôt sur les ménages permanents est d’autant plus élevé que la commune est touristique ». Pour les journalistes Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi, la rentabilité tend à être nulle ou négative dès que des seuils sont dépassés42 – sans préciser quels sont les niveaux de seuil. Dans les deux cas, le tourisme apparaît comme un gisement à exploiter mais pour lequel les investissements devraient être questionnés, car pouvant être d’un montant rédhibitoire. En 1977, un vacancier, Charles R., ancien inspecteur du Trésor retiré dans l’une des principales stations du Sud-Bretagne, ajoute : « exactement comme s’il s’agissait du minerai d’un pays du Tiers-Monde »43. Or, cette activité apparaît désormais limitée. Les 12 000 emplois permanents, comparés à l’effectif nécessaire pour une usine Citroën, sont pour partie liés au tourisme : ce chiffre englobe des secteurs qui fonctionnent à l’année, avec d’autres vecteurs d’activité, comme la restauration et l’hôtellerie ou les métiers du bâtiment. Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi condamnent ce « loisir […] gros consommateur de pierre et de béton »44.

Au XXe siècle, avec la poursuite du développement de l’activité touristique, les profits sont présentés comme le pendant pertinent des investissements consentis. En 1977, Alphonse Boulbain, représentant du tourisme au Comité économique et social, précise que les recettes touristiques en Bretagne avoisineraient les dix milliards de francs. Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi s’empressent de douter de ces chiffres, présentés comme grossiers car incluant des prestations générales45. Le tourisme n’est pas qu’une affaire financière : son influence est totale, sur les sociétés comme sur les sites. Ce débat est ancien. Dès l’essor de l’activité touristique, certains observateurs sont sensibles aux conséquences sociales et économiques. En 1924, après avoir donné quelques conseils pour Batz-sur-Mer, un lecteur tempère ainsi ses envies :

« Mais, Monsieur le Rédacteur en chef, permettez-moi de vous faire une confidence. Si Batz avait un service d’eau, si Batz avait des voies parfaitement entretenues, si Batz avait encore un tas d’autres choses qu’il n’a pas, quelle avalanche de baigneurs ! Il y en a déjà trop à mon gré. Quelle hausse des prix qui deviendraient prohibitifs pour moi. Des palaces s’édifieraient, de nouvelles villas sortiraient de terre et l’on jetterait bas cette bonne vieille maison où je reçois l’hospitalité, toutes les bonnes vieilles maisons qui font un cadre si pittoresque à l’église encore plus vieille et dans ce tourbillon seraient emportées toutes les fines coiffes qui seyent si bien aux jolies filles de Batz. Un joli site, les modes d’antan, tout le charme du passé seraient balayés par la vague. J’exagère sans doute, Monsieur le Rédacteur en chef, mais j’ai si peur que, sous prétexte de confort, certaines gens interprétant mal l’excellente pensée qui a inspiré votre enquête, ne portent atteinte à ce qui fait la beauté de votre pays, la raison d’être du tourisme. »46

Cette critique est également présente chez certains romanciers, comme Henri-François Buffet qui accuse son héroïne parisienne Lucienne d’avoir dérangé par ses caprices de confort les vieilles habitudes et la beauté de Port-Louis47. Cinquante ans plus tard, Alphonse Boulbain, représentant du tourisme au Comité économique et social, lui rétorquerait que cette industrie a des nuisances, comme toute industrie.

Carte postale. Collection particulière.

En 1977, les journalistes craignent que la culture soit également devenue un objet de consommation pour le touriste. Si les initiatives se multiplient pour faire découvrir le « vrai folklore », il convient de résister aux desiderata extérieurs. Ils font témoigner une jeune femme appartenant à un groupe breton, harcelée par les photographes amateurs en vacances, qui a le sentiment de bientôt devoir faire un strip-tease pour eux : « remarque, ça prendra du temps avec les habits bretons », conclut-elle avec humour48. Pour André Chevrillon, dès 1930, le verdict est implacable :

« Des forces inéluctables sont à l’œuvre par le monde, dans l’Orient le plus lointain comme dans nos provinces, détruisant partout, avec les antiques croyances, des formes de vie, d’art et de société spontanément apparues […]. De plus en plus vite, les mille couleurs naïves qui diversifiaient les floraisons humaines s’effacent sous l’uniformité grise de la civilisation nationaliste et utilitariste, en même temps que par un autre effet de ses conquêtes, se dégrade le visage même de la nature. »49

Or la production d’une identité locale des lieux et des hommes est intimement liée au besoin de présenter une image synthétique à l’Autre. Quand l’anthropologue Franck Michel invite à se méfier de ce qu’il appelle le « terroir-caisse que représente parfois un tourisme trop exclusivement axé sur la préservation de l’identité locale – au risque de la geler – et sur les promesses de rapides rentrées touristiques, en pax comme en cash »50, il faut admettre que la Bretagne, comme d’autres régions en France, vit selon ce principe depuis plus d’un siècle.

Un paysage breton, maritime et/ou touristique ?

La tendance mono-active du tourisme interroge les journalistes en 1977. Reprenant une expression du géographe nantais Jean Renard, elle stérilise les activités agricoles et certaines activités côtières51. À travers l’exemple du littoral entre Loire et Gironde, Jean Renard s’inquiète d’une initiative privée souveraine : « l’urbanisation d’une grande partie du littoral et la disparition corrélative d’un grand nombre d’exploitations de hameaux sont des phénomènes irréversibles, ce qui ne signifie pas que le laisser-faire intégral soit à prôner »52.

Le paysage en sort transformé. Cette impression est concomitante de l’expansion touristique à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, quand l’urbanisation se propage. L’historienne de l’art Dominique Rouillard qualifie même ce phénomène, commencé dans les années 1840 en France, avec une accélération dans les années 1860, comme une entrée « en état d’excitation » de la vente du littoral53. En 1924, un certain A. P. s’exprime :

« J’ai visité la Bretagne pour la première fois en 1901. Je l’ai revue souvent depuis. En 1920, j’eus l’impression qu’elle changeait de visage. Aujourd’hui, j’en suis sûr. Je ne parle point de la disparition du costume dont le pittoresque agrément plaisait tant aux curieux de couleur locale. J’entends le dommage cruel causé aux harmonieux paysages par la hache du bûcheron. Qu’on délande soit ! mais qu’on déboise avec cette rage sacrilège, que les plus beaux arbres de France soient victimes des vandales, cela ne se conçoit pas sans un serrement de cœur quand on aime la Bretagne. Les touristes de l’Agence Cook répondront peut-être d’autre manière à votre première question [sur la satisfaction du séjour]. Pour moi, je ne puis que regretter le temps où j’étais satisfait… sans chagrin, sans révolte, sans inquiétude pour l’avenir des grands bois frémissants dont la molle épaisseur m’était une amie. »54

Pour l’historien Jean Viard, bien qu’il place son propos dans la perspective de la mobilité effective des hommes des années 1990, la charge des identités collectives est dorénavant portée par le territoire-paysage esthétisé plus que par les communautés d’habitants – avec en contre-feu des mouvements extrémistes identitaires55. Cette hypothèse s’avère avoir des racines centenaires. Dès 1903, le Touring-Club de France explique qu’un bon sujet de photographie se résume généralement à un paysage, toujours plaisant. À partir des années 1920, lorsque l’illustration de la revue devient systématique, les paysages (vides d’individus), notamment les vues de rivière et de bord de mer, seront les plus fréquents, la représentation de personnages n’intervenant qu’en second rang56.

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Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi espèrent une cohabitation des activités traditionnelles et des activités saisonnières, la fin des villes mortes l’hiver, la fin du « regard un peu dégoûté de ce maire d’une station normande en renom devant la verrue que constitue la vieille usine dans le champ des résidences de haut standing ». Ils souhaitent ce qu’ils appellent le « tourisme intelligent »57. Le concept est déjà assez ancien et Hans Magnus Enzensberger, tout en constatant une dénonciation presque séculaire du tourisme, observe – en 1962 – que cette « tentative radicale en vue de briser les barrières inhérentes au tourisme s’annonce dans les considérations de promoteurs et de touristes intelligents qui veulent en finir avec le rite sacro-saint du sight-seeing », en proposant le life-seeing, c’est-à-dire le partage de la vie quotidienne des habitants58. Les propos de A. P., Jean-Dominique Boucher et Jean-Charles Perazzi, se trouvent au cœur du marché paradoxal du tourisme : il convient de valoriser la proposition touristique et, en même temps, il faut produire un déni des caractéristiques marchandes des services et une relation enchantée au monde social59.

Un tourisme au profit de qui ?

Un lecteur écrit à Ouest-France pour se plaindre de l’enfer touristique :

« Avachissement des corps et des esprits, surpopulation, promiscuité, pollution, ravages sur le littoral, saccage des côtes, air irresponsable des gaz d’échappement, bouchons, embouteillages, accidents, bruits, tapage jour et nuit, énervement, agressions, relations sociales tendues ou impossibles, surmenage à ne rien faire. »60

La rupture de l’équilibre soucie même le Conseil Économique et Social, qui, sous la plume de Pierre Bailly, s’attarde dans un rapport sur les tensions nées après la première période d’euphorie touristique61. Dans les années 1970, on en vient à douter du tourisme. Ce qui préoccupe, c’est que le pays se vende, un propos tenu par un économiste à l’Aber-Wrac’h, pour qui ce geste « est grave »62. C’est finalement tout le débat autour des formes du tourisme que nous retrouvons aujourd’hui et depuis quelques dizaines d’années, mais pour les pays dit « du Sud ». Georges Cazes et Georges Courade, dans le numéro qu’ils coordonnent pour la Revue Tiers Monde en 2004, évoquent les « bulles vacancières » et les « faces cachées du développement par le tourisme au Sud »63. Dans le même numéro, pourtant, Sébastien Condès observe que si certaines conditions de base – sécurité, attraits culturels ou géographiques – sont remplies, le tourisme apparaît comme un axe et un enjeu majeur de développement pour les populations locales – avec un rôle important de l’État et des entrepreneurs touristiques64. Le propos des journalistes d’Ouest-France est publié au moment où l’appréhension du tourisme change au niveau mondial : conçu préalablement comme ce véritable moteur de développement, de la même façon que le fût l’industrie lourde pour l’Europe, selon le responsable du tourisme à la Banque mondiale en 1968, le tourisme est ensuite dénoncé comme une politique impérialiste, notamment pour ses conséquences socioculturelles (colloque sur l’impact socioculturel du tourisme organisé en 1976 par la Banque mondiale et l’Unesco). Le discours de la réciprocité est dorénavant remplacé par le discours de l’opposition65. Il n’est d’ailleurs pas anodin que, dans la seconde moitié des années 1970, le tourisme, auparavant dépendant des ministères des Travaux Publics et des Transports, puis de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire (1968-1974), passe aux ministères de la Qualité de la Vie (1974-1977), de la Culture et de l’Environnement (1977-1978), de la Jeunesse, des Sports et des loisirs (1978-1980). Les deux enquêtes de 1924 et de 1977 sont donc les deux versants de l’appréhension du tourisme par leurs contemporains, chaque grande tendance étant traversée par des courants minoritaires. Le tourisme redevient un secteur économique devant rapporter des devises dès 1983 et la mise en place de la politique de rigueur66.

Dans les années 1970, les populations locales sont en même temps vouées à la contrition. Dans des territoires peu riches qui commençaient à devenir touristiques, elles se sont adaptées pour capter une partie de la manne. Jean-Pierre L. explique que « l’été, chacun essayait de faire le maximum d’argent avec les vacanciers. Nous, les jeunes, les premiers. On bricolait, on faisait des petits métiers. On apprenait à aimer le fric… »67 Or, au même moment, des chercheurs comme Claude Lévi-Strauss ou Edgar Morin examinent la vie sociale rurale française, dans le village normand de Niels-Normandeux68 (1955) ou le village finistérien de Plozevet69 (1967), et la mettent en valeur. À partir de 1968, les équipes de l’Écomusée du Niou commencent à raconter le quotidien de la vie insulaire à Ouessant. La vogue de l’ethnologie et de l’anthropologie en France, en grand renouveau dans les années 1960, impose aux guides la description de la population autochtone : on évoque alors le folklore sous toutes les formes, jusqu’au début des années 1980. La demande est intense mais l’offre se trouve en porte-à-faux. Les deux dynamiques (marchandisation/authenticité après phase d’authentification) ne s’accordent pas en apparence. Les populations locales doivent donc faire, d’une certaine manière, leur mea culpa, sans que cela n’arrête évidemment les pratiques commerciales – d’ailleurs très anciennes, puisque des critiques sur ces pratiques marchandes sont portées sur la Bretagne depuis la seconde moitié du XIXe siècle70.

Plozévet. Carte postale. Collection particulière.

La question de la maîtrise du phénomène touristique est posée en fin de série par Ouest-France, en 1977. Si le tourisme rural est encore préservé, parce qu’il est considéré comme une activité d’appoint, de « gros marchands de tourisme » proposent déjà leurs services. Elles détournent une partie des profits. Elles connaissent certains projets avant les intéressés eux-mêmes. Un responsable d’organisation agricole estime que la seule raison de leur pouvoir, ce sont les devises qu’elles apportent : « une nouvelle fois, nous sommes à vendre au plus offrant »71. La satisfaction touristique amène à des situations inextricables. Dans la même enquête, le maire de Combrit-Sainte-Marine, Jean Richard, explique qu’il « ne veut évidemment pas mettre le touriste dehors. Mais il faut d’abord donner aux jeunes la possibilité de travailler au pays. Nous ne voulons pas seulement être une commune où il fait bon séjourner, mais une commune où il fait bon vivre. »72 Il veut préserver la dune de tout projet spéculatif, contre lequel il est parvenu à se faire élire, et encourager désormais l’installation de résidents principaux. Selon lui, l’étude préparatoire du Plan d’Occupation des Sols prévoyait la construction de cinq résidences secondaires pour une résidence principale ; il préfèrerait inverser la proportion, ce qui est évidemment un vœu pieux. Durant son unique mandat, il s’emploie à élargir l’offre de logements locatifs73.

Nous pourrions appliquer (modestement) à ces enquêtes le concept du capitalisme émotionnel, théorisé par la sociologue américaine Arlie Hochschild sur la personne comme objet : le moi devient une marchandise verbale, mise en scène publiquement. Pour le sociologue Patrick Pharo, la séduction marchande est devenue l’index du prix de la belle vie, avec un caractère très intrusif, mais ce n’est pas en termes monétaires que les sujets évaluent la plupart des récompenses émotionnelles qu’ils recherchent74. Si l’enquête de 1924 se place directement dans l’esprit d’un développement marchand de l’activité touristique, l’enquête de 1977 est plus circonspecte sur le positionnement à adopter : elle invite à considérer le tourisme autrement, au-delà de ces termes monétaires, mais de manière ambivalente et en fait tout aussi illusoire – pour certains professionnels, hypocrite ? La sociologue Eva Illouz estime que la logique de marché tend à l’emporter sur la logique émotionnelle, après une confusion croissante des ressources du marché et du langage psychologique75. Le tourisme est enfermé dans ce désir de la belle vie76, de ces moments de perfection, et dans les discours qui tâchent d’y répondre. Si les enquêtes de satisfaction sont aussi critiques, c’est aussi et surtout pour approcher, voire peut-être atteindre, prolonger, ces instants si heureux qu’ils semblent périssables.

Johan VINCENT

Chercheur associé au  CERHIO-CNRS UMR 6258

 

 

 

 

1Arch. dép. Finistère : 4 S 137, Rapport de M. Le Pape, conducteur subdivisionnaire des Ponts-et-Chaussées, sur l’extraction de sable plage des Sables-Blancs, du 25 novembre 1898.

2 VINCENT, Johan, « Vers la professionnalisation dans les stations balnéaires (Bretagne, Vendée) », EspacesTemps.net, 28 mars 2011, en ligne. Sur l’histoire des fondations des syndicats d’initiative bretons, on peut se reporter à CLAIRAY, Philippe, Les stations balnéaires de Bretagne : des premiers bains… à l’explosion touristiques des années 1960, Thèse de Doctorat en Histoire, Université de Rennes 2, 2003, p. 289-296.

3 Arch. munic. Sables d’Olonne : délibérations du conseil municipal, 31 octobre 1912.

4 Sur ce point, lire en particulier le chapitre 1 de REAU, Bertrand, Les Français et les vacances ; Sociologie des pratiques et offres de loisirs, Paris, CNRS Éditions, 2011, p. 23-60.

5 MOUREUX, A., « Petite enquête de l’Ouest-Éclair », L’Ouest-Éclair, 8 août 1924.

6 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 11 août 1924.

7 ORTEGA Y GASSET, José, La révolte des masses, 1937, réed. Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque classique de la liberté », 2010. Son audience en France est longtemps restée modeste. On peut retrouver une analyse de ses thèses dans CUVELIER, Pascal, TORRES, Emmanuel et GADREY, Jean, Patrimoine, modèles de tourisme et développement local, Paris, L’Harmattan, coll. « Dossiers Sciences humaines et sociales », 1994, p. 37-40. Pour continuer sur cet aspect du sujet, on peut inviter le lecteur à consulter LASCH, Christopher, La révolte des élites et la trahison démocratique, Paris, Flammarion, 2007, qui estime que ce sont désormais les élites qui ont ce type de comportement.

8 DUMAZEDIER, Joffre, Vers une civilisation du loisir ?, Paris, Seuil, coll. « Points », 1962.

9 Par exemple, on lui doit un conte animalier, Arsène fait son beurre dans le béton, co-écrit avec Bernard Mahé (en 2001).

10 MOREUX, A., art. cit.

11 ANDRIEUX, Jean-Yves et HARISMENDY, Patrick(dir.), Initiateurs et entrepreneurs culturels du tourisme (1850-1950), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.

12 CABON, Hervé, LOUYER-ROUSSEL, Christine et SOUBIGOU, André, Octave-Louis Aubert, écrivain, éditeur… Une vie pour la Bretagne, Saint-Brieuc, Asia, 2008.

13 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Des bienfaiteurs en espadrilles ? », Ouest-France, 6 et 7 août 1977.

14 GISCARD D'ESTAING, Valéry, Discours au Palais des Arts de Vannes du 8 février 1977, consultable sur le site www.discours.vie-publique.fr/notices/777003000.html [consulté le 14 février 2015].

15 POUJADE, Robert, Le ministère de l’impossible, Paris, Calmann-Lévy, 1975.

16 On peut par exemple consulter cet article : VINCENT, Johan, « La Société d’Aménagement de la Côte de Monts (SACOM) : du rêve "les pieds dans l’eau" au cauchemar urbain ? », Cahiers de l’Histoire du Pays maraîchin n°1, mai 2015, p. 10-30.

17 VINCENT, Johan, L’intrusion balnéaire ; Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 111-116. Pour l’enquête de 1912, on peut se reporter aux liasses conservées aux Archives nationales : F8 216, Côtes-du-Nord ; F8 217, Finistère ; F8 218, Ille-et-Vilaine ; F8 219, Loire-Inférieure ; F8 220, Morbihan.

18 UHALDEBORDE, Jean-Michel, « Fiscalité locale et citoyenneté : comment renouer les fils de Marianne ? », in Centre d’études et de recherches en droit des affaires et des contrats, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2003, p. 646.

19 « L’enquête de l’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 10 septembre 1924.

20 « L’enquête de l’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 15 août 1924.

21 TOULIER, Bernard, « L’architecture des bains de mer : la place de la Bretagne dans le patrimoine français », in ANDRIEUX, Jean-Yves, Patrimoine et société, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 151.

22 « L’enquête de l’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 14 août 1924

23 « L’enquête de l’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 15 août 1924.

24 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « La "bonne saison" pour qui ? », Ouest-France, 8 août 1977.

25 Ibid.

26 BERTHO-LAVENIR, Catherine, La roue et le stylo ; Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Éditions Odile Jacob, 1999, p. 96-99.

27 On lira avec grand bénéfice SCHUT, Pierre-Olaf et LEVET-LABRY, Éric, « La création de la Grande route des Alpes : un support de développement touristique ? », in BOURDEAU, Laurent et MARCOTTE, Pascale (dir.), Les routes touristiques, Montréal, PUL, 2015, p. 65-83. Selon Atout France, il existe aujourd’hui une seule route touristique en Bretagne : la route Chateaubriand (page « Routes touristiques » sur le site http://be.france.fr/fr/infosredac/routes-touristiques [consulté le 17 décembre 2015]).

28 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 12 septembre 1924. On retrouve ce genre de grands projets en presqu’île de Quiberon à partir de 1930, avec la construction d’une route de la côte sauvage.

29 La rubrique « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région » du 1er septembre 1924 offre une bonne synthèse de ces points de vue.

30 Il a existé une autre Route Bleue, surnom de la nationale 7 donnée par une association de professionnels en 1935, jusqu’aux années 1970.

31 BEZANCON, Xavier et DEVILLEBICHOT, Daniel, Histoire de la construction moderne et contemporaine en France, Paris, Eyrolles, 2014, p. 309.

32 BIGEY, Michel et SCHMIDER, André, Les transports urbains, Paris, Éditions universitaires, préface d’Alfred Sauvy, 1971, p. 13. Les couloirs réservés aux transports en commun sont expérimentés à partir de 1973.

33 BARBAZA, Yvette, « Trois types d’intervention du tourisme dans l’organisation de l’espace littoral », Annales de Géographie, n°434, t. 79, 1970, p. 448.

34 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 12 août 1924.

35 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 16 août 1924.

36 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 17 août 1924.

37 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 19 août 1924. Les ruines romaines de la cella d’un grand temple gallo-romain, construit au milieu du Ier siècle et utilisé jusqu’au IIIe siècle, sont classées depuis 1840 ; le site gallo-romain du Haut-Bécherel sera classé en 1997 (base Mérimée).

38 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 31 août 1924.

39 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 13 août 1924.

40 SAVES, Joseph, « Poincaré exécute le franc Germinal », Hérodote, 21 août 2013, en ligne www.herodote.net/25_juin_1928_evenement_19280625.php, [consulté le 16 août 2014]. Si le cours de la livre est retombé à la fin mars 1924 à 78 francs, il atteint en juillet 1926 le cours record de 235 francs. Une dévaluation d’environ 4/5e intervient au printemps 1928.

41 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 3 septembre 1924.

42 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Un maire qui ne bénit plus les promoteurs », Ouest-France, 9 août 1977.

43 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, « La "bonne saison" pour qui ? », Ouest-France, 8 août 1977.

44 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, « Des bienfaiteurs en espadrilles ? », Ouest-France, 6 et 7 août 1977.

45 Ibid.

46 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 27 août 1924.

47 BUFFET, Henri-François, La vie turbulente et dolente d’une vieille cité maritime ; Le Port-Louis de Basse-Bretagne, Paris, F. Lanore éditeur, préface de Charles Le Goffic, 1930, p. 103.

48 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « La "bonne saison" pour qui ? », Ouest-France, 8 août 1977.

49 CHEVRILLON, André, La Bretagne, Paris, Éditeurs Lévy et Neurdein réunis, 1930, p. 52.

50 MICHEL, Franck, « Le tourisme face à la menace de folklorisation des cultures », in FURT, Jean-Marie et MICHEL, Franck, Tourismes et identités, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 50.

51 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Des bienfaiteurs en espadrilles ? », Ouest-France, 6 et 7 août 1977.

52 RENARD, Jean, « Tourisme balnéaire et structures foncières : l’exemple du littoral vendéen », Norois, 1972, p. 78.

53 ROUILLARD, Dominique, Le site balnéaire, Liège, Pierre Mardaga éditeur, 1983, p. 68.

54 « L’enquête de L’Ouest-Éclair sur le tourisme dans la région », L’Ouest-Éclair, 11 août 1924.

55 VIARD, Jean, Court traité sur les vacances, les voyages et l’hospitalité des lieux, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2006, p. 118.

56 BERTHO-LAVENIR, Catherine, op. cit., p. 274 et p. 285.

57 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Un maire qui ne bénit plus les promoteurs », Ouest-France, 9 août 1977. À ne pas confondre avec le smart tourism actuel, qui se développe avec les outils de la mobilité, comme le smartphone.

58 ENZENSBERGER, Hans Magnus, Culture ou mise en condition ?, Paris, Union générale d’éditeurs, 1973, p. 229.

59 REAU, Bertrand et POUPEAU, Franck, « L’enchantement du monde touristique », Actes de la recherche en Sciences sociales n° 170, 2007, p. 10.

60 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « La "bonne saison" pour qui ? », Ouest-France, 8 août 1977.

61 BAILLY, Pierre,« L’association des populations résidentes au développement du tourisme en France », Journal Officiel de la République française – Avis et rapports du Conseil Économique et Social, du 8 février 1977.

62 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Des bienfaiteurs en espadrilles ? », Ouest-France, 6 et 7 août 1977.

63 CAZE, Georges et COURADE, Georges, « Les masques du tourisme », Revue Tiers Monde, n°178, 2/2004, p. 247-268, en ligne, [consulté le 15 décembre 2015].

64 CONDES, Sébastien, « Les incidents du tourisme sur le développement », Revue Tiers Monde, n°178, 2/2004, p. 291, en ligne, [consulté le 15 décembre 2015].

65 COUSIN, Saskia, « L’Unesco et la doctrine du tourisme culturel ; Généalogie d’un bon tourisme », Civilisations, n°57, 2008, p. 41-56, en ligne, [consulté le 15 décembre 2015]. Si les institutions internationales estiment que le secteur touristique doit aujourd’hui aider au développement, il faut remarquer la prégnance, depuis les années 2000, du débat sur la destination du profit : la destination finale ou le pays de départ ?

66 MONFERRAND, Alain et BERTHONNET, Arnaud, « Cent ans d’organisation administrative du tourisme (1910 à nos jours) », Pour mémoire, n° hors-série, juillet 2012, p. 18 et 24.

67 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « La "bonne saison" pour qui ? », Ouest-France, 8 août 1977.

68 MAUREL, Chloé, « La question des races », Gradhiva [en ligne], 2007-5, mis en ligne le 12 juillet 2010 [consulté le 5 février 2014].

69 MORIN, Edgar, Commune de France : la métamorphose de Plodémet, Paris, Fayard, 1967, 287 p.

70 VINCENT, Johan, « Se confronter aux habitants du paradis : l’expérience balnéaire de la Bretagne (1800-1939) », Articulo – Journal of Urban Research, 2008, sous-partie « un enrichissement pour tous ? ». On retrouve ces mêmes contradictions ailleurs, comme à Hawaï avec le surf sorti du musée au tournant des XIXe-XXe siècle (COËFFE, Vincent, Hawaï : la fabrique d’un espace touristique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 47-49). Selon Michel Picard, ces tractations informelles sont la préfiguration des relations d’osmose culturelle, afin de satisfaire touristes et autochtones (PICARD, Michel, Bali : tourisme culturel et culture touristique, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 125 et p. 196).

71 BOUCHER, Jean-Dominique et PERAZZI, Jean-Charles, « Un maire qui ne bénit plus les promoteurs », Ouest-France, 9 août 1977.

72 Ibid.

73 « Place Jean-Richard, homme d’action et de conviction », Ouest-France, 30 novembre 2013.

74 PHARO, Patrick, « Séduction et dépendance marchande », Multitudes, revue politique, artistique, philosophique n°52, printemps 2013, en ligne.

75 ILLOUZ, Eva, Les sentiments du capitalisme, Paris, Seuil, 2006, p. 193.

76 On pense évidemment à la chanson de Sacha Distel, « La belle vie » ; la vie facile mais qui généralement ne dure pas.