L’écrivaine galicienne Emilia Pardo Bazán et le féminisme espagnol à la fin du XIXe et au début du XXe siècle: un engagement lettré pour les droits des femmes

 

Les voies de l’engagement sont multiples et vont parfois se nicher dans des recoins particulièrement inattendus. C’est ce que montre le destin singulier de l’écrivaine galicienne Emilia Pardo Bazán : par les textes qu’elle produit elle-même bien entendu, évidemment par sa carrière d’auteure mais aussi par ses traductions de John Stuart Mill, auteur sur lequel elle n’hésite pas à imprimer sa propre marque.

Par Darío R. VARELA FERNANDEZ

 

 

 

 

Dès le XIXe siècle, le féminisme espagnol commence à apparaître avec des écrivaines comme Concepción Arenal (1820-1893) ou Gertrudis de Avellaneda (1814-1873), qui ouvrent la voie pour l’égalité entre les deux genres et mettent l’accent sur la question de l’éducation de la femme. Dans la même lignée, Emilia Pardo Bazán (1851-1921) s’engage très tôt dans la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, aussi bien à travers ses écrits et traductions (fondatrice en 1892 de La Biblioteca de la Mujer, traductrice de L’assujettissement des femmes de John Stuart Mill dans la décennie 1890…) que par ses actes : elle soutient  la candidature de Concepción Arenal à l’Académie royale espagnole, mène une bataille intellectuelle pour devenir la première femme présidente de la section de littérature à l’Athénée de Madrid, réussit à devenir la première femme à avoir une chaire de littérature néolatine à l’Université Centrale de Madrid …1

Emilia Pardo Bazán dans son cabinet de travail (1913). Photographie de presse, collection particulière.

Cet article se base sur l’analyse des textes, traductions et autres productions que Pardo Bazán a pu réaliser, ainsi que sur l’étude des ouvrages appartenant à sa bibliothèque privée et, de manière plus générale, à toutes les influences qui peuvent nous éclairer sur son féminisme. Mon intention est de décrypter les enjeux, les expériences et les lectures qui détermineront l’engagement, voir les engagements, de cette femme de lettres pour la défense des droits de femmes ainsi que leur place dans la société espagnole de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

 

Une bibliothèque personnelle : une influence dans l’engagement féministe ?

Emilia Pardo Bazán, écrivaine galicienne, est une importante figure espagnole du féminisme. C’est pour cela que l’on se concentrera dans un premier temps sur l’étude de sa bibliothèque personnelle afin de déterminer si ces influences théoriques ont un résultat pratique sur son positionnement féministe.

Eléments biographiques

Emilia Pardo Bazán est issue d’une famille galicienne d’origine noble et économiquement puissante en Espagne. Son père lui donne la meilleure éducation possible, en la motivant dans son amour pour la littérature. Dans la bibliothèque paternelle, elle accède à une grande variété de lectures. En 1868, après s’être mariée, elle s’établit à Madrid où son père la rejoint quand il est nommé député, mais il perd ses illusions et en 1872, toute la famille s’en va en France. Ils voyagent dans toute l’Europe (Angleterre, Italie, Allemagne) et en profitent pour apprendre les langues de ces pays. Elle publie les chroniques de ce voyage dans le journal El Imparcial où elle dénonce la nécessité de l’européanisation de l’Espagne.

Lectrice assidue des classiques espagnols, Emilia Pardo Bazán s’intéresse aux nouveautés littéraires étrangères et se fait connaitre comme écrivaine avec Estudio Crítico de las Obras del padre Feijoo (1876), remportant un prix face à l’intellectuelle Concepción Arenal (1820-1893). En 1882, elle commence dans la revue La Época la publication d’une série d’articles sur Emile Zola et le roman expérimental qui l’accrédite comme l’un des principaux défenseurs du naturalisme en Espagne. Le scandale que ses écrits provoquent est énorme et l’ouvrage est attaqué comme étant un manifeste en faveur de la pornographie française et de la littérature athée, ces attaques étant d’autant plus graves que l’auteur est une femme, mariée et mère. Pourtant, elle pratique un naturalisme conservateur et catholique. Elle ne renonce ainsi jamais à sa foi, même si elle admet les bases idéologiques du déterminisme social et du darwinisme. La méthode naturaliste culmine dans Los Pazos de Ulloa (1886-1887), son chef-d’œuvre, pathétique peinture de la décadence du monde rural galicien et de l’aristocratie.

Carte postale. Collection particulière.

Dans son activisme pour les droits des femmes, elle fonde et dirige à Madrid en 1892 la publication de la « Bibliothèque de la Femme » et assiste à des événements comme le Congrès Pédagogique Hispano-Lusitano-Américain de 1892 à Madrid, où elle dénonce l’inégalité éducative entre hommes et femmes. Consciente du sexisme dans les cercles intellectuels, elle propose de faire rentrer Concepción Arenal à la Real Academia Española, cequi lui est refusé. De la même manière, cette élection est refusée à Gertrudis Gómez de Avellaneda et à Emilia Pardo Bazán (trois fois : 1889, 1892, et en 1912). Cependant, en 1906, elle réussit à être la première femme à présider la Section de Littérature de l’Athénée de Madrid (après des nombreux efforts pour être acceptée dans ce cercle d’intellectuels), et la première à avoir une chaire de littérature néolatine à l’Université Centrale de Madrid. Mais elle n’a qu’un seul élève et subit ainsi la pression et le mépris des autres étudiants, comme du reste des professeurs.

Une bibliothèque comme source

Nous commençons notre étude en mettant en valeur l’ampleur de la bibliothèque d’Emilia Pardo Bazán (environ huit mille volumes) 2. Il s’agit de données accessibles qu’on peut consulter dans le Catálogo da Biblioteca de Emilia Pardo Bazán réalisé par la Real Academia Galega3.

Après un travail exhaustif de recherche en consultant les livres appartenant à la collection d’Emilia Pardo Bazán, j’ai répertorié un total de soixante-et-onze ouvrages en plusieurs langues en rapport direct avec la thématique des femmes. Vu la grande quantité d’informations, je citerai ceux dont la connaissance a été possible, et dont je considère qu’ils ont pu avoir une influence sur l’écrivaine. L’un de ces livres appartenant à la bibliothèque de Bazán est celui d’Eleuterio Filogyno (pseudonyme de Juan Valera4) sur les femmes et les académies5. On connait son contenu ainsi que sa répercussion lors de sa publication, grâce à un article paru dans le journal El Heraldo de Madrid (quotidien espagnol publié à Madrid de 1890 à 1939 de tendance libérale) après la sortie de l’ouvrage6. Dès les premières lignes, le journal veut laisser clairement voir à ses lecteurs qui est réellement derrière ce livre et son intention ultime :

« Don Juan Valera… ¡vaya por la confusión! Eleuterio Filogyno (…) la pluma de Valera, burlase de las mujeres académicas »7

Le journal cite directement certains extraits du livre de Valera, et sur ce que l’auteur a pensé sur les femmes dans les institutions intellectuelles, à savoir:

« Las mujeres y los hombres se completan y forman el género humano, no por ser iguales, sino por ser distintos en todo. Sostener su identidad me parece herejía, blasfemia e ingratitud para con Dios (…) no comprendo cómo no se enoja una mujer sabia cuando sabe que pretenden convertirla en académicas de numero »8

et

« Ahora bien: ¿no serían expuestas las juntas ordinarias promiscuas, si consideramos la familiaridad y el compañerismo que en ellos tiene que haber, a que el amor invadiese las almas de los académicos con gran detrimento de la filología y de otras ciencias y disciplinas? »9

Nous pouvons voir que Valera considère la présence des femmes dans les institutions comme un risque pour le monde intellectuel, redoutant qu’elles puissent distraire les hommes de leurs études et analyses. Il montre ainsi une opposition frontale à considérer les femmes comme étant égales aux hommes. Et c’est la phrase exposant son incompréhension sur les femmes qui veulent être académiciennes de plein droit qui expose le lien avec Bazán puisque l’écrivaine galicienne voulait être académicienne dans l’Athénée de Madrid, institution composée jusqu’à ce moment uniquement d’hommes. Valera appréciait Bazán intellectuellement, mais il ne pouvait pas en accepter le côté polémiste ainsi que son féminisme actif, et c’est pour ce motif qu’il s’oppose à elle en de nombreuses occasions.

La bibliothèque de l'Athénée de Madrid au début du siècle. Crédits: Aténéo de Madrid.

Passons maintenant au commentaire d’un livre écrit par Ernest Legouvé (1807-1903)10, Histoire Morale des Femmes (1848), qu’Emilia Pardo Bazán possède dans sa version espagnole (1860)11. Le positionnement de cet auteur nous est résumé par l’historienne Michèle Riot-Sarcey :

« Ernest Legouvé, qui a obtenu un cours d’histoire morale des femmes au Collège de France en 1848, souhaite éclairer ses contemporains sur le sujet et contribuer ainsi à l’affranchissement des femmes. (…) L’ouvrage qu’il publie à l’issue de ses cours sera constamment réédité jusqu’en 1897. (…) Il réclame l’éducation pour les filles mais au nom de la famille (…) au nom de la maternité, du mariage, du ménage. La liberté féminine prend sens pour lui au nom de deux principes : la tradition et la différence »12

Ernest Legouvé est un important intellectuel français du milieu du XIXe siècle, favorable à l’éducation des femmes. Il base ce droit sur une volonté d’amélioration de la vie de la famille dans son ensemble, s’éloignant d’une conception d’émancipation de la femme par rapport à l’homme, ou d’une égalité légale. Mais Emilia Pardo Bazán va au-delà de ces préceptes, ce qui est visible dans sa défense des idées et actes du philosophe britannique John Stuart Mill. Elle prend notamment exemple sur le suffrage féminin proposé par ce dernier en 1867.13

L’un des plus anciens livres que Pardo Bazán possède sur la question des femmes date du XVIIIe siècle et est écrit par Juan Bautista Cubie : Las mujeres vindicadas de las calumnias de los hombres con un catálogo de las españolas que más se han distinguido en ciencias y armas14.

« En él veremos a la mujer en medio del siglo XVIII ‘por el grande sentimiento que me causa ver al sexo femenino injustamente ultrajado’ (…) Concede a la mujer las mismas virtudes, perfecciones y capacidades morales e intelectuales que el hombre (…) Advierte, perspicazmente, que trabajan tanto como el hombre, pero en la casa y las tareas domésticas (…) observa en ello (…) mayor capacidad para el estudio de las ciencias (…) su constancia y su capacidad para guardar secretos, su menor inclinación a la ira y a la avaricia »15

Ce positionnement proto féministe égale dans sa narration les capacités féminines et masculines, et va même au-delà, en considérant que les femmes ont une plus grande capacité que les hommes pour les sciences. De même, il met en avant que les femmes tomberaient moins facilement dans la rage et l’avarice. Evidemment, Emilia Pardo Bazán observe dans ce livre non seulement la reconnaissance de la part d’un homme de la soumission féminine, mais aussi de leurs grandes capacités dans le monde scientifique. Or à cette époque le domaine où les femmes sont les plus reconnues pour leurs qualités est le monde des lettres. Peut-on signaler également le lien que Bazán a pu faire entre le constat de Cubie, pour qui les femmes travaillent autant que les hommes, et la réalité vécue par les femmes de sa région natale : la Galice ? Dans cette région, l’écrivaine observe et expose par le biais de ses romans que les femmes exercent les mêmes travaux que les hommes, c’est-à-dire des durs travaux dans les champs ou dans l’industrie, et qu’elles doivent en plus s’occuper de la maison et de la famille16.

L’importance de l’influence anglo-saxonne

Nous finirons notre regard autour des ouvrages sur les femmes dans la bibliothèque d’Emilia Pardo Bazán avec deux livres qui montrent l’importance de la culture anglo-saxonne dans cette thématique. Le premier est une étude comparative des femmes espagnoles et américaines, centrée sur les luttes du sexe féminin des deux côtés de l’Atlantique, écrite par Enrique Rodriguez-Solís (1844-1923), La mujer española y americana : (su esclavitud, sus luchas y dolores) : reseña histórica (1898)17 et le deuxième, L’assujettissement des femmes de John Stuart Mill18. On constate d’abord que l’écrivaine a été toujours intéressée par la situation des femmes dans les pays autres que l’Espagne. Cet intérêt se voit dans la liste d’ouvrages qui traitent de ce sujet dans sa bibliothèque, mais aussi dans le fait que Bazán connait et possède déjà en 1876 la version française de The Subjection of Women de Mill.

John Stuart Mill. The Hannah Arendt Center for Politics and Humanities at Bard College.

Afin d’observer quelques traits caractéristiques du féminisme d’Emilia Pardo Bazán et de son engagement, nous mettrons en lumière certains des actes et idées de l’écrivaine, en nous basant notamment sur la biographie publiée par Eva Acosta19. Tout d’abord il est important d’indiquer l’avis de Bazán sur la question féministe en Espagne au début du XXe siècle:

« En España (…) ¡Vivimos, particularmente en esto, tan atrasados! ¡Sería tan dificultoso romper nuestra costra de incultura, modificar nuestro criterio, propiamente musulmán en cuanto se refiere a la mujer! ¡Y al mismo tiempo, por ahí fuera van las cosas tan deprisa! »20

L’écrivaine accuse l’Espagne de son temps d’être sous l’emprise d’une inculture et d’un machisme d’origine musulmane par rapport à la femme, lesquels seraient difficiles à combattre. Mais Bazán insiste sur l’idée que cette lutte pour les femmes est nécessaire puisque justifiée par les faits dans d’autres pays. En plus, elle rappelle que la situation est, y compris du point de vue politique, incompréhensible :

« ¿Por qué la burguesía se ha obstinado en privar de derechos políticos y de bastantes derechos civiles a la mujer, elemento esencialmente conservador, apegado como ninguno a la propiedad particular e individual, a la herencia, a la estabilidad social? »21

L’écrivaine montre dans cet extrait son idéologie politique de type libéral-conservateur et se demande comment les hommes politiques conservateurs n’ont pas intégré la femme, défendant l’argument que celle-ci est précisément un bastion des valeurs conservatrices et libérales. Autrement dit, pour Emilia Pardo Bazán, non seulement le monde politique a une dette envers les femmes, mais les écarter des droits civiques est une faute tactique qui empêche d’élargir l’assise des sphères conservatrices. Quant à son travail pour la diffusion de la culture entre les femmes, on peut lire :

« Un nuevo volumen de Pardo Bazán, Retratos y apuntes literarios, publicado en 1908, incluye un anuncio de la Biblioteca de la Mujer. En él se lee: ‘La importancia que desde mediados de siglo anterior va adquiriendo el destino de la mujer, y la agitación que en favor de su cultura se advierte en los pueblos más civilizados, sugirió a Emilia Pardo Bazán la idea de publicar una Biblioteca donde tuviesen cabida cuantas obras pueden servir para completar el conocimiento científico, histórico y filosófico de la mujer en todas las épocas y todas las literaturas’ »22

Ceci prouve l’engagement de Bazán en faveur de la culture des Espagnoles, par la diffusion d’ouvrages en espagnol, afin qu’elles développent leurs connaissances sur leur propre histoire et leurs capacités. Il faut remarquer l’allusion aux peuples plus civilisés, dont la France, l’Angleterre et l’Allemagne, sachant que ces pays sont les pays référents de tout intellectuel espagnol de l’époque. L’écrivaine essaie également par ses publications de faire prendre conscience aux Espagnoles de leurs capacités afin qu’elles considèrent nécessaire de demander plus de droits.

 

La Biblioteca de la Mujer et la traduction de The Subjection of Women : des outils au service de sa lutte contre l’inégalité hommes-femmes

Dans ce cadre, le livre, qu’il s’agisse de celui dont on assure la diffusion, et/ou la traduction, devient une véritable arme au service de l’engagement féministe.

La Bibliothèque de la femme

C’est en effet dans ce but que qu’Emilia Pardo Bazán fonde en 1892 la Biblioteca de la mujer. Son objectif est alors de réunir une collection en espagnol des œuvres les plus importantes autour de l’histoire des femmes et la question féministe. On trouve donc des titres comme: Vida de la Virgen María, según la Venerable de Agreda (1899), La esclavitud femenina de Mill (189?), Mi romería de Bazán (1888), La mujer ante el socialismo de Auguste Bebel (1893) ou La cocina española antigua (1913). Cette collection mélange aussi bien des auteurs marqués par un profond christianisme, comme María de Jesús de Agreda (1602-1665), que par le socialisme, comme Auguste Bebel (1840-1913). Nous pouvons d’ailleurs la résumer par les mots de l’académicien Ronald Hilton :

« Dans la préface du tome X (…) DoñaEmilia se lamente que, bien qu’elle ait fait tout son possible pour rendre la Biblioteca de la Mujer attrayante (…) cette entreprise n’ait pas eu de succès économique. C’est pour cette raison que, quand elle lance de nouveau la série, elle a choisi des œuvres d’économie ménagère »23

Mais sa « Bibliothèque de la Femme » ne connait pas un grand succès, preuve claire, du manque d’intérêt en Espagne pour la question féministe à cette époque.

Présenter John Stuart Mill

Emila Pardo Bazán est également la traductrice de The Subjection of Women24 (La esclavitud femenina en espagnol). Or c’est à partir de la traduction espagnole de la décennie 189025 que l’on verra un transfert culturel entre le penseur anglais et l’intellectuelle espagnole, laquelle au-delà de son simple travail linguistique ajoute une préface26 dédiée à la figure de John Stuart Mill. Sa biographie, ses travaux et ses idées sont mis en avant par l’écrivaine, qui en profite pour donner une image bien particulière de l’auteur du livre. Après une présentation biographique du philosophe, basée sur les mémoires de ce dernier27, Bazán commence à signaler les aspects qu’elle considère les plus remarquables de Mill, se prononçant toujours directement. En voici un exemple dans les lignes qui traitent de l’amitié entre Stuart Mill et Harriet Taylor (1807-1858)28, quand cette dernière était avec son premier mari :

« El que no es capaz de comprender que dos seres humanos de distinto sexo se reúnan sino para un solo fin, tal vez delata (…) su verdadero estado de conciencia »29

Emilia Pardo Bazán reproche vivement à la société d’être incapable de concevoir qu’un homme et une femme ne puissent avoir qu’une amitié et des liens intellectuels, sans aucune autre intention. Cette phrase pourrait être entendue comme une attaque aux valeurs de certains hommes qui considéraient les femmes en tant que simples objets sexuels.

Emila Pardo Bazán continue la ligne de défense et de mise en valeur de la relation intellectuelle entre Mill et Taylor :

« Pero cierto capítulo de la Economía Política30 (…) el que trata del Porvenir de las clases obreras, ese pertenece por completo a mi mujer »31

A d’autres moments, Emila Pardo Bazán cite directement Mill: 

« Stuart Mill ni pensó ni escribió La esclavitud femenina por instigación de la Sra. Taylor; lo que hizo fue ligarse cada vez más y más a la Sra. Taylor cuando hubo visto que, aunque esclava por la ley, como las demás de su sexo, tenía el alma independiente, digna de la libertad »32

Les capacités intellectuelles de Mme Taylor sont mises en valeur en soulignant que c’est bien elle qui a rédigé un chapitre sur les clases ouvrières dans l’Economie Politique de Mill. Une nouvelle occasion aussi pour Bazán de dénoncer la soumission des femmes aux lois par rapport aux hommes, et de dire que malgré cela, l’âme des femmes est indépendante. Cette phrase pourrait être un clin d’œil aux femmes afin de faire passer le message qu’en tant qu’indépendantes, elles peuvent se libérer et lutter pour leurs droits.
De plus, Bazán veut indiquer que Mill, au-delà de son apport théorique pour la libération des femmes, traduit son engagement sur le terrain en actes :

« Puede contársele entre los mayores bienhechores de la mujer en el terreno positivo (…) En 1867 presento a la Cámara de los Comunes el proyecto de ley pidiendo para la mujer el derecho de sufragio (…) Desde entonces crecieron (…) los partidarios de los derechos políticos de la mujer (…) entre ellos (…) Benjamín Disraeli, que voto con Stuart Mill y Gladstone»33

L’intérêt de Bazán de présenter le philosophe britannique comme un vrai leader politique qui défend avant tout les droits des femmes en menant des actes concrets est ici évident. Il faut toutefois remarquer que Bazán signale que tant Disraeli que Gladstone ont voté pour la loi du suffrage féminin. Peut-on émettre comme hypothèse que l’écrivaine pourrait vouloir montrer aux espagnols qu’en Angleterre, aussi bien des conservateurs que des libéraux sont unis dans l’idée de concéder des droits aux femmes ? Il faut rappeler qu’à l’époque de la publication de La esclavitud femenina, deux grands partis dirigent l’Espagne : le parti conservateur et le parti libéral. N’est-ce pas un message aux hommes politiques espagnols afin qu’ils acceptent le débat de la même façon que leur collègues anglais sur les droits des femmes ?

Traduire John Stuart Mill

Il est nécessaire d’indiquer les points clés du livre traduit par l’écrivaine galicienne afin de mieux comprendre le pourquoi de cette traduction. L’un des premiers préceptes de Stuart Mill est l’idée d’une équité parfaite hommes-femmes afin d’en finir avec les privilèges des uns sur les autres : « Las relaciones sociales entre ambos sexos - aquellas que hacen depender a un sexo del otro, en nombre de la ley - son malas en sí mismas y forman hoy uno de los principales obstáculos para el progreso de la humanidad; entiendo que deben sustituirse por una igualdad perfecta »34. Le philosophe britannique rebondit sur l’idée d’une dépendance obligée des femmes envers les hommes qui nous renverrait à l’esclavage à l’état primitif, malgré des améliorations dans les vies des femmes : « La dependencia, tal cual hoy existe (…) es el estado primitivo de la esclavitud que se perpetua a través de una serie de endulzamientos y modificaciones »35. D’après Mill, et en lien avec les actes menés par Emilia Pardo Bazán : « Las reclamaciones de las mujeres pidiendo una educación tan sólida y extensa como la del hombre, son cada vez más insistentes »36. Mais, en même temps, certains hommes, selon Stuart Mill, sont « aveugles » ou ne veulent pas écouter et accepter des faits prouvés sur les capacités des femmes : « La reina Isabel y la reina Victoria, si no hubiesen heredado el trono, no hubiesen podido ejercer la más mínima función política, y ya sabemos la talla política que la primera de estas dos reinas alcanzo »37

Victoria apprenant son accession au trône de la part de Lord Conyngham (à gauche) et de l'archevêque de Cantorbéry. Gravure de Emery Walker. Wikicommons.

Le penseur britannique met en avant vers la fin de son ouvrage, deux idées clés. La première porte sur l’impact social et culturel de l’héritage de la supériorité masculine :
« Representaos la perturbación moral del mocito que llega a la edad viril en la creencia que (…) es superior en derecho a toda una mitad del género humano (…) aun cuando en esa mitad se encuentren comprendidas personas en inteligencia, carácter, educación, virtud o dotes artísticas superiores »38. Et la deuxième argumente sur les bénéfices qu’il y aurait à tirer pour l’intérêt général d’une plus grande liberté accordée aux femmes : «  Beneficio que se puede esperar de la libertad concedida a la mujer para usar de sus facultades, permitiéndola escoger libremente la manera de emplearlas, abriéndola los mismos horizontes y ofreciéndola iguales premios que al hombre, seria duplicar la suma de facultades intelectuales que la humanidad utiliza para su servicio »39.

Par rapport au processus de traduction de Bazán, on doit signaler que l’écrivaine ajoute quatre notes tout au long du livre. La première se trouve quand Mill fait allusion au fait que certaines femmes ont le cerveau aussi volumineux que celui de n’importe quel homme40: « Ejemplo : Carlota Corday »41. Cette allusion à Charlotte Corday (1768-1793), qui a assassiné Marat, est surprenante. On émet comme hypothèse que Bazán a pu lire un document d’époque dans lequel on citerait l’étude sur la taille du cerveau de Corday42. L’intention de l’écrivaine galicienne serait ici de renforcer scientifiquement l’idée formulée par Mill.

La deuxième note apparaît vers la fin du paragraphe quand Stuart Mill indique que l’un des seuls domaines où l’homme n’attaque pas les femmes, mais bien au contraire les encourage, c’est dans les arts :

« Este cultivo de las Bellas Artes (en España por lo menos) es puramente recreativo, d’agrément. Cuando las mujeres quieren ser pintoras de verdad, su sexo les quita, en las Exposiciones, la medalla. El caso es frecuente y no lo ignora nadie. »43

Bazán veut mettre en avant l’idée que l’allusion de Mill est incomplète, ou non applicable dans l’Espagne. Elle remarque avec un esprit combatif, que dans son pays, par le fait d’être une femme, les portes à la reconnaissance des qualités artistiques sont fermées. D’ailleurs, si l’on permet aux femmes de faire les Beaux-Arts, ce n’est que pour leur offrir une voie d’amusement.

Dans le domaine des tâches ménagères et des obligations des femmes, une troisième note apparaît : « Es muy frecuente oír a los maridos decir, en tono desdeñoso que ellos no se molestan en pagar visitas; que eso es cuenta de su mujer »44. Ici, elle veut montrer que les femmes doivent en plus de s’occuper de toutes les tâches ménagères et familiales, supporter d’être les victimes du mépris des hommes envers leur travail. L’écrivaine ajoute de cette façon le châtiment psychologique auquel les femmes sont soumises par leurs maris.

Femmes espagnoles. Carte postale, collection particulière.

La dernière note d’Emilia Pardo Bazán apparaît quand Stuart Mill signale que les familles bien éduquées ont déjà supprimé une image d’inégalité entre les enfants, interdisant aux garçons d’être violents avec leurs sœurs et les habituant à ce qu’ils aient aussi bien pour les garçons que pour les filles, une même considération de la part des parents :

« Esto será en la educación inglesa general, y en la española no diré que no suceda entre gente muy discreta y fina, pero no deja de ser frecuente el oír, en conversaciones familiares, frases y conceptos que afirman la superioridad del niño sobre sus hermanas. El niño sale solo desde los doce o trece años, mientras sus hermanas no dan solas ni un paso por la calle, al niño se le permiten libros, a las niñas se les esconden »45

Cette note est d’une grande valeur vu que, grâce à elle, on a une nouvelle vision de la situation espagnole des femmes à la fin du XIXe siècle. D’après l’écrivaine, en Espagne, lors des conversations des familles, les allusions aux qualités supérieures des garçons par rapport aux filles sont nombreuses. Bazán ajoute à cet exemple que de la même façon qu’un garçon jouit de divers privilèges, les filles ont une surveillance stricte et beaucoup d’interdictions. Une inégalité hommes-femmes est apprise aux enfants à l’intérieur des familles en Espagne, montrant une éducation machiste espagnole qui perdure.

 

Nous constatons donc que l’écrivaine galicienne Emilia Pardo Bazán est une personne complexe, aussi bien dans son histoire personnelle que dans sa vaste culture littéraire. C’est ce mélange qui donne forme à son féminisme. De notre point de vue, l’influence claire des préceptes de John Stuart Mill se reflète dans la façon dont Bazán considère l’éducation comme un facteur clé pour la libération de la femme de l’autorité de l’homme. Il en est de même en ce qui concerne le droit de vote aux femmes. Bazán mènera cette lutte contre une Espagne majoritairement sans intérêt pour la question féministe, un pays qui malgré tout, avancera progressivement vers les droits des femmes.

En second lieu, nous voyons après l’analyse de la traduction faite par Emilia Pardo Bazán de l’ouvrage de Stuart Mill The Subjection of Women comment l’écrivaine utilise cette traduction pour revendiquer ses idées féministes. Elle se positionne ouvertement pour les femmes, notamment lors de la préface dans laquelle elle donne son avis concret autour des thématiques traitées. Il en est de même en ce qui concerne sa claire intention de mettre en valeur la figure du philosophe. Nous constatons son intérêt aux comparaisons des réalités féminines espagnoles et britanniques grâce aux notes qu’elle ajoute. Au final, cette traduction de Bazán est une opportunité de dénoncer les injustices auxquelles sont soumises les femmes.

Néanmoins, le cas de l’écrivaine Emilia Pardo Bazán ne relève pas seulement d’un engagement envers le féminisme, mais de plusieurs engagements à la fois, pour un même objectif : un engament lettré par le biais de sa plume, un autre dans sa propre lutte personnelle dans un monde dominé par les hommes et encore un dernier reliant un devoir de faire diffuser les idéaux féministes afin d’aider les femmes de son pays. Au final, sa vie est dédiée à la lutte pour l’égalité hommes-femmes et à la libération de ces dernières de la soumission, avec seulement une arme : l’éducation.

Darío R. VARELA FERNANDEZ

DoctorantCERHIO-CNRS UMR 6258

 

 

1 La Real Academia Española (Académie Royale Espagnole) est une académie de la langue espagnole fondée à Madrid en 1713 sous l’initiative de Juan Manuel Fernández Pacheco, marquis de Villena, sur le modèle de l’Académie Française. Une fois les premiers objectifs de l’académie atteints (création d’un dictionnaire unifié et élaboration des normes d’orthographie et grammaire), celle-ci évolue dans sa fonction de protection et de diffusion de la langue espagnole, s’adaptant aux exigences, aux besoins et aux débats de la société jusqu’à nos jours.
L’Ateneo de Madrid (Athénée de Madrid) est une institution espagnole dont les origines remontent à la décennie de 1820. Elle est instaurée officiellement et définitivement le 31 octobre 1835 sous le règne d’Isabel II. Les statuts constituent l’Athénée en tant que « société scientifique, littéraire et artistique » avec le triple caractère d’académie, d’institution d’enseignement et de cercle littéraire. Encore existante de nos jours, elle connaît son apogée vers 1880, moment où elle est la maison des grands débats et conférences en Espagne et auxquels participent un grand nombre d’intellectuels, hommes politiques, journalistes, romanciers…

2 FERNANDEZ-COUTO TELLA, Mercedes, Catalogo da Biblioteca de Emilia Pardo Bazán, A Coruña, Real Academia Galega, 2005, p. 7-9.

3 « Académie Royale Galicienne » : Fondée en 1906 à la Corogne par des intellectuels galiciens dans le courant du « galléguisme », héritière de l’Academia Iniciadora e Protectora da Academia Galega fondée à la Havane (Cuba) en 1905.

4 1824-1905 : diplomate, homme politique de tendance libérale et écrivain espagnol de grand prestige.

5 FILOGYNO, Eleuterio, Las Mujeres y las academias : cuestión social inocente, Madrid, Librería Fernando Fe, 1891.

6 « La cuestión académica. Las mujeres y las academias », El Heraldo de Madrid, 17 juillet 1891, año II, n°259.

7 Ibid: « Don Juan Valera… Quelle maladroite confusion! Eleuterio Filogyno (…) la plume de Valera, se moque des femmes académiciennes ».

8 Extrait du livre original de Valera dans l’article « La cuestión académica. Las mujeres y las academias » dans El Heraldo de Madrid, 17 juillet 1891: « Les femmes et les hommes se complètent et forment le genre humain, non pas parce qu’ils sont égaux, mais parce qu’ils sont différents en tout. Soutenir l’identité me semble hérésie, blasphème et ingratitude envers Dieu (…). Je ne comprends pas comment une femme savante ne se met pas en colère quand elle sait que certains veulent la nommer académicienne de numéro. ».

9 Ibid., « Cependant, n’y’aurait-il pas un risque pour ces assemblées ordinaires, tenant compte de la familiarité et de la camaraderie qui y règnent, en exposant les âmes de ces académiciens à l’amour au lieu de la philologie et autres sciences et disciplines ? »

10 1807-1903 : critique, poète, dramaturge et moraliste français, membre de l’Académie Française.

11 LEGOUVE, Ernest, traducido del francés por GAY, Narciso, Historia Moral de las mujeres, Madrid, Antonio de San Martin, 1860.

12 RIOT-SARCEY, Michèle, « Universalité des droits, la liberté en question dans la France au XIXe siècle » dans L’homme et la société, n°85-86, 1987. Les droits de l’homme et le nouvel occidentalisme, p. 92.

13 MILL, John Stuart, con prólogo de PARDO BAZAN, Emilia, La esclavitud femenina, Madrid, Agustin Avrial, 189?, p. 15.

14 CUBIE, Juan Bautista, Las mujeres vindicadas de las calumnias de los hombres con un catálogo de las españolas que más se han distinguido en ciencias y armas, Madrid, Imprenta Pérez de Soto, 1768.

15 PALACIOS FUENTE, Emilio, La mujer y las letras en la España del siglo XVIII, Madrid, Ediciones Laberinto, 2002, p. 46: « Dans [ce livre], je traite de la femme du milieu du XVIIIe siècle, “à cause du grand sentiment que me produit de voir le sexe féminin outragé injustement “ (…). Je donne à la femme les mêmes vertus, perfections et capacités morales et intellectuelles que l’homme (…) J’avertis, avec perspicacité, qu’elles travaillent autant que les hommes, mais à la maison et dans les tâches ménagères (…). J’observe dans cela (…) une plus grande capacité des femmes pour l’étude des sciences (…), sa constance et sa capacité pour garder des secrets, sa tendance mineure à la rage et l’avarice. »

16 Cette observation sur les femmes et le travail est présente dans ses ouvrages, par exemple : PARDO BAZAN, Emilia, Los Pazos de Ulloa, Barcelona, Daniel Cortezo y Cía., 1886.

17 RODRIGUEZ-SOLIS, Enrique, La mujer española y americana : (su esclavitud, sus luchas y dolores) : reseña histórica, Madrid, Tipografía de los Hijos de R. Álvarez, a cargo de Arturo Menéndez, 1898.

18 MILL, John Stuart, L’assujettissement des femmes, Paris, Guillaumin et Cie, 1876.

19 ACOSTA, Eva, Emilia Pardo Bazán: la luz en la batalla. Biografía, Barcelona, Lumen, 2007.

20 Ibid., p. 444 : (Les citations d’Emilia Pardo Bazán appartiennent à ses déclarations à La Ilustración artística, journal de Barcelone, le 10 juin 1901) : « En Espagne (…) on vit, notamment à ce propos, très en retard ! Serait-ce si difficile de rompre notre croûte d’inculture, de modifier notre jugement proprement musulman quant à la femme ! Et en même temps, ailleurs les choses vont si vite ! ».

21 Ibid., p. 445: « Pourquoi la bourgeoisie s’est-elle obstinée à priver de droits politiques et de droits civiques la femme, élément essentiellement conservateur, proche comme il n’y en a pas d’autre de la propriété particulière et individuelle, de l’héritage, de la stabilité sociale ? ».

22 Ibid. , p. 496-497 : « Un nouveau volume d’Emilia Pardo Bazán, Portraits et notes littéraires, publié en 1908, comporte une annonce de la Bibliothèque de la Femme. Dans cet annonce on peut lire : L’importance que dès le milieu du siècle passé le destin de la femme acquière, et l’agitation en faveur de sa culture visible dans les peuples les plus avancés, suggérera à Emilia Pardo Bazán l’idée de publier une Bibliothèque où il y aurait de la place pour tous les ouvrages possibles qui pourraient être utiles afin de compléter la connaissance scientifique, historique et philosophique de la femme dans toutes les époques et toutes les littératures ». 

23 HILTON, Ronald, « Emilia Pardo Bazán et le mouvement féministe en Espagne » dans Bulletin Hispanique, tome 54, n°2, 1952, p. 164.

24 « De l’assujettissement des femmes ».

25 Méconnaissance de la date de traduction précise dû au mauvais état du seul exemplaire sauvegardé à la Biblioteca Nacional de España.

26 MILL, John Stuart, con prólogo de PARDO BAZAN, Emilia, La esclavitud femenina, Madrid, Agustin Avrial, 189?, p. 7-16.

27 Ibid., p. 8-12.

28 Philosophe et féministe anglaise dont le deuxième mari sera Stuart Mill.

29 MILL, John Stuart, con prólogo de Pardo Bazán, Emilia, La esclavitud femenina…, op. cit., p. 13: « Celui qui n’est pas capable de comprendre que deux êtres humains de différents sexes se réunissent uniquement avec une seule intentionnalité, indique peut-être (…) son vrai état de conscience. »

30 Ouvrage de Mill publié en 1848.

31 MILL, John Stuart, con prólogo de Pardo Bazán, Emilia, La esclavitud femenina…, op. cit., p. 13: « Mais un certain chapitre de l’Economie Politique (…) celui qui parle de l’Avenir des classes ouvrières, celui-ci appartient complètement à ma femme ».

32 Ibid., p. 14: « Stuart Mill n’a ni pensé ni écrit L’assujettissement des femmes sur incitation de Mme Taylor ; ce qu’il fera sera de s’approcher de plus en plus de Mme Taylor quand il a vu que, malgré le fait d’être esclave par la loi, comme les autres de son sexe, elle avait une âme indépendante, digne de la liberté ».

33 Ibid., p. 15: « On peut le signaler comme l’un des plus grand bienfaiteurs de la femme sur le terrain positif (…) En 1867 il présente à la Chambre des Communes le projet de loi demandant pour la femme le droit au suffrage (…) Depuis ils ont augmenté (…) les partisans des droits politiques de la femme (…) et parmi eux (…) Benjamin Disraeli qui a voté avec Stuart Mill et Gladstone ».

34 Ibid., p. 17: « Les relations sociales entre les deux sexes – celles qui font dépendre un sexe de l’autre, au nom de la loi – sont mauvaises en elles-mêmes et sont aujourd’hui l’un des principaux obstacles pour le progrès de l’humanité ; je pense qu’il faut les remplacer par une équité parfaite » (Chapitre I).

35 Ibid., p. 21 : « La dépendance, telle qu’elle existe aujourd’hui (…) c’est l’état primitif de l’esclavage, qui se perpétue à travers une série d’adoucissements et modifications » (Chapitre II).

36 Ibid., p. 27: « Les réclamations des femmes demandant une éducation aussi solide et large que celle de l’homme sont chaque fois plus insistantes » (Chapitre IV).

37 Ibid., p. 62 : « La reine Isabel et la reine Victoria, si elles n’avaient pas hérité du trône, n’auraient jamais pu exercer la plus infime des fonctions politiques, et on connait la taille politique que la première de ces deux reines a atteint » (Chapitre XVI).

38 Ibid., p. 88 : « Figurez-vous la perturbation morale de l’enfant qui arrive à l’âge viril dans la croyance qu’ (…) il est supérieur en droit à toute une moitié du genre humain (…) même quand dans cette moitié se trouvent comprises des personnes dont son intelligence, son caractère, son éducation, sa vertu ou ses qualités artistiques sont infiniment supérieures à celles que lui possède » (Chapitre XXVIII).

39 Ibid., p.90: « Le bénéfice que l’on peut attendre de la liberté accordée aux femmes pour qu’elles disposent de leurs facultés, leur permettant de choisir librement la façon de les employer, et ouvrant les mêmes horizons et offrant les mêmes prix qu’aux hommes, serait de dupliquer la somme de facultés intellectuelles que l’humanité emploie pour son service » (Chapitre XXIX).

40 Ibid., p. 73 (Chapitre XXI).

41 « Exemple : Charlotte Corday ».

42 LENOTRE, G. Paris Révolutionnaire, Paris, Firmin Didot et compagnie, 1895, p. 253-256. Peut-être Pardo Bazán a-t-elle lu cet ouvrage dans lequel l’auteur indique comment la tête de Charlotte Corday est redécouverte lors de l’Exposition Universelle de 1889 à Paris. Il explique de même que selon les études du docteur Benedickt, la partie sus-nasale du front de Corday présente les allures d’un crâne d’homme.

43 MILL, John Stuart, con prólogo de PARDO BAZAN, Emilia, La esclavitud femenina…, op. cit., p. 81: «Cette pratique des Beaux-Arts (en Espagne au moins) est purement récréative, d’agrément. Quand les femmes veulent être des vrais peintres, leur sexe leur enlève, dans les Expositions, la médaille. Le cas est fréquent et personne ne l’ignore » (Chapitre XXV).

44 Ibid., p. 83 : « C’est très fréquent d’entendre dire aux maris, sur un ton dédaigneux qu’ils ne s’occupent pas de payer les visites ; que cela c’est l’affaire de sa femme » (Chapitre XXVI).

45 Ibid., p. 88: « Cela sera le cas dans l’éducation anglaise en général ; et dans l’espagnole je ne dirais pas qu’il ne soit pas ainsi entre des gens très discrets et fins, mais il est  fréquent d’écouter, lors des conversations des familles, des phrases et des concepts affirmant la supériorité du garçon sur celle de ses sœurs. Le garçon sort de chez lui tout seul dès qu’il a douze ou treize ans, tandis que ses sœurs ne peuvent même pas mettre un pied dans la rue ; on permet des livres aux garçons, on cache des livres aux filles. » (Chapitre XXVIII).