Retour sur le 1er mai 1934

Le 1er mai est une des journées les plus scrutées par les médias en ce qu’elle est tenue comme étant un bon indicateur de la situation politique et sociale du pays. L’année 1934 ne fait pas exception à ce constat puisque le climat y est très lourd, quelques semaines seulement après les sanglantes émeutes du 6 février, le tout dans une conjoncture internationale particulièrement tendue.

L’Ouest-Eclair a beau annoncer – pour mieux s’en convaincre ? – que ce 1er mai sera « calme » et semblable aux précédents1, la réalité est sans doute plus complexe. Le lendemain, le quotidien breton consacre en effet sa une à des affrontements à coups de fusil et de revolver ayant opposé à Paris quelques manifestants à la police. Il mentionne également plus de 74 000 absences dans les usines ainsi que quelques arrestations de « meneurs » pour entrave à la liberté du travail. Ajoutons enfin que pour le journal catholique breton, les coupables de ces troubles sont bien entendu les « agitateurs socialo-communistes »2.

Carte postale. Collection particulière.

Pour autant, il est difficile de mesurer la teneur réelle de ces troubles tant la ligne éditoriale de L’Ouest-Eclair parait vouloir en diminuer la portée. Ainsi peut-on lire dans le quotidien rennais que ce « 1er mai aura été avant tout à Paris la fête du Printemps et du muguet » puisque « l’églantine n’aura fleuri que de rares boutonnières ».  A Brest, la Dépêche est d’ailleurs sur une ligne semblable puisque, globalement, ce « premier mai a été calme » et est marqué par le triomphe du muguet3.

Mais qu’en est-il en Bretagne ? Difficile d’être catégorique à la lecture de ces deux seuls titres dont la ligne éditoriale est, par ailleurs, peu favorable au mouvement ouvrier. Si dans la Dépêche un article semble regretter, à l’occasion d’un défilé organisé à Brest, l’ancienne « fête du Renouveau » pour mieux condamner le caractère politique de ce 1er mai, il n’en demeure pas moins que le meeting organisé en fin de journée ne réunit que « 4 à 500 personnes »4. A Rennes, L’Ouest-Eclair se fait l’écho d’une affiche apposée sur les murs de la ville par la Confédération française des françaises travailleurs chrétiens. Celle-ci proclame notamment que

« le salut ne peut être cherché dans la lutte des classes, pas plus que dans la guerre entre les peuples. Les circonstances imposent,  à tous les degrés, pour toutes les catégories sociales, la pratique loyale d’une collaboration qui, par la discipline corporative librement acceptée, remédiera aux néfastes conséquences de l’anarchie économique.»5

A Brest, un cortège descend la rue de Siam le 1er mai 1934. Photoghraphie publiée dans La Dépêche de Brest.

Bien entendu, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi L’Ouest-Eclair ouvre ses colonnes à ce propos syndical tant la proximité idéologique est ici importante. Pour autant, rien de tout cela ne nous dit l’écho rencontré par ces affiches : sont-elles lues, comprises, acceptées par la population ? En d’autres termes, s’il est évident que pour les militants le 1er mai est une journée spéciale, d’action et de revendication, pour le reste de la population, cela est sans doute beaucoup plus flou. D’ailleurs, à Rennes, c’est la foire-exposition qui semble attirer le plus du monde, bien plus que les réunions organisées à la Maison du peuple6.

Erwan LE GALL

 

1 « On prévoit un premier mai calme », L’Ouest-Eclair, n°13690, 1er mai 1934, p. 1.

2 « Après une journée du 1er mai plutôt calme de graves désordres ont éclaté cette nuit à Paris », L’Ouest-Eclair, n°13691, 2 mai 1934, p. 1.

3 « Le premier mai a été calme », La Dépêche de Brest, n°18390, 2 mai 1934, p. 1.

4 « Le 1er mai à Brest », La Dépêche de Brest, n°18390, 2 mai 1934, p. 3.

5 « Le syndicalisme chrétien devant la crise », L’Ouest-Eclair, n°13691, 2 mai 1934, p. 6.

6 « Le 1er mai à Rennes », L’Ouest-Eclair, n°13691, 2 mai 1934, p. 7.